En 2001, THG Paris lançait ses premières collections en association avec l’emblématique cristallerie Lalique. Nées de la conjugaison originale de ces deux maisons détentrices de savoir-faire d’exception, ces robinetteries-bijoux incarnent dès lors l’excellence à la française. Retour sur la genèse d’un succès qui rime avec réciprocité.
Au commencement, la requête d’un architecte suisse faisant écho à celle d’un client fortuné, grand amateur de pièces signées René Lalique (1860-1945) dont il aime s’entourer au quotidien. Pour son yacht, cet émirati souhaite faire monter en robinetterie des presse-papiers issus de sa collection personnelle, détournant ces accessoires de bureau décoratifs de leur fonction première pour créer un univers tout entier voué aux sculptures de cristal de l’inventeur du bijou moderne dont les folles parures Art Nouveau ont fait la renommée au tournant du XXe siècle. Répondant à cette demande sur mesure, THG les transforme en des manettes aussi belles que préhensiles… De cette idée naitra une alliance unique de style et d’élégance qui allait par la suite changer l’image – et la perception – de la robinetterie, devenue parure. Impensable que cette brillante association demeure confidentielle : valise de démonstration sous le bras, Michel Gosse, directeur général, s’en va proposer un partenariat original à Lalique.
Et l’art fit son entrée dans la salle de bains
Fondée en 1888 par René Lalique et auréolée d’un prestige certain, la manufacture alsacienne n’avait jusqu’alors jamais réalisé d’objet usuel destiné à la salle de bains, réservant ses talents au strict registre des arts décoratifs… Un miroir peut-être, des appliques ou encore un panneau de verre ouvragé cloisonnant l’espace d’un train à l’instar du luxueux Côte d’Azur Pullman Express, mais un élément servant à distribuer de l’eau et considéré comme technique… La proposition faite par THG qui fabrique depuis 1956 étonne, détonne même. Suivant la ligne directrice fixée par Marie-Claude Lalique, la petite-fille du créateur, Gérard Tavenas, alors président du groupe Lalique, fait tout d’abord part de ses réticences : l’entreprise entend rester dans la ligne artistique de René Lalique en ne développant des produits que dans les seuls domaines explorés par le maître verrier : bijouterie, art de la table, pièces de déco… Photo ci-dessus : Collection Océania, THG.
Pourtant, quoi mieux que le cristal, matériau noble synonyme de pureté, pourrait être associé à la salle de bains, pièce où l’hygiène est reine ? Sûr du potentiel, THG prend à sa charge les frais de prototypage. Pour assurer la fonction mécanique, à l’ouverture comme à la fermeture, des études importantes sont nécessaires, de même que pour sertir de métal les presse-papiers et les faire tenir sur une base, par collage. THG consulte des clients qui, unanimes, confirment leur intérêt : le produit les séduit tous, y compris Lalique.
De nouveaux débouchés commerciaux
Très réputée à l’export, notamment aux Etats-Unis, la verrerie est en recherche de débouchés et gagnera un nouveau créneau commercial porté par une demande globale : dans le sillage du réseau que lui ouvre THG avec des distributeurs prêts à vendre le produit, elle commence à démarcher les décorateurs. Les catalogues THG (Lalique n’en avait pas encore dédiés au décor) participent de ce développement, en mettant en scène une offre complète : miroirs, appliques, vases prennent la pose aux côtés des collections de robinetterie, sachant que la clientèle qui achète est prête à acquérir d’autres produits… THG entre alors dans une relation de partenariat gagnant-gagnant qui deviendra son business model, se nourrissant de la notoriété de Lalique, prisé de la clientèle haut de gamme.
De l’adaptation à la création
Dès 2001, cinq collections sont lancées simultanément en adaptant sur la robinetterie THG des objets d’art existants de Lalique, en s’appuyant sur ses sujets emblématiques (faune, flore, femme…), parmi lesquelles Venice (œuf Grillon), Océania (étoile de mer), Naïade ou encore Bellagio (visage de femme), Métropolis (motif raisin). Le succès est immédiat, des deux côtés. À l’époque, la clientèle de THG est déjà pour 70 % à l’export (aujourd’hui 85 %), aux Etats-Unis, au Moyen-Orient, en Russie, mais pas encore en Asie. En 2006, THG sort un second catalogue, qui présente pour la première fois des créations sur mesure et plus seulement des adaptations. La collection Bambou marque par exemple le tout début de l’ouverture du marché asiatique. C’est aussi le premier objet détourné à son tour par Lalique qui transformera la poignée de robinet en un porte-couteau. Photos ci-dessus, de gauche à droite et de haut en bas : Collections Pomme, Venice, Masque de femme, Bambou, Mossi, Dahlia, Naïade, Hirondelles.
Une association heureuse
Depuis deux décennies, les deux manufactures travaillent ainsi, main dans la main : la direction artistique de Lalique dessine sur la base d’un cahier des charges technique et marketing de THG. Célébrant l’anniversaire de ce partenariat unique, la collection Hirondelles a choisi de rendre hommage au thème le plus iconique traité par Lalique en bijouterie bien avant la verrerie, ses ailes se déployant sur le logo de la verrerie. Un oiseau porte-bonheur, symbole même de l’association heureuse des deux maisons, dont la technique du tamponné sur le cristal givré (application au pinceau du bitume de Judée, un bain d’acide venant dépolir les parties non bitumées) rappelle qu’elles intègrent exactement les mêmes métiers, à mettre en parallèle. De la fonderie du verre et du métal, au polissage en passant par les traitements de surface, la création d’une pièce en cristal et d’une robinetterie requiert des industries identiques, qui forment le socle de ce partenariat intervenu au bon moment, prouvant qu’il y a un avenir à l’export pour le savoir-faire de ces PME qui représentent l’art de vivre à la française.
Remerciements à Sophie Durand, responsable des partenariats de THG, pour le récit de cette histoire, et Johanna Lopes, chargée de marketing et communication de THG, pour les archives catalogue.