Si l’on considère les tendances comme des principes directeurs qui font évoluer les styles et nourrissent les modes, la géométrie est sans conteste l’un des grands théorèmes qui inspirent actuellement le carrelage. Au sol comme au mur, la salle de bains se couvre de figures abstraites.
Le recours à l’abstraction libère de nouveaux territoires d’expression pour les fabricants de revêtements. Surdimensionnés (Ornamenta, collection Operae, photo ci-contre) ou au contraire pointillistes (Livings Ceramics, collection Cava ; Vogue, collection Confetti, photo ci-dessous), les motifs géométriques donnent volontiers dans la répétition, comme pour engendrer un effet d’écho graphique, construit selon une planification plus ou moins stricte. Cette redondance n’est pas vaine, elle diffuse du rythme sur les murs. La succession de carreaux crée des séquences qui se contentent en principe d’habiller un pan unique, le plus souvent autour du point d’eau pour le mettre en valeur sans miser sur la douceur (Marazzi, collection Eclettica, décor Etoile Blue).
La recherche de phénomènes optiques
Dans la salle de bains, la parallèle entre la tapisserie et le carrelage n’en finit pas d’être tirée. Même si les décors total look sont assez rares, le côté vintage bat son plein, avec des réminiscences assez évidentes des formes psychédéliques chères aux années 1960-70. Dans ce cas, les dessins sont chargés (14 Ora Italiana, collection Folk, décor Pisa ; Ceramica Fioranese, collection Liquida, décor Porthole) et les fonds pleins dans un esprit papier peint.
De façon mécanique, la redite de la partition brode sur un même motif qui peut cependant changer de sens, sinon d’apparence, en fonction du calepinage. Le positionnement des figures qui composent chaque carreau permet d’en façonner d’autres, par combinaison (Mutina, collection Accents ; Ceramica Bardelli, collection Pittorica).
Rythme et mouvement
Le sens de la pose peut même souligner les volumes de la pièce (Revigres, collection Cromatica, décors chevron et cube) en usant de carreaux unis, tandis qu’une géométrie complexe se développe au sol, sur de plus grands formats (Ceramica Bardelli, collection Palladian, design Studiopepe). Dans le registre des panneaux XXL, Casal Grande Padana, spécialiste du 120 x 140 cm avec la collection Pietre di Paragone issue de la nouvelle génération de dalle en grès Kontinua (ép. 6,5 mm), dévoilait également à Bologne le décor Round Square. Dans un élan proche de l’Op Art, il associe le cercle au carré par transparence et superpositions, et offre une solution très impactante visuellement pour « tapisser » l’espace.
Faire surgir l’imprévu, la liberté et l’imaginaire
D’autres collections, en 20 x 20 cm cette fois, sont pensées pour une pose libre, voire aléatoire (ABK, collection Play, décor Play Edge Mix Multicolor, photo ci-dessus) selon le principe du « mix & match ». Avec une quinzaine de dessins différents, ces carreaux sont unitairement dépareillés mais forment un ensemble harmonieux bien que couleurs et lignes de fuite partent dans des directions diverses, sinon contraires (Ceramica Panaria, collection Even). Dessinée par le Studio Marcante-Tesla, la série Confetti en grès émaillé comprend des micro motifs, déclinés en six variantes couleurs plus 8 teintes pleines dans un format unique (25 x 25 cm rectifié).
Comme pour les patchworks (eux aussi très en vogue), il suffit d’écrire son décor en utilisant tous les carreaux mis à disposition à la manière d’un alphabet (de pictogrammes plus que de lettres, donc) permettant d’écrire toutes sortes de propositions (41zero42, collection Futura, photo ci-contre).
Plus sages, des lignes de carrelage invitent à des « empilements » de formes issues d’un répertoire plus traditionnel, avec un retour assez marqué des étoiles et autres octogones d’inspiration orientale (Cir ceramiche, collection Miami ; Mainzu Ceramica, collection Rivoli).
Des formes expressives mais non représentatives
Coup de cœur de notre repérage tous azimuts sur le salon Cersaie 2018, la collection Sunday présentée par la très inventive firme 41Zero42 ne donne pas non plus dans la réitération continue (photo d’ouverture). Non seulement les figures abstraites qui constellent le décor Sunset Gesso ne sont pas toutes identiques, mais elles constituent le sujet d’un tableau extrapolé à partir d’une… plage. Vus d’en haut (sur un plan horizontal) mais appliqués à la verticale, les gros ronds symbolisent les parasols, les petits les ballons, les plus longs rectangles indiquent les transats, aux côtés des serviettes de bain (…). Cette cartographie qui semble avoir été réalisée à l’aide de gommettes apposées ci et là sur une feuille de papier a reçu un traitement assez proche du style Memphis, en vogue dans les années 1980, associé ici à une touche très séduisante d’Art Déco.
L’art des assemblages
Lignes, triangles, carrés, rectangles, cercles, segments… tous les tracés sont autorisés dans cette mathématique très esthétique. Le langage géométrique peut être dépouillé, composé de formes simples, dans un nombre limité de couleurs. Parfois, une forme en contient une autre, insérée dans un carreau qui sert de « réceptacle ». Ainsi, aussi épurée qu’actuelle, la collection Solaire développée par Luca Nichetto pour Harmony (photo) donne vie à des surfaces graphiques et sculptées, un format s’imbriquant dans un autre pour mettre en scène des carrés parfaits. Associés à une forme en T, le carré de partie manquante vient s’ajouter pour former un Tout, façon puzzle parfait. Pour varier la trame et le canevas, cette collection moderniste est disponible, selon les formats (22 x 22 cm, 45 x 45 cm, 90 x 90 cm), en trois à six couleurs pour un choix aussi conséquent de décors pas si neutres, imprimés en creux dans la matière comme des poinçons.