Composé des mots Japon et Scandinavie, le style Japandi fait voyager notre intérieur vers des contrées minimalistes où l’essentiel rime avec fonctionnel. La salle de bains, conçue comme un sanctuaire, mais pas austère pour autant, devient un havre de quiétude qui invite au repos du corps et de l’esprit, dans un rapport plus frugal au monde et à la consommation.
Le phénomène Japandi n’est pas un énième exotisme, mais se situe à la croisée de deux arts de vivre non-matérialistes. Il s’inspire notamment du hygge danois (prononcer hou-ga), philosophie du bonheur partagé qui prône une sorte d’optimisme au quotidien, l’habitat devenant un nid calme, chaleureux et douillet, un refuge censé réconforter l’âme face à la rigueur d’un hiver aussi long que noir[1]. Photo ci-dessus : Receveur de douche souple de SolidSoft.
Si, par extension, le style fait la part belle au cocooning en toutes saisons, il puise surtout dans le concept spirituel de wabi-sabi. Dans le registre de l’esthétique, cette pensée nippone loue la simplicité, la qualité et la durabilité des objets qui nous entourent, en harmonie avec la nature. Émanation du bouddhisme, le wabi-sabi célèbre la « beauté des choses imparfaites, impermanentes et incomplètes […], la beauté des choses modestes et humbles […], la beauté des choses atypiques » [2], préférant les produits de l’artisanat que le temps patine aux biens standardisés et périssables, symboles d’une consommation « irréfrénée ». L’idée de ce principe zen, c’est de posséder moins, mais mieux, la qualité l’emportant sur la quantité. Photo ci-dessus : Collection Mya de Burgbad (design Jeanette Altherr, Studio Lievore Altherr Molina).
Le Japandi, un art de vivre avant tout
En décoration comme dans l’existence, le style Japandi invite à se défaire du futile, pour se reconnecter avec ce qu’il y a de plus fondamental. L’utilitaire est paré de valeurs positives : ce qui sert peut être beau et remplacer le superflu, que l’on accumule. Adieu bibelots, babioles et autres accessoires dénués de sens pratique qui encombrent l’espace pour faire « joli ». Bonjour le pragmatisme, les matières nobles, l’aspect brut du bois aussi bien que les finitions léchées de la laque… Photo ci-dessus : Vasque Volterra de Bathco.
Le style Japandi aime donc le fait main qui sait faire bien, et pour longtemps. La trace du temps qui passe ne rebute pas, au contraire. Métal, bois, pierre, céramique, terre cuite, bambou, rotin, laine, cuir…, le vieillissement des matériaux étant l’œuvre de la nature, marques et autres accidents sont l’apanage des choses appelées à durer. L’authenticité prime et les objets « mûrissent » sans passer de mode, devenant intemporels. Photo ci-contre : Collection Azuma de Noorth by Milldue (design Lievore Altherr).
Dans les revêtements et les équipements de la maison, salle de bains comprise, la palette de couleurs Japandi fait la part belle à la neutralité, à la discrétion, avec beaucoup de blanc ou d’écru en toile de fond, voire des pastels comme le rose poudré. Par contraste, ces tonalités mettent en valeur celles du bois du mobilier, claires ou foncées, chères aux décors scandinaves ou japonais. Le noir, le bleu nuit et l’éventail des gris sont aussi de la partie, de même que les verts – forestiers, olive, sauge… –, sans oublier les bruns profonds et le prune.
Le style Japandi dans la salle de bains
L’intemporalité et la simplicité caractérisent les salles de bains Japandi. Assurément, la craquelure d’une assiette qui a « vécu » distille un charme qui ne s’applique pas à la céramique sanitaire, étanchéité oblige. Et la nécessaire propreté du lieu n’est pas non plus propice à s’émouvoir de la formation de vert-de-gris. Il n’empêche… Ce style a récemment donné son nom à une collection de l’Atelier du Bain (groupe Jacuzzi), avec des claustras (en véritable cèdre rouge ou effet bois clair) adossés à la paroi de douche ou un verre opaque qui imite l’aspect des cloisons de papier de riz. Du point de vue esthétique, ces modèles de parois donnent le ton dans la salle de bains, embarquant l’imaginaire vers un ailleurs où le dépouillement va de pair avec le recueillement. Chez Schulte, ce sont les panneaux muraux qui adoptent ce motif de claustras (décor Japandi Vertical) dans la douche. Photo ci-dessus : Paroi Japandi d’Atelier du bain, avec son claustra effet bois.
Pour aérer l’espace et fluidifier une zone d’intense passage comme celle allouée au point d’eau, les meubles suspendus sont également indiqués. A l’instar du mobilier japonais, qui se développe en enfilade près du sol, ils sont rarement associés à des meubles hauts, à moins que ceux-ci ne présentent une très faible profondeur pour ne garder à portée de main que ce dont on ne peut se passer plutôt que ce que l’on entasse, à commencer par les trop nombreux produits d’hygiène ou cosmétiques… Photo ci-dessus : Baignoire Immersion d’Agape (design Neri&Hu).
Portée par cet art de vivre, l’idée de « décongestion » a de l’intérêt dans la salle de bains, même si elle s’oppose aux habitudes et à la majorité de meubles profonds propices à l’accumulation… Et si l’essentiel rimait avec fonctionnel, sorte de quintessence du « less is more » ? Le designer Arik Levy, expliquant les fondamentaux de la collection Voyage qu’il a pensée pour VitrA (et qui doit selon lui beaucoup à son expérience des rituels de purification autour de la toilette au Japon), n’hésite pas à se dire « obsédé par l’efficacité » afin que le rangement s’attache à l’indispensable, avançant de pair que « la beauté est une fonction.»
Références
[1] Paru chez First en 2016, Le Livre du Hygge. Mieux vivre, la méthode danoise de Meik Viking est un best-seller qui se présente comme « une méthode simple pour se réapproprier tout ce que la vie moderne nous confisque comme source de bonheur et de bien-être. »
[2] Extrait du livre de Leonard Koren, Wabi-sabi à l’usage des artistes, designers, poètes & philosophes, Collection Le Prunier, Sully, 1995.