Et si la céramique « devenait » verre, troquant son opacité pour une forme de transparence ? Impression numérique aidant, c’est le pari esthétique osé repéré parmi les dernières collections, avec des carreaux cernés de cadres ressemblant aux baguettes de plomb des vitraux. De là à transformer le mur en verrière…
Par définition, les vitraux sont des panneaux de pièces de verre assemblées par compartiments au moyen de baguettes de plomb soudées entre elles. Rien à voir avec le carrelage me direz-vous ? Pourtant, une tendance inédite se fait jour du côté du grès cérame avec le lancement de gammes qui, chacune à leur manière, imitent le rendu de ces compositions.
L’idée peut surprendre, même si l’agglomération de fragments de verre disparates est à mettre en parallèle avec le travail ancestral de la mosaïque. Certes, le ruban de plomb peut faire figure de joint de scellement, mais réussir à faire de l’opaque grès cérame un passeur de lumière pourrait relever de la transmutation…
Pourtant, à défaut de transparence, l’alchimie fonctionne. Le point commun de toutes ces démonstrations est la reproduction de l’armature en métal gris bleuâtre, aussi dense que malléable. Simulant le cordon de plomb maintenant les pièces de verre, ces carrelages dévoilés sur le Cersaie 2019 sont cernés d’un trait au contour irrégulier, d’un demi-centimètre de large environ et en légère saillie. Chez Naxos, la bordure délimitant le décor Rebel de la collection Hub ressemble à s’y méprendre à du plomb (photo ci-dessus) tandis qu’Aparici mise sur un effet plus métallique encore, avec la collection Steel (photo d’ouverture, ci-dessus).
Dans un esprit industriel, cette dernière est aussi celle qui offre la plus fidèle contrefaçon du matériau, présentant des impressions bluffantes de carreaux cassés, fendus, éclatés… Ces « accidents » apportent du relief en créant un jeu de profondeur. Des micro-perspectives donnent l’illusion d’une troisième dimension servie par l’intensité variable des très nombreuses couleurs, qui ne sont pas traitées en aplat mais nuancées et superposées. Même s’il est impossible de parler de transparence, la céramique parvient à suggérer le verre tout en faisant écran. Photo ci-dessus : décor Glass Factory mat, collection Scenari, Sartoria.
Pour renforcer les similitudes, la palette du céramiste qui suit cette tendance emprunte à celle, pleine d’austérité, du maître-verrier de « grisailles ». Devenue un style à part entière, cette technique fait référence aux vitraux monochromes en camaïeu de gris. En juxtaposant, ton sur ton, différentes nuances, la grisaille souligne les ombres et donne l’illusion du relief par ajout d’oxydes métalliques avant la cuisson du verre… Photo ci-contre : collection Glass, Ermes Aurelia.
Pas de motifs figuratifs construits par assemblage ni emploi de couleurs vives, mais des nuances sobres et sombres éventuellement ponctuées de dessins schématiques et abstraits, comme des évocations de bouts de tissus dépareillés façon patchwork chez Ermes Aurelia ou des lavis bleutés, non pas réalistes mais stylisés chez Sartoria avec le décor Glass Factory mat intégré à la collection Scenari.
La notion d’assemblage rejoint celle de calepinage, parfois prétendument savant, à l’instar des carreaux de la collection Hub chez Naxos dont la géométrie interne alterne les formes de manière dynamique. Les faux fragments de verre « s’empilent » au format rectangulaire, mais aussi carré à la manière de la collection Glass du fabricant Ermes Aurelia. Il y a dans ce cas une certaine ressemblance avec l’étagement de briques de verre… à ceci près, qu’au mur il ne peut y avoir de passage de lumière. Au mur ou au sol, les décors flammés typés 70’ de la collection Narciso de Viva ajoutent une note hypnotique (photo ci-dessus à gauche).
A noter : si le grès cérame reproduit le vitrail pour nous en mettre plein la vue, le papier-peint waterproof adapté à la douche n’est pas en reste dans la salle de bains avec notamment un décor de la nouvelle collection X de Glamora, dans la gamme GlamFusion : Eden et sa reproduction d’une verrière ancienne en verre dépoli derrière laquelle la végétation s’invite, en transparence (photo de droite).