On nous le rabâche depuis plus d’une décennie : la salle de bains est la nouvelle pièce à vivre, un lieu où il convient désormais d’investir. S’il est indéniable qu’elle a considérablement évolué, dans son usage comme dans ses éléments, il apparaît non moins clairement qu’il faut modérer les expressions et remiser les superlatifs.
La salle de bains a changé de statut et n’est plus « infériorisée » par rapport aux autres lieux de la maison, mais elle n’est pas pour autant devenue « primordiale », ni sujet principal d’investissement. Il y a matière à l’expliquer et à le prouver.
La salle de bains moderne est, dans son principe, d’apparition récente ; elle est à peine centenaire, et encore plus jeune dans sa conception et ses finalités.
Il y a 50 ans, au cours des Trente Glorieuses, la demande était importante, portée par un contexte positif (construction et croissance), et l’offre relativement réduite (les grands acteurs étaient encore nationaux), circonscrite en un ensemble d’appareils sanitaires dont la céramique était le matériau dominant. Le cœur du marché était constitué d’une gamme de produits dite « confort » (une gamme moyenne tirant vers le haut), avec un haut de gamme offrant peu de références. La presse décoration de l’époque, alors en plein essor, comportait de nombreuses publicités de fabricants, décrivant la salle de bains dans son ensemble, en situation.
Aujourd’hui, la demande s’est fortement rétrécie, comparativement à une offre qui, elle, a explosé : internationale, elle s’est diversifiée tant en familles de produits qu’en segments de prix et canaux de distribution. L’inversion est totale et paradoxalement, dans la presse décoration, les publicités des fabricants se sont raréfiées, laissant place à des articles ou des dossiers thématiques, où les produits dominent largement les ambiances, et donnent une vision « éclatée » de la salle de bains, répartie en nouveautés esthétiques, fonctions, matériaux, prix… En revanche, ce n’est pas le cas de la cuisine qui, en dépit de ses évolutions, a conservé sa vision d’ensemble, et demeure perçue dans sa globalité.
Commandée début 2016 par PAP (de Particuliers à Particuliers) à l’institut CSA, une enquête sur les intentions de rénovation des Français propriétaires de leur logement faisait apparaître deux sujets prioritaires : l’amélioration de l’isolation thermique (33 %) et le souhait d’une énergie renouvelable auto-produite. Venaient ensuite les préoccupations « esthétiques », lesquelles concernaient la salle de bains (24 %) et la cuisine (20 %). Les quelques points en faveur de la salle de bains demandaient toutefois à être relativisés car cette rénovation était jugée « très compliquée »… En clair, outre la modicité des pourcentages, cela signifiait : la cuisine « oui », la salle de bains « peut-être »…
En février 2016, un autre sondage commandé par ManoMano.fr [1] chez YouGov sur les prévisions de renouvellement de la décoration en 2016 produisait un résultat mitigé : 37 % des sondés envisageaient des travaux. Où ? Dans la cuisine (12 %), dans la salle de bains (10 %), dans une chambre ou dans le salon (9 %), pour le jardin ou une terrasse (8 et 6 %), dans les « sanitaires » (4 %)… Là, c’est la cuisine qui arrivait en tête, et la salle de bains ne manquait pas de concurrence.
Ce ne sont pas les signes d’une pièce primordiale.
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