Ce spot publicitaire de Villeroy & Boch, diffusé en 2022, « s’adresse avant tout au mode de vie d’une cible jeune, tout en mettant en scène la marque de manière inhabituelle et différente, avec beaucoup d’humour. » Décryptage de cette communication décalée qui, bousculant les codes tout en soulignant la dimension patrimoniale de l’entreprise, permet de la présenter« sous un nouveau jour ».
Sur YouTube, l’image de couverture offre un plan serré sur le personnage-conducteur du film, tout sourire. L’arc de ses lèvres trouve écho dans celui de l’imposte qui couronne la porte en arrière-plan, indice d’un bâti ancien. Confortablement assis dans un fauteuil de velours gris clair qui joue l’intemporalité, notre monsieur loyal porte un costume rose associé à un pull dont les tons carmin se (con)fondent avec la moquette qui tapisse le sol, manière de l’ancrer/encrer dans le décor. Il est lui-même et chez lui.
Avenant, il brandit une tasse ornée d’un message. Placée au cœur de la composition, cet objet déclare à l’écran, à mots découverts inscrits en noir sur la porcelaine blanche (matière-matrice-fétiche) : Make it happen. Le procédé est à rapprocher de la formule prononcée par le narrateur en préambule d’un conte de fée, captant l’attention et formulant un vœu qui aura valeur de quête. Faites en sorte que cela arrive, voilà l’incantation choisie pour impliquer le spectateur dans l’histoire, la sienne, en tant qu’acteur de son destin, tout autant que dans celle de la marque qui s’apprête à l’(ac)cueillir.
Prologue
C’est naturellement l’ancienne abbaye bénédictine de Mettlach, en Allemagne, emblématique siège social de Villeroy & Boch, qui fait la véritable ouverture du film. Ce monument introduit à la fois le cadre et le sujet. A ses pieds, les eaux de la Sarre caractérisent l’écoulement perpétuel du temps. Sa colossale façade se déploie frontalement dans un large plan d’ensemble, une centaine de fenêtres symbolisant l’ouverture sur le monde d’une marque transfrontalière. Avant même la première seconde, la caméra use d’un zoom avant qui fait plonger le spectateur dans l’univers de l’entreprise. Révélation : calquée en surimpression sur la porte cintrée et le perron en arrondi, sa signature graphique fait corps avec l’édifice de grès rose. La date de création de Villeroy & Boch apparaît alors comme la fondation de cette construction à l’équilibre solide, dont le bâtiment, imposant, est lui-même une métaphore.
Préambule, les présentations
Dans la séquence suivante (00’01), les portes, intérieures cette fois, s’ouvrent, comme par magie. Notre guide s’avance vers nous, précédé d’une suite de serveurs/serviteurs sobrement vêtus de noir, accompagnant dans un ballet fluide le préambule sonore : « Bienvenue chez Villeroy & Boch ». Leurs bras, chargés de vaisselle, sont l’occasion de poser les bases (00’04) : « Nous fabriquons de la porcelaine de qualité depuis 1748 ». La fondation, encore…
Alors que le geste souligne la parole, pouces et index reliés (00’06), l’attention se focalise sur un décor peint, que la logique associe à celui d’un plat. Par un changement rapide de focale, cet objet fait doublement sensation et renverse les clichés : alors qu’il est qualifié de « ma-gni-fique », l’on découvre que cette extase est déclenchée par une cuvette WC, pièce patrimoniale du Centre de découverte qu’abrite l’ancienne abbaye (00’09). Une manière de (dé)montrer que les arts de la table sont indissociables de la production de céramique sanitaire chez Villeroy & Boch, « pour que chacun profite de tous les moments de la vie », y compris les plus intimes… Un brin hardie sans paraître choquante, la phrase est prononcée sous une haie d’assiettes colorées (00’10). La mise en scène, digne du music-hall, met en lumière dans la bonne humeur propre au divertissement ce qui relève du privé, qui s’expose ici sur le même plan que la vaisselle, son double opposé, vecteur d’interaction sociale…
Du passé faire table… pas rasée
Qui dit musée dit hommage. Mais pas forcément révérencieux. Le passage devant le buste de l’un des « fondateurs qui adoraient aussi les rouflaquettes » sert à créer, sans complexe, du lien entre les époques. Inattendu, ce jeu de ressemblances, du col aminci de la veste aux pseudo-favoris des barbus d’aujourd’hui, contribue à désacraliser les figures tutélaires du passé (00’14), qui semblent ainsi plus proches.
