Plus que jamais au service de ses utilisateurs, la salle de bains se la joue volontiers majordome, avec des plateaux satellites rayonnant autour des points d’eau dans des constructions aériennes et pratiques qui vont jusqu’à échafauder d’insolites étagements…
Près de la baignoire comme au lavabo, il est utile de savoir où poser son nécessaire de toilette sans encombrer l’espace… quitte à l’investir autrement. Pour supporter (plus que transporter) les objets qu’il est commode de conserver à portée de main, les plateaux sont une solution que le design commence à intégrer, avec une incidence sur la forme même des éléments ou leur accessoirisation.
Deux voies se développent en parallèle. L’une modifie l’anatomie des éléments en incorporant des sortes de plateaux utiles à la dépose, tandis que l’autre invite à davantage de mobilité, avec des auxiliaires amovibles qui s’ajoutent au modèle de base pour accroître sa fonctionnalité ou des annexes légères, fixées dans des zones intermédiaires. La plupart du temps circulaires, ces dernières se déploient parfois au niveau de la robinetterie qui se dote de cette façon d’un étage/étagère.
Photos ci-dessus : console Monsieur de Falper, design Matteo Thun & Antonio Rodriguez – mitigeur de lavabo Disk, collection Kartell by Laufen, design Ludovica + Roberto Palomba – mitigeur sur pied pour baignoire SX de Cristina-Ondyna, avec tablette en ciment qui tourne sur son axe.
Un auxiliaire fixe…
Au point d’eau, le consommateur peut opter pour un produit qui incorpore directement ce concept de plateau de service ou préférer lui adjoindre des compléments. Ceux-ci ne sont alors pas inclus dans l’objet lui-même, mais placés en général juste au-dessus, aménageant une sorte de mini-plan secondaire, cette autre dimension était d’ordinaire allouée… au vide. Une manière d’optimiser les volumes disponibles, fussent-ils moindres, dans une pièce qui en manque souvent…
De gauche à droite : meuble Balda de Porcelanosa, design Jorge Herrera – vasque-chapeau Solidcap d’Ideavit – lavabo Voyage de VitrA, design Arik Levy – vasque bicolore, projet Dim Sum, design Ludovica + Roberto Palomba, Design Week Milan 2018, Flagship Store Kartell by Laufen – lavabo-colonne Plateau de Ex.t – ligne Cyo d’Orka Bathroom, design Sezgin Aksu.
C’est ainsi que, signée Arik Levy, la collection Voyage de VitrA comprend un lavabo asymétrique en céramique dont la cuve ronde (une forme atypique pour du suspendu, plutôt réservée aux versions à poser) est cernée pour moitié d’un plan déporté qui crée une plage de dépose latérale quadrangulaire. Même si l’intention diffère, la vasque-chapeau Solidcap d’Ideavit incorpore elle aussi un développement sur le côté : en porte-à-faux, sa « visière » introduit une dose d’utilitaire au-delà de l’analogie plutôt fun (à défaut d’être fine) avec un couvre-chef.
Un autre type de prolongement se démarque avec la pièce maîtresse de la collection Balda pour Porcelanosa. Dessinée par Jorge Herrera, la vasque en pierre ne repose pas directement sur le plan en noyer de la console métallique qui l’accompagne, mais fait corps avec un plateau dont elle semble émerger, tel un cratère volcanique, et qui, à la manière d’une nappe, protège le bois des éclaboussures. Avec Delfo de Cielo (design Andrea Parisio & Giuseppe Pezzano, à droite), la vasque posée sur une plaque également en céramique (16 teintes, à associer/dissocier) se « détache » elle aussi du meuble en chêne ou en eucalyptus. Une idée partagée en quelque sorte par le prototype de vasque bicolore imaginé par le duo créatif Ludovica + Roberto Palomba pour le projet Dim Sum, avec son « ruban » contrastant qui forme une ceinture d’une dizaine de centimètres de largeur autour de la cuve, à l’aplomb du plan de toilette. Ou encore par l’une des déclinaisons d’un autre ovni, la ligne Cyo (pour Create Your Own) vue sur le stand Orka Bathroom lors du Cersaie 2019, concept doublé d’une aile monoplan sur les autres versions, dont les couleurs sont pour le moins funky.
… ou mobile
A l’inverse, des tablettes mobiles ou des plateaux annexes autonomes équipent désormais de nombreux points d’eau, notamment chez Ex.t avec le lavabo-console Stand par Norm Architects sur lequel vient se clipser un disque-tablette, mais aussi Itlas avec Elisse, point d’eau minimaliste surmonté d’une sellette en réduction à l’instar de la structure ultra légère Monsieur de Falper signée Matteo Thun & Antonio Rodriguez…, alors qu’avec Rigo d’Agape conçu par Patricia Urquiola, ce sont des carrément des boîtes-plateaux qui se déplacent, au gré des besoins, le long d’une poutrelle soutenant le point d’eau.
A l’heure du bain, les options prises par les designers suivent également ce double schéma, avec un plateau fixe ou déplaçable. La bien-nommée collection Plateau de Ex.t (à gauche) en apporte la preuve formelle : une ailette est greffée aux flancs du lavabo sur colonne aussi bien que sur la baignoire. Un dispositif qu’explore aussi le modèle en îlot compact repéré sur le stand Arblu du salon ISH 2019 (à droite), son « empennage » en ellipse servant de zone de stockage permanente pour les produits de soin du corps et des cheveux. Noorth by Milldue Edition (au centre) propose une solution alternative qui ringardise le traditionnel pont de baignoire : deux disques en quinconce sont posés à cheval sur la cuve de la baignoire Azuma (modèle 19.01), lui offrant une extension aussi pratique qu’esthétique, sans gêner l’immersion.
Disposition en étages
Quitte à empiler les plateaux de façon quasi tribale sur le « cou » d’une colonne comme y invite le nouveau lavabo Totem de White Ville (design atelier Oï), découvert lui aussi à Francfort (photo de droite), pourquoi ne pas placer les éléments de la salle de bains sur des pilotis ?
C’est le parti-pris d’une collection originale qui, fonctionnant sur un modèle assez semblable au point d’eau de White Ville, ose aller bien plus loin dans le reste des postes de la salle de bains. Antithèse surprenante des receveurs installés à fleur de sol, le plateau de douche autoportant de la ligne Milo (collection Ferrazzano) chez Kolpa (photos de gauche) est au contraire posé en équilibre au-dessus, générant un surprenant effet de lévitation. En porte-à-faux assez net (d’environ 20 cm), ce receveur de 120 x 120 cm est surélevé par un socle central qui, en retrait, fait office de soutènement discret sur lequel un plan doté de quatre pieds prend appui. Au diable l’encastrement et la question de la hauteur du receveur, qui est tout de même de 22 cm au niveau du rebord courbé ! Cette construction atypique vaut aussi pour la baignoire, également formée de trois éléments superposés, le décalage du niveau supérieur étant cependant moins prononcé.