Si, dans la salle de bains, le carrelage imitant le parquet truste le devant de la scène depuis une dizaine d’années, le Cersaie 2018 a prouvé que les industriels sont encore en capacité de se renouveler. Essences et gammes chromatiques inédites, schémas de pose dynamiques… le bois déploie de nouvelles branches.
Contre toute attente, cette tendance lambrissée qui n’en finit pas de pousser révèle de jeunes ramifications, récemment apparues au grand jour. Une manière un rien paradoxale « de sortir du bois » pour mieux y rester puisque les digressions sur le sujet sont loin d’être épuisées, avec un bouquet de nouveautés.
Faussement intemporel, le bois continue à réchauffer nos intérieurs même si la profusion de collections fait parfois écran à l’inventivité des fabricants qui sont loin d’avoir fait « feu de tout bois ». Ils renouvellent même avec subtilité un genre plus fertile qu’il n’y paraît. Car, bien que vendus en masse, ces carreaux que l’on croyait avoir déjà vus – et même revus – ne se banalisent pas, au contraire.
Tel un caméléon
Roi de la contrefaçon, le carrelage parvient maintenant à reproduire l’usure en surface, la trame, la teinte et les veines du bois, avec à la clé des effets bluffants et un rendu plus vrai que nature. Hyper réalistes grâce à des techniques d’impression numérique innovantes, ces carreaux imitant le bois en offrent tous les avantages esthétiques sans les inconvénients. Leur entretien facile et leur insensibilité à l’humidité séduit d’ailleurs plus que jamais la salle de bains.
Pour d’évidentes raisons de commodité, le carrelage ayant l’apparence du bois représente l’alternative idéale pour s’assurer de la durabilité du revêtement dans les pièces d’eau, tout en leur apportant une certaine « chaleur ». Plus ou moins longues et étroites, ces lattes d’une solidité exemplaire génèrent de surcroît une sensation de profondeur au sol, toujours appréciable lorsque les m² sont comptés. En soulignant les points de fuite de la perspective grâce aux joints, cet assemblage de lames façon parquet, souvent en grès cérame, donne visuellement l’illusion d’un espace plus grand, comme dans cette ambiance signée Cæsar – ci-dessus – mettant en évidence le potentiel décoratif de la collection Arthis, coloris Vapor.
Une futaie bien affûtée
Pour rythmer ces surfaces unifiées, une grande variété de formats existe, qui vont couramment jusqu’à 180 cm, voire 240 cm (Refin, collection Giant ; Ekho de Supergrès) et même 270 cm (Ariana, collection Wide, Bath Design) sur de petites largeurs (20 ou 30 cm, le plus souvent). Ces « planches » adaptent le principe du grand format à des « boiseries » qui se posent aussi à la verticale. La collection Lakewood dévoilée à Bologne par Sant’Agostino suggère par exemple d’habiller les murs jusqu’à mi-hauteur pour créer des soubassements imputrescibles autour du point d’eau, avec des planches patinées aux bords arrondis dont la surface est typique du bois huilé imprégné de cire naturelle. Ce principe d’agencement qui donne du cachet aux murs est également travaillé, dans un style plus classique qui se réfère aux panneaux menuisés, par la collection Beat de Keope et sa très « enveloppante » couleur Taupe, emprunte de douceur et d’élégance.
Combinaisons de pose et formes géométriques
Parquet à coupe perdue, en chevrons ou à bâtons rompus, Chantilly, Versailles ou d’Arenberg, les techniques de pose varient… A l’instar des parquets traditionnels, la multitude de formats permet des calepinages savants qui véhiculent une certaine idée de l’artisanat et du luxe sans pour autant se référer aux seuls legs du passé.
Parmi les nouveautés lancées sur le marché, la collection Bio-Select de Lea Ceramiche (ci-contre) se décline en trois formats (20 ou 30 x 120 cm et 30 x 180 cm), cinq nuances de chêne (Vanilla, Ginger, Natural, Ash, Cloves), deux de noyer (Tobacco, Cinnanmon) auxquels s’ajoutent cinq types de décors originaux.
En démultipliant les combinaisons de pose, ces décors exploitent parfaitement cette géométrie très actuelle en offrant des « gabarits » polyvalents et modernes : ABC (triangulaire avec trois trames internes différentes, plus ou moins larges et travaillées à l’horizontale, à la verticale ou en diagonale), Chevron (très décoratif), Whirl Mix et Drunk (formes trapézoïdales), ou Strip (bandes).
