En dix ans à peine, les matériaux de synthèse ont conquis le marché des receveurs de douche, au détriment de la céramique, de l’acrylique et du prêt à carreler. Il est vrai qu’ils ne manquent pas d’attraits – même s’ils n’ont pas que des qualités – et embellissent les ambiances dans les showrooms, où les produits sous marques de distributeurs fleurissent.
Devinette : combien de marques se côtoient sur le marché des receveurs de douche ? Assez peu si l’on considère ceux en céramique sanitaire – ou plutôt en grès fin, cantonné à l’Europe du sud. Mais si l’on regarde du côté des matériaux de synthèse, qui vont de l’acrylique (renforcé) au polyuréthane, en passant par les solid surface et les bétons de résine gelcoatés, l’offre est pléthorique : à elle seule, l’Espagne compterait plusieurs dizaines de fabricants, la plupart tournés vers l’export, auxquels s’ajoutent les producteurs de parois de douche, ceux de mobilier, les céramistes et autres ensembliers de la salle de bains, les spécialistes de l’acier émaillé, du prêt à carreler, des produits sous marques de distributeurs (MDD)…
Beaucoup de marques, moins de fabricants
Mais si les marques sont nombreuses, les fabricants le sont nettement moins et plus rares encore ceux qui comptent véritablement. Le leader de la synthèse s’appelle The Engineered Stone Group, qui réunit pour l’instant quatre industriels, dont le plus gros est Marmite, spécialiste polonais du béton de résine gelcoaté. Aussi invisible soit ce dernier – il produit en OEM, donc pour d’autres –, il n’en est pas moins très actif, fournissant aussi bien les grandes surfaces de bricolage (GSB) que le négoce, les marques de distributeurs que celles des fabricants, notamment les ensembliers de la salle de bains. Au sein de cette entité récemment créée, dont le chiffre d’affaires s’élevait en 2020 à 170 millions d’euros, Marmite cohabite avec Acquabella, McBath et F&D – lequel n’est pas ou peu présent sur le marché français –, chacun travaillant selon son propre savoir-faire, voire un matériau différent. Si l’on en croit certains, ces quatre fabricants concentreraient 80 % du marché français du receveur en matériau de synthèse. A nos yeux, leur part de marché se situe plus probablement aux alentours de 60 %, mais nous ne savons pas tout…
La prépondérance de ce groupe d’industriels spécialisés – donc en mesure d’offrir des gammes larges et profondes (couleurs, textures, dimensions, types et positions du vidage…) –, a deux conséquences. La première : les généralistes ou les fabricants de mobilier ou de parois de douche qui ont ajouté le receveur de synthèse à leur catalogue ne percent pas (à l’exception notable de Kinedo), de même que les nombreux fabricants espagnols, même s’ils progressent. La deuxième : l’essentiel des receveurs sous MDD reste produit en Europe. Si les volumes de synthèse venus d’Asie ont tendance à augmenter, il s’agit avant tout d’éviers et de plans-vasques importés par les fabricants de meuble, ces différents produits étant regroupés sous une même nomenclature par les douanes.
La France, grosse consommatrice de produits en synthèse
Car la France est le pays d’Europe qui a le mieux intégré les matériaux de synthèse, pour les plans-vasques, mais aussi pour les receveurs. Les raisons ? La forte implantation des grandes surfaces de bricolage qui, nous dit-on, « drivent le sanitaire en France » et ont assuré leur visibilité – d’autant plus facilement que, face au blanc lisse et brillant de la céramique, ils n’ont eu aucun mal à faire la différence avec leurs couleurs et textures.
Les matériaux de synthèse seraient-ils devenus leaders en France ? Pour l’Afisb, c’est le cas, mais d’autres études mettent la céramique en tête. Si l’on écarte 2020 – année atypique, durant laquelle les ventes auraient reculé d’environ 10 % –, le marché du receveur est, pour nous, compris entre 1,1 et 1,2 million de pièces, dont 45 % pour la céramique, 50 % pour les matériaux de synthèse, y compris l’acrylique avec renfort traditionnel ou massif, et le prêt à carreler, dont nous estimons les ventes à 120 000 pièces environ. Pour l’acier, les ventes restent inférieures à 10 000 pièces.
Après avoir subi de plein fouet l’arrivée des produits en synthèse, la céramique, proposée par un nombre limité de fabricants, semble avoir stabilisé ses ventes. La pose est moins exigeante, le matériau résistant aux chaussures de sécurité et le receveur surélevé a un nombre de pieds même (un peu) réduit. Deux marques dominent ce segment : Geberit et VitrA (qui produit également pour la MDD), avec des gammes stockées ou livrées à l’heure, le receveur étant le premier produit posé dans la salle de bains.
La synthèse progresse dans la construction neuve, où elle remplace la céramique dès lors que la douche se substitue à la baignoire, donc grandit en taille, ou dans le cadre de rénovations d’envergure, marché sur lequel Kinedo est bien positionné. Poussée par les MDD, elle domine dans les salles d’expo, dont on sait qu’elles vendent avant tout ce qu’elles montrent.
Quant aux receveurs prêts à carreler qui, dès 2016, ont reculé devant la synthèse, ils auraient atteint un plancher. Les fabricants poussent aujourd’hui leur solution dans le cadre du zéro ressaut. Reste les receveurs en acier, dont les ventes sont comprises entre 5 000 et 8 000 pièces, fournies par Roca, Kaldewei et Bette.
D’une réglementation à l’autre
Face à l’obligation du zéro ressaut dans les logements neufs, les spécialistes de la synthèse ont vite fait d’enterrer la céramique. Mais si l’une y survit, l’autre y survivra aussi, autorisant la création de receveurs plats de la même manière avec, simplement, des développements plus longs. Mais nul ne sait pour l’instant quelles solutions techniques seront retenues par les promoteurs.
Le devenir des matériaux des receveurs pourrait également être entre les mains de la RE2020 et de la construction bas carbone. Si chacun parie sur son matériau de prédilection, aucun de nos interlocuteurs n’est en mesure d’anticiper l’impact qu’aura cette réglementation, applicable dès le mois de janvier 2022 dans la construction neuve. La céramique implique, certes, une consommation d’énergie plus importante lors de la production, variable aussi selon la performance du process industriel, mais elle a l’avantage d’être recyclable. Toutefois, difficile de faire aujourd’hui l’impasse sur les problèmes de matières premières, résines notamment, et de coût du transport.
Poids, personnalisation, logistique : les enjeux à venir
Améliorer encore la résistance à l’abrasion et aux chocs des receveurs en matériau de synthèse est au programme de leurs fabricants, de même que la réduction du poids, qui reste un challenge pour qui s’adresse à l’installateur, sachant que la dimension la plus vendue, 120 x 90 cm, pèse entre 40 et 50 kg. Toutefois, trop de légèreté tue la légèreté, le poids influant dans la perception de la qualité. A l’aune de ce critère, l’acrylique sort toujours gagnant et offre désormais des couleurs, finitions (aussi bien mates que brillantes) et reliefs variés. Ce matériau reste donc dans la compétition pour peu qu’il présente un classement antidérapant correct – on marche dans un receveur de grandes dimensions – et un renfort massif (le panneau de particules maintenu par une choucroute de fibres de verre est sur le déclin) : ABS, polyuréthane, PET issu de bouteilles recyclées, béton de résine… Sur ce terrain dominent Jacob Delafon (Flight), Kinedo (même s’il a ajouté les bétons de résine gelcoaté à son catalogue) et Aquarine (Toplax).
Le blanc brillant, qui évoque la céramique, règne sur les ventes lorsque les produits sont basiques, mais il recule avec la montée en gamme, les couleurs (neutres) gagnant alors du terrain, associées majoritairement à la finition ardoise. Le noir/anthracite mat fonctionne, de même que les gris et beige. En revanche, le chocolat, ainsi que les décors marqués, tels que ceux proposés par Villeroy & Boch avec ViPrint, n’ont pas trouvé leur public : le consommateur se penche sur la décoration de sa salle de bains avec le carrelage et, à l’heure de choisir le receveur, il est trop tard pour les imprimés. Au-delà de la couleur, les fabricants misent sur la personnalisation, en termes d’effets de surface, de couleurs et de vidage (position, avec ou sans cache-bonde…).
Enfin, la logistique prend de l’importance chez les fabricants, qui ont besoin de livrer des pièces uniques, y compris directement chez le consommateur. La personnalisation grandissante des produits l’impose, et pas seulement sur le haut de gamme, ainsi que le fait que les receveurs mal stockés peuvent se vriller. De plus, à prix équivalent, c’est le service qui fait la différence sur un marché qui ne manque pas de prétendants. Mais il y a aussi les MDD, dont l’essor incite les industriels à ouvrir de nouveaux canaux de vente. L’e-commerce, dont on connaît les progressions, est privilégié, qui peut assurer, en particulier à ceux qui ont une marque, le maintien voire la croissance de leurs ventes, via leur site ou des places de marché.
Photo : Hidrobox, au salon ISH 2019.
Liste non exhaustive des marques et fabricants présents sur le marché : Acquabella, Agha, AKW, Allibert, Alterna, Althea Ceramica, Ambiance Bain, Aquarine, Azzurra, Bette, Bosnor, Colacril, Doccia, Duravit, F&D, Fiora, Geberit, Godart Distribution, Hidrobox, Hi-Mac, Hüppe, Ideal Standard, Jackoboard, Kaldewei, Kinedo, Krone by LG Industries, Lazer, Leda, LG Industries, Lux Elements, Marmite, Marmox, McBath, Nicos (Cristalplant), Novellini, Nuovvo, Porcelanosa, Profil Concept, Profiltek, Quare Design, Roca, Samo, Sanindusa, Sanswiss, Scarabeo, Schulte, Sensea, SolidSoft, Villeroy & Boch, VitrA, Wedi, Wirquin Pro…