Notre guide ne se présente plus de face et progresse désormais de la gauche vers la droite, amorçant un travelling vers la deuxième partie du récit. Après le spectacle de variétés, le cirque… Tandis qu’il avance que les « produits sont testés pour toutes les situations », un cri, corolaire d’une rencontre fortuite, marque l’irruption d’un saltimbanque exerçant son numéro d’assiettes tournantes (00’18) : « Oh, un jongleur ! ». La casse ? Même pas peur.
Innovation, tradition et style… à toute épreuve
Une autre porte conduit à présent à la salle de bains et aux toilettes « testées par de vrais experts » (00’20). Deux enfants sont à la manœuvre, qui repoussent les limites prévues pour une utilisation lambda : une fillette baigne une couvée de canetons dans la vasque d’un meuble en finition bois (mais qui résiste à tout) tandis qu’un garçonnet teste les lois de la physique (et la force de Coriolis) en soumettant un palmipède, en plastique cette fois, à l’attraction d’une chasse puissante, activée avec facilité via une plaque de commande.
Nous entrons ensuite dans une autre salle de bains. Il s’agit cette fois de capacité de rangement, thème cher aux consommateurs. Les armoires de toilette y sont éprouvées « par des spécialistes du maquillage » incarnées par un trio de jeunes femmes, ersatz moderne des Trois Grâces, mêlant séance de selfies et mise en beauté, leurs produits parfaitement alignés sur les rayonnages, starisés dans un halo de lumière (00’27). Ainsi, à chaque segment de marché son univers clos… et sa séquence, avec en toile de fond les collections Finion et Subway 3.0 ou encore l’innovation TwistFlush.
Toujours en mouvement
A mi-parcours (00’30), notre accompagnateur revient sur ses pas. Parcourant l’écran en sens inverse, il est heurté (00’31) par une ado qui fait rimer pratique du roller avec intérieur. La jeunesse ! Elle se saisit au passage d’une bouteille type isotherme, dont l’usage récent illustre la mobilité et, in fine, l’adaptation perpétuelle aux besoins, ceux d’aujourd’hui étant l’évolution de ceux d’hier, dans un aller-retour constant. Ce bref accrochage est aussi une allégorie de la façon dont la marque entend bousculer les codes en préparant ses produits à affronter les vicissitudes du quotidien : « Nous les testons pour ces moments, spontanés, surprenants, qui célèbrent la vie et qui valent la peine d’être partagés. »
Chaque mot-clé de ce propos est calé sur une image… Après l’illustration de la spontanéité, un couple d’âge mur s’apprête un déguster un hamburger singulièrement mis sous cloche, créant une collusion entre l’accessoire-signature de la gastronomie et l’ambassadeur du fast-food (00’35, la surprise) ; des verres à pied qui s’entrechoquent, écrin pour un nectar parsemé de fleurs printanières (00’37), précèdent l’ouverture du champ sur une tablée festive qu’une convive foule dans un moment de liesse (00’38, la célébration) avant que d’autres ne traduisent la beauté de ces plats en d’alléchantes photos, postées illico sur les réseaux sociaux (00’40, le partage). Là encore, les collections défilent dans une ambiance qui entre en résonance avec le lancement de cette campagne publicitaire à l’occasion des fêtes de fin d’année, déclinant mille et un aspects de la porcelaine (et de l’art de vivre), de la finition à l’or 20 carats de MetroChic à l’effet ardoise plein de caractère et de modernité de Manufacture Rock.
De l’ensemble à l’ensemblier
Puis, le narrateur résume les différents messages, la marque, fédératrice, se substituant au « nous » et au « nos » prononcés déjà sept fois pour faire entendre le premier (et unique) « vous » : « Villeroy & Boch, créée et testée pour que vous puissiez profiter de tous les bons moments de la vie. » A l’instar de ces amies qui rient, calées face à face en peignoir dans la baignoire pour prendre une surprenante pause-café. En conjuguant les domaines d’expertise revendiqués par la marque (Salle de bains, Wellness, Dining et Lifestyle), cette scène anticonformiste figure le champ infini des possibles et la réinvention perpétuelle.
« Savourez l’Instant », quel qu’il soit et par définition unique, nous dit en substance la baseline de la campagne, posée sur fond bleu, couleur associée au logo, mais aussi à la pleine conscience et aux rêves radieux. Formant une boucle, l’épilogue nous (r)amène à l’image de couverture. Dans les mains de notre accompagnateur, une tasse semblable à celle de nos facétieuses baigneuses… Alors que les lumières du tournage s’éteignent en cascade acoustique et visuelle, il déguste le calme, revenu au point de départ du récit. Seul à l’orée du clap de fin, le narrateur nous apostrophe, index pointé dans notre direction, toujours aussi charmeur, même dans l’injonction : « Hey, ça c’est mon moment. Trouvez le vôtre ».