Même idée développée par Fap avec le Cube de la collection Nest, (ci-contre), en 37,5 x 43 cm. La nouvelle collection Loire des carrelages Metropole de Keraben est également placée sous le sceau de la (ré)créativité avec, au choix, un jeu de carrés ou d’obliques figurant des chevrons de sections irrégulières au design contemporain, disponibles dans quatre finitions (Crema, Roble, Light, Dark).
Brut de sciage
Sans jamais se départir de leur côté vintage, ces décors innovants apportent une indéniable touche de caractère à la salle de bains. Avec des carreaux muraux 3D inspirés par l’empilement de planches, la série Arbour d’Atlas Concorde ajoute un relief texturé à des fines bandes horizontales (3D Wooden). Trace du temps qui passe, les surfaces usées sont particulièrement en vogue, de même que les matières naturelles (y compris contrefaites, donc) portant l’empreinte de la scie, comme si le bois n’avait subi aucun traitement, pas même un ponçage.
Singulariser la matière
Associant un look vieilli à l’expression de la modernité, la collection Woodspace de Ragno (ci-contre) alterne surfaces brillantes et mates afin de mettre en valeur nœuds et veinures du chêne tandis que, en plus de la finition naturelle, Cerim propose une variante brillante de Hi-Wood, sa dernière collection. Traitement poli ou dépoli, la question se pose donc à nouveau tant les sols d’aspect vernis semblaient refaire significativement surface lors du dernier Cersaie…
Du côté d’ABK, la collection Nest reproduit l’aspect brut du bois recyclé, y compris au toucher avec lézardes et fausses aspérités pour singulariser la matière sans se blesser. Chez Iris Ceramica, Litt Wood est une collection qui se différencie par un traitement « brûlé » du bois et un motif de « coupe » concentrique sur ses dalles en 20 x 20 cm qui, déclinées dans des gammes chromatiques inédites (du rouge associé à du gris par exemple) deviennent vraiment graphiques. Le mix avec des effets béton, marbre ou tissu (Nest de Fap Ceramiche) se développe également, porté par cette même recherche de contrastes élégants.
Du clair à l’obscur
Si l’engouement pour le design et le style scandinave a depuis longtemps remis au goût du jour les carrelages représentant des essences claires qui insufflent de la modernité aux intérieurs, y compris dans l’esprit des parquets blanchis connotés plus campagne, les essences nordiques sont à présent concurrencées par des bois assez foncés. Fumées ou cendrées, les tonalités de gris séduisent dans cet entre-deux, avec une mention spéciale accordée à la collection Nuance de Panaria qui intègre des inserts dorés du meilleur effet. Aux innombrables variations autour du chêne qui fonce (ci-contre : Jurupa de Mirage, 30 x 20 x 120, 240 cm) ou, plus insolite, du châtaignier centenaire (Giant de Refin, jusqu’à 30 x 240 cm), s’ajoute une palette de bruns issus de différents types de noyer, qui est également de plus en plus visible du côté des meubles de salle de bains. Sur ce thème plus sombre, la collection Lakewood proposée par Sant’Agostino s’est détachée du lot lors du dernier Cersaie en faisant référence aux bois huilés prisés aux USA, jusqu’alors peu proposés en dehors de l’export.
Un arboretum vagabond
Direction l’Australie avec la collection Koori de Ceramica Fioranese (25,1 x 151 cm) qui reproduit la texture si particulière de l’Eucalyptus alors que le bois crevassé, lourd, dur et résineux des gommiers de Tasmanie ne se prête normalement pas à la menuiserie mais à la construction, notamment navale. Preuve de ce goût pour les essences de bois rares et précieux issus de terres lointaines, Cotto d’Este (photo ci-contre) s’intéresse également aux bois exotiques avec sa nouvelle collection Woodland. Dans la famille de grands formats de faible épaisseur Kerlite (20 x 120, 30 x 240 cm, 6,5 mm) elle s’articule autour de deux finitions, Soft (Atlantique, Boréal, Tropical, Teck, Ebony) ou Wild. Déclinée en trois tons contemporains (Arden, Groove, Wolden), cette finition brute affiche une surface à forte personnalité qui reproduit les variations du rouvre patiné, avec des nœuds et des veines apparents qui raniment la flamme de ces décors singuliers.