Pour sa 35e édition, l’Observatoire Cetelem livre la vision d’un consommateur européen résolu à faire bouger les lignes qui, sans renoncer à la consommation, veut lui donner une nouvelle forme. S’engageant, il devient activiste et de plus en plus localiste. Gare !
La consommation devient une arme, prévient l’Observatoire Cetelem qui, chaque année, sonde la conscience des consommateurs européens. Un fait que les artisans du bâtiment n’ont pas encore perçu si l’on en croit un autre baromètre, BatiObs 2020, réalisé par Brands at Work et Cohésium. Celui-ci s’est intéressé à leur engagement vis-à-vis du développement durable. Résultat ? 59 % des 804 artisans sondés n’ont même pas souhaité répondre au questionnaire… C’est dire si le sujet les intéresse ! Le décalage est grand entre ces professionnels majoritairement à la traîne et les consommateurs dont l’Observatoire Cetelem 2020 dresse le portrait qui, en quête de produits durables et locaux, sont devenus non seulement actifs mais activistes.
Le déclin du consumérisme
Car 43 % des Européens (et des Français) déclarent ne plus avoir envie de consommer, qu’ils en aient les moyens (22 %) ou pas (21 %). Le pessimisme est à l’ordre du jour : 75 % considèrent que les habitudes de consommation ne changeront pas et que la terre continuera d’être pillée et 60 % que le point de non retour est atteint. Pourtant, 56 % font encore confiance aux nouvelles technologies pour éviter la dérive écologique et 55 % continuent de croire en l’humanité (contre 45 % qui n’ont confiance ni en l’une ni en l’autre). Notons que l’Europe compte 27 % de climato-sceptiques, plutôt installés en Europe de l’Est (et en Belgique).
Au banc des accusés, la société de consommation : trop matérialisme, superficielle, manipulatrice, individualiste, influencée, injuste, dangereuse… Déjà, les consommateurs européens culpabilisent lorsqu’ils achètent des produits emballés dans du plastique (52 %), ne trient pas leurs déchets (42 %), conduisent une voiture essence ou diesel (36 %), font leurs courses dans une grande surface (35 %), mangent de la viande (35 %), achètent des produits non bio (32 %) ou sur Internet (30 %) et prennent l’avion (21 %). Se jugeant, explique l’Observatoire Cetelem, ils jugent aussi les autres…
Mais les européens agissent : 42 % ont le sentiment de moins consommer qu’il y a trois ans. C’est particulièrement vrai pour les Italiens (51 %), les Portugais (49 %), les Suédois (47 %), les Français et les Autrichiens (44 %). Ils déclarent être suffisamment équipés (30 %) – il est vrai que la population européenne vieillit –, avoir moins de besoins qu’avant (31 % des européens, 38 % des Français), vouloir faire des économies (23 %) et agir pour des préoccupations environnementales ou sociales (16 %). Des secteurs de l’économie sont touchés de plein fouet, en particulier la viande et le textile, voire la grande distribution… Si 59 % des consommateurs européens (et 63 % des Français) déclarent que, à l’avenir, ils consommeront tout autant qu’aujourd’hui, ils sont tout de même 31 % (et 32 % des Français) à affirmer que ce sera beaucoup moins.
L’avènement du consommateur activiste
Les consommateurs européens sont de plus en plus sensibles à l’intérêt général. Quand on leur demande ce qui est prioritaire aujourd’hui, améliorer leur situation personnelle ou celle de la collectivité, cette dernière prime : dans aucun pays d’Europe, on ne dit « moi d’abord ». Mieux, les consommateurs sont persuadés que ce sont eux qui vont changer les choses (35 % des réponses) et amener à un mode de consommation plus responsable, plus que les taxes (34 % des Européens et 39 % des Français) et que les lois (31 %). D’ailleurs, 87 % des Européens (et 79 % des Français) ont déjà le sentiment de consommer de manière responsable, de faire des efforts, et 68 % de prendre des initiatives (69 % de Français), tandis que les autres se sentent contraints, tant la pression s’accentue.
Changer la consommation par la consommation
La perte de confiance dans les institutions. Pour se faire entendre, les Européens peuvent aller loin, plébiscitant les ONG et associations (72 %) et les lanceurs d’alerte (71 %). 63 % sont prêts à boycotter une marque et tout autant à passer par les syndicats, les lobbies environnementaux (62 %) et, dans une moindre mesure, les partis politiques (51 %). La désobéissance civile n’est pas exclue (46 %), de même que l’occupation illégale d’un site Internet (36 %).
L’angoisse de l’avenir est palpable, entraînant une volonté de réduire le gaspillage et les déchets (pour 87 % des Européens), de privilégier un électroménager durable même si moins innovant (86 %), de limiter ses consommations d’eau, d’électricité et de carburant (85 %), de réduire les achats d’objet et les emballages plastique (84 %), de choisir des produits locaux, de saison et bio (84 %), de faire soi-même (82 %), d’utiliser des transports doux ou alternatifs (75 %), de réduire les voyages et les distances (58 %), de manger moins de viande (56 %). Mais d’autres renoncements, radicaux, sont envisagés : 49 % des Européens sont prêts à se passer d’animaux domestiques et 46 % à s’abstenir de faire des enfants (46 %), alors qu’ils ne sont que 35 % à songer à moins utiliser Internet…
Et les prix bas ? Pas à n’importe quel prix ! D’accord pour que, dans les magasins, les produits soient présentés plus simplement (85 %), que le choix des marques soit restreint (69 %) et celui des produits limité (63 %), que l’ambiance soit moins agréable (59 %), le nombre de vendeurs réduit, voire nul (51 %), et qu’il n’y ait plus de service après-vente (51 %). En revanche, supprimer les caissières (47 %), rallonger le trajet (46 %), faire abstraction de la notion environnementale des produits (32 %) ou accepter une qualité moindre (32 %) n’est pas à l’ordre du jour de la majorité. Globalement, les Européens sont même prêts à payer plus pour la qualité, précise l’Observatoire Cetelem, de l’ordre de 10 %.
L’irrésistible ascension du localisme. A la question : Diriez-vous qu’encourager l’achat de produits fabriqués localement, c’est-à-dire dans votre pays, est « tout à fait prioritaire », « important mais pas prioritaire » ou « pas important » ? 43 % des Européens (52 % des Français) ont répondu « tout à fait important » et 52 % (45 % des Français) ont répondu « Important mais pas prioritaire ». C’est +4 % (+3 % en France) de plus qu’en 2019. Il n’y a plus que 19 % des Européens pour ne pas s’intéresser à cette question. Ça va vite !
Méthodologie
Etude réalisée à la fin de l’année 2019 par Harris Interactive dans quinze pays européens (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Espagne, France, Hongrie, Italie, Pologne, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède). 14 200 personnes ont été interrogées en ligne, âgées de 18 à 75 ans, dont 3 000 en France et 800 dans les autres pays.