Robinetterie sanitaire : remonter la pente des prix
Ainsi, alors que le rapport de force devrait être favorable à la distribution professionnelle – parce qu’elle réalise les trois quarts des chiffres d’affaires du marché, leaders compris, parce qu’elle peut référencer ou pas, développer sa MDD pour lutter contre l’e-commerce… –, celle-ci affiche des résultats qui ne sont pas à la hauteur des moyens dont elles disposent. Au lieu de monter en gamme, elle continue de privilégier les volumes. Prise au piège du moins-disant, elle se fragilise chaque jour un peu plus face aux autres canaux de distribution, qui cherchent à se positionner sur son territoire :
♦ La GSB en montant en gamme et en qualité, en (re)créant des box de salles de bains dans ses points de vente (Leroy Merlin) et se positionnant sur le segment « projet » du marché, qui était autrefois le domaine réservé de Lapeyre et du négoce professionnel. Mais aussi en cherchant à conquérir le professionnel (Bricoman, Bricomarché…), par exemple en développant le drive.
♦ L’e-commerce qui, légitimé par les marques leaders sur le marché, séduit les acheteurs professionnels et les consommateurs, à coup de (grosses) remises, et devient chaque jour plus puissant, même si ses parts de marché sont difficiles à évaluer : 5 % ? 10 % ?
Où est le danger ?
À l’heure où le commerce se fait à l’échelle du monde, où le multicanal est devenu la règle, on peut donc légitimement s’interroger, à l’instar des installateurs, en ce qui concerne le poids de la filière professionnelle française sur le marché de la rénovation, face à la puissance des GSB et aux promesses du Web. Le négoce et ses salles d’expo pourraient-ils un jour devenir la vitrine d’internet et l’installateur le tâcheron du Web ? Pas encore : si les leaders sont assez puissants pour imposer leur propre stratégie à la plupart des acteurs de la filière, ils sont tout autant liés à elle qu’elle ne l’est à eux. Mais demain ? Tandis que la distribution professionnelle reste majoritairement orientée sur les volumes, qui peut dire par où ceux-ci passeront demain ? Quel canal de distribution va réussir à s’imposer sur le marché de la rénovation ? En dehors des ventes chantier et discount, qui, du négoce, d’internet ou de la GSB, est le mieux placé pour vendre en masse de la robinetterie ? Les fabricants qui résistent à internet vont-ils résister encore longtemps ?
Remonter la pente des prix
Car alors qu’elle dispose d’un outil unique – les showrooms – et d’un partenaire de choix – l’installateur – la distribution professionnelle a du mal à monter en gamme. Problème de formation des vendeurs-vendeuses en salle d’expo ? Sans doute, mais pas seulement : les responsables des points de vente eux-mêmes ne sont pas convaincus de l’intérêt de monter en gamme, ou simplement d’y parvenir, persuadés que non, pas dans leur zone de chalandise, pas pour leur clientèle, pas chez eux, pas maintenant… Résultats, ils privilégient le comptoir, les pièces détachées et le libre-service, devenus leurs vrais centres de profit malgré des marges inférieures, négligeant les salles d’expo, qui sont peu renouvelées et parfois mal entretenues. Or, pour vendre du haut de gamme, il faut montrer du haut de gamme, et rien d’autre. « Il n’y a pas de sacs à 50 € chez Vuitton », explique un industriel de produits moyen et haut de gamme. En multipliant les produits et les petits prix, les distributeurs brouillent le message et tirent les acheteurs vers le bas.
Cultiver la différence
« Il faut être sacrément idiot pour acheter un mitigeur de marque dans le négoce », lâche un industriel. De fait, à moins d’être un senior déconnecté – et il y en a de moins en moins – ou un plombier bénéficiant d’une bonne remise, pour quelle raison le consommateur irait-il se fournir aujourd’hui en robinetterie Grohe, Hansgrohe, Ideal Standard… chez un grossiste ? C’est pourquoi, s’il veut garder ses positions face au e-commerce et à la GSB, le négoce ne peut que s’en différencier, que ce soit en mettant en avant des fabricants qui résistent encore à l’appel du Web ou qui proposent des gammes (vraiment) différenciées, et en cultivant ce qui fait sa différence, c’est-à-dire les services : agencement, conseils, mise en œuvre… Car, finalement, cet installateur qui pose aujourd’hui problème à la distribution si l’on considère la question des remises en est aussi le maillon fort, celui qui peut la sauver du e-commerce. Pour peu qu’elle arrive à l’éloigner du comptoir pour le ramener vers la salle d’expo et, surtout, à le fidéliser.
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