En 2020, le meuble de salle de bains fait mieux que le marché du meuble dans son entier, lequel recule de -4,8 % selon l’Ipea. C’est une performance quand on sait qu’à la fin du mois d’avril, ce dernier avait