La salle de bains est un lieu d’autonomie – et non de perte d’autonomie – pour les personnes âgées, si elle est sécurisée. Jean-Philippe Arnoux, directeur silver économie et accessibilité de SGBD France, a mis en images, avec la complicité d’Alexia Leibbrandt, illustratrice, les conseils et étapes à suivre pour les y aider, de l’avant projet à sa réalisation.
Parce que les personnes âgées ne sont pas des personnes handicapées, elles ne doivent pas être abordées pareillement. En effet, si la notion d’accessibilité s’impose à une personne en fauteuil roulant, ce n’est pas le cas pour les seniors, qu’ils soient jeunes retraités ou octogénaires encore alertes. C’est pourquoi le professionnel doit les convaincre de prévoir une salle de bains ergonomique ou d’en anticiper la nécessité (renforcement des cloisons pour permettre la pose d’aides techniques et de confort, par exemple). Jean-Philippe Arnoux, directeur silver économie et accessibilité de Saint-Gobain Distribution Bâtiment France, connait le sujet de l’accessibilité sur le bout des doigts, que ce soit du point de vue du client, de l’installateur que de l’administration et des pouvoirs publics et, formateur dans l’âme, partage ici son expérience.
1. Le premier contact
A ce stade, l’aspect technique n’est pas encore de mise, et le discours doit être sensible, humain. Le professionnel doit être clair, mais précautionneux, et parler de confort plus que d’accessibilité, et d’ergonomie, de design et d’astuces de sécurité qui permettront d’améliorer l’usage au quotidien.
♦ Amener avec tact à la prise de conscience : les personnes âgées encore autonomes, et plus encore les jeunes retraités alertes, n’envisagent pas la perte d’autonomie et les besoins qui vont avec. La plupart du temps, celle-ci n’est admise qu’après la chute… alors qu’il est trop tard. Le professionnel doit savoir proposer les aménagements nécessaires ou prévoir leur mise en œuvre ultérieure.
♦ Accompagner autant que possible, simplifier le plus possible le parcours de la rénovation, sa compréhension, l’accès aux différentes aides publiques.
♦ Ne pas faire de fausses promesses… Si la douche est annoncée de plain-pied, elle doit l’être au final. Inutile de montrer des photos de cabine sans ressaut, si celle qui sera réalisée comportera une marche. Il faut être très clair, au risque de perdre le chantier. De même, on n’annonce pas 48 heures de travaux, alors qu’ils peuvent durer une semaine. Il est préférable de prévoir une journée supplémentaire, quitte à rembourser le client si elle n’est pas effectuée, tout en veillant à ne pas se disqualifier d’un point de vue concurrentiel…
♦ Expliquer ce qu’est un chantier : plus la personne est âgée, plus elle s’inquiète d’un rien. D’où l’importance de détailler le déroulement des travaux, le fait que la baignoire va être cassée et qu’il y aura du bruit et de la poussière, comment le chantier sera protégé (quitte à présenter des photos)… En appartement, l’idéal est de prévenir les voisins en affichant un mot dans le hall, au moins le temps de la démolition.
2. La conception de la salle de bains
L’environnement doit être bien pensé, sans être forcément technologique. Cela passe par un bon éclairage, la mise à portée de main des objets d’utilisation quotidienne, la création de rangements, y compris dans la douche… Quand on est âgé, on passe du temps dans la salle de bains, où l’on se lave, se soigne et s’habille aussi.
♦ Respecter les prescriptions de l’ergothérapeute. Quand un rapport d’ergothérapeute existe, il faut impérativement le respecter, parce qu’il prévoit un aménagement en fonction des pathologies de la personne. Si l’artisan détecte un problème, avant de changer la prescription, il doit interroger le spécialiste pour trouver le meilleur compromis pour l’utilisateur.
♦ Ne pas confondre handicap et âge ! Les besoins sont différents. Un exemple : la hauteur de la cuvette des toilettes. On préconise pour les personnes en fauteuil – précisément pour le transfert – un positionnement à 50 cm du sol, qui n’est pas adapté au senior ou au grand âge. C’est la distance du talon au (haut) du genou qu’il faut prendre en compte, car elle est celle de l’assise idéale, aux toilettes ou ailleurs. Si le siège est trop bas, la personne a du mal à se lever et peut rencontrer des problèmes de transit. S’il est trop haut, elle est en déséquilibre. Les autres utilisateurs pourront, eux, recourir si nécessaire à un rehausseur. Autre exemple, la salle de bains, qui est différente selon que l’on est handicapé ou âgé : dans le premier cas, on se déplace en fauteuil et on a besoin d’une aire de dégagement et d’un espace de giration, dans le second il faut des points d’appui positionnés, au-delà de la douche, dans un espace de taille normale…
♦ Eviter les fausses bonnes solutions, du type baignoire à porte (étroite) dans laquelle on a froid le temps du remplissage et du vidage, et que l’on enjambe au final. D’autant qu’elle comporte souvent une marche d’accès de 20 cm, puis un ressaut à l’intérieur de la cuve.
♦ Choisir des produits adaptés : assurer une marche d’accès dans la douche de 14 cm maximum, une largeur de passage d’au moins 60 cm, et un sol antidérapant de niveau PN18 ou PN24, et pas le minimaliste PN12. Avant de prescrire de la domotique, des produits électroniques et connectés…, il faut assurer les basiques (barres de maintien et autres aides de confort) et, pour rester compétitifs, ne pas hésiter à utiliser des produits tels que les panneaux d’habillage muraux, les sprays réducteurs de glissance…
♦ Prévoir des solutions simples d’usage, que ce soit en termes d’usage, de compréhension, de préhension…
2. La réalisation du devis
Rassurer, réassurer, sur-réassurer… La plupart des personnes âgées ont, au cours de leur vie, fait des travaux chez elles dont elles ne gardent pas un bon souvenir. C’est pourquoi, pour mettre toutes les chances de son côté, il faut être clair, précis, transparent. Sinon, gare au report des travaux, d’autant plus que la salle de bains est, plus que les autres pièces de la maison, celle dont on retarde le plus souvent la réalisation.
♦ Eviter le jargon, et réaliser un devis clair et compréhensible, éventuellement illustré avec des photos de produits. Utiliser des mots compréhensibles par chacun, écrits en toute lettres, sans abréviation.
♦ Faciliter la visualisation du projet, notamment grâce à la 3D, pour permettre aux seniors de mieux se projeter, et l’accompagner par des fiches produits… Cela permet aussi au client de partager le projet avec ses enfants, qui sont généralement très attentifs au sujet.
3. Le déroulement du chantier
♦ Prévenir des coupures d’eau, et conseiller aux clients de de faire des réserves.
♦ Sécuriser au maximum le chantier. Rénover la salle de bains d’une personne âgée, c’est travailler en milieu occupé. Donc, on ne laisse rien traîner, qui pourrait au mieux les dérouter, au pire constituer un danger pour elle.
♦ Etre particulièrement prévenant. Plus on vieillit, moins on supporte d’être dérangé dans son quotidien. Alors les travaux, la poussière, le bruit… De plus, les personnes âgées s’affolent rapidement, par exemple en cas de retard de l’installateur sur le chantier. Le professionnel doit leur épargner ces inquiétudes, prendre des précautions, téléphoner en cas de retard… Il faut rassurer.
♦ Respecter les termes du devis, notamment du point de vue des délais.
♦ Se plier aux requêtes du client. Il faut entendre et respecter ce qui est demandé. Aussi, si la personne veut que les fenêtres de la maison restent fermées, « à cause du chat », il faut s’exécuter, même en plein été, car ce chat est toute sa vie !
5. La livraison et l’après-chantier
♦ Fournir et expliquer les notices, en particulier des produits techniques tels que WC lavant ou robinetterie électronique, mais pas seulement : un simple robinet thermostatique peut nécessiter une explication.
♦ Rester à la disposition même après la vente et le faire savoir, à plus forte raison si on a installé des produits technologiques.