Découvrant, lors de la rénovation de sa propre maison, que la quête de produits de réemploi était complexe, Naomi Scherer a décidé de s’en charger pour les autres. C’est ainsi que cette ancienne directrice de clientèle du salon Idéobain a créé Moor Réemploi, facilitateur d’économie circulaire. Interview.
Sdbpro – En quoi consiste le métier de courtier en matériaux de réemploi ?
Naomi Scherer – Il consiste à chercher, essentiellement pour des architectes et leurs clients, les matériaux de réemploi dont ils ont besoin dans le cadre de leurs projets, dans l’habitat ou le tertiaire. Nous travaillons ensemble à partir de leurs moodboards, pour cadrer le style et le budget, puis je démarre. La première fois que j’ai fait ce genre de recherche, c’était pour mon propre compte, et ça m’a passionnée. J’ai été pendant sept ans directrice de clientèle pour Idéobain, l’un des salons du Mondial du Bâtiment, et j’ai vu avec intérêt la question de l’économie circulaire émerger. Je me suis formée et, depuis trois ans, je travaille dans le secteur de la peinture recyclée, ce qui m’a ouvert les portes du réseau de l’économie circulaire. Et en octobre 2023, je me suis lancée, en free-lance.
Est-ce que la salle de bains est propice au réemploi ?
Naomi Scherer – Les sanitaires en général et la salle de bains en particulier sont très intéressants du point de vue du réemploi, parce qu’ils sont composés de beaucoup d’équipements, entre la cuvette WC, la paroi de douche, le receveur, la vasque, la robinetterie, le meuble… Dans une pièce de vie, en dehors du revêtement de sol, il n’y a rien… La salle de bains est ma spécialité !
D’où proviennent les produits de réemploi ?
Naomi Scherer – Les produits peuvent être des déposes de chantier, des invendus, des annulations de commande… Ils sont essentiellement issus des plateformes de réemploi, dont on compte pas loin d’une centaine en France, tous matériaux confondus. J’ai aussi des contacts avec des fabricants, par exemple Nobili, avec lequel j’ai noué un partenariat. Tous les industriels ont dans leurs locaux des fins de collection, des erreurs de commande ou de mesure…, dont ils ne savent que faire parce qu’ils ne veulent pas les écouler n’importe où au risque de dégrader leur image. En dehors des plateformes, beaucoup de produits de qualité sont disponibles.
Qui sont vos clients ?
Naomi Scherer – Essentiellement des architectes, qui prescrivent ma solution auprès de leurs clients. Ils sont de plus en plus nombreux à s’intéresser au réemploi, parce que c’est une vraie solution pour réduire l’impact carbone des chantiers.
Comment travaillez-vous avec les artisans ?
Naomi Scherer – C’est parfois difficile car, dans le cadre du réemploi, les artisans sont amenés à installer des produits dont ils n’ont pas l’habitude. De plus, dans le cas des sanitaires reconditionnés, ceux-ci leur arrivent sans les accessoires de pose, et ils doivent les commander à part. C’est plus compliqué. Mais les mentalités évoluent, des formations sont en train de se mettre en place, y compris sur ce que l’on appelle la « dépose soignée » des équipements existants sur les chantiers de démolition.
Quel est le coût et le gain du réemploi pour le maître d’ouvrage ?
Naomi Scherer – Globalement, plus le chantier est conséquent, plus le gain l’est. Je fonctionne avec des forfaits, qui sont calculés en fonction du nombre de lots à rechercher. Pour les maîtres d’ouvrage, je fais un bilan environnemental de chaque opération – CO2, volumes d’eau et de déchets économisés – qui montrent l’avantage de faire appel aux matériaux de réemploi par rapport aux neufs. La qualité des produits est en général bien supérieure. Le réemploi permet souvent une montée en gamme sans augmentation du prix.
Quel bilan faites-vous de votre première année d’activité ?
Naomi Scherer – En un an, j’ai réalisé sept chantiers, qui ont permis d’économiser l’équivalent de 39 années de déchets ménagers d’un Français. En parallèle, je commence à proposer un accompagnement pour intégrer l’économie circulaire dans le secteur du bâtiment auprès des entreprises ou collectivités qui ont un objectif de décarbonation. C’est un secteur en croissance…