Durant EquipHotel 2024, le stand Geberit donnait à voir un espace conçu par la design(h)eureuse Matali Crasset non pas comme un projet, au sens architectural du terme, mais comme une invitation à se projeter au travers d’une installation singulière qui questionne la relation à l’eau, au bien-être, à la convivialité, à l’éco-responsabilité…
Lors du salon EquipHotel, en parallèle de la présentation d’un panel de ses produits et solutions aux « professionnels de l’hospitality », Geberit a proposé une réflexion conceptuelle autour des toilettes, éloignée des ornières habituelles. Fruit d’une collaboration avec Matali Crasset, celle-ci était matérialisée par une capsule entourée d’un claustra. Stimulant la curiosité, ce dispositif léger préservait cette bulle oblongue de l’agitation tout en l’offrant aux regards .intrigués des passants.
A l’intérieur du cocon, en l’absence d’angle, ce n’est pas peu dire que cette relecture du petit coin bousculait les codes, produisant « une mini-secousse» de nature à faire réfléchir, le rôle du designer, étant, entre autres, « de se projeter un temps soit peu ». Il ne s’agissait pas de mettre en scène un agencement exemplaire, transposable dans un établissement, mais plutôt d’ouvrir des perspectives (sans faire forcément de prospective), de nourrir des échanges, de réfléchir autrement que sur des critères comme le beau ou l’utile, mais de replacer l’envie, et en particulier la notion de bien-être, aux cœurs des débats, afin de « retomber amoureux de ce monde qui est abîmé, ce monde où l’on est dans une hyper-anxiété. »
Dans cette capsule inspirationnelle, Alba, le dernier-né de la gamme AquaClean, fait face à un bassin inséré dans une margelle de bois. La vocation de cette pièce d’eau n’est pas ornementale. Ladite margelle sert d’assise… pour y tremper confortablement ses pieds. Matali Crasset explique avoir découvert cette typologie de bains à Tokyo, dans la chaleur écrasante de l’été, décrivant des gens rassemblés, en pleine rue, sous l’ombre d’un arbre, et pataugeant de concert, les jambes dans un mince filet d’eau dont le cours était bordé de bancs, les agrumes qui flottaient à la surface exhalant « une senteur très douce ». A disposition de tous dans l’espace commun au Japon, notamment dans les villes thermales (à proximité des sources chaudes des onsen), mais aussi dans certaines gares ou aéroports, les parcs… ces bains de pieds publics sont appelés ashiyu (en photo, en bas, à droite © Wikimedia Commons). Comme Matali Crasset qui se souvient de la « sérénité qui se dégageait de cette atmosphère », leur principe interpelle et invite « quelque part, à se poser dans l’espace, à retrouver des choses simples ». Dans cette pratique sociale, l’eau joue un rôle fédérateur.
L’eau établit également la connexion – circulaire – entre ce bassin inspiré par l’ashiyu et le WC lavant. Cette association inédite est née d’une intention : « changer notre perception de cet espace et le réinscrire en quelque sorte dans la vie, nous faire un espace de vie. » Acheminée par un système de tubulures ouvertes, l’eau qui n’est donc pas contrainte, pas complètement domestiquée, retrouve un peu de sa naturalité. La goutte voyage… Changeante, la matière liquide coule, en cascade, en suivant les sections d’un aqueduc qui évoque aussi les conduites en bambou délivrant l’eau aux fontaines destinées à la purification rituelle à l’entrée des temples nippons. Un dessin préparatoire tisse un autre lien, entre le ruissellement de l’eau parmi les montagnes et les reliefs encadrant le lac alpin qui a donné son nom au modèle Alba…
Plus qu’une simple matière, l’eau existe par et pour son usage. Pour Matali Crasset, en quête de simplicité, il s’agit de « redonner à l’eau sa qualité, avec les sensations d’eau vive, une eau qui bouge, une eau qui fait du bruit. » Pour elle, il y « a une grande différence entre aller à la piscine et aller prendre le contact avec l’eau, rentrer en résonance avec elle quand on se baigne dans une petite rivière de montagne. » L’enjeu, c’est la considération de l’eau, de plus en plus précieuse, prônant « ce changement de relation » pour lutter contre la banalisation de cette ressource. La capsule imaginée en collaboration avec Geberit nous parle ainsi, à sa manière, de la consommation mécanique de l’eau, source de vie, mais aussi de gaspillage dans nos usages quotidiens, dans la sphère privée comme dans l’espace public. Si le WC lavant Alba s’inscrit pour Geberit dans « une vision élargie du bien-être », l’espace des toilettes se ré-invente en un lieu d’éveil des sens, propice à la relaxation… Pour l’industriel, « au-delà de l’aspect fonctionnel, ce projet illustre la manière dont les hôtels peuvent offrir à leurs clients une expérience singulière autour de l’eau, tout en respectant des principes de durabilité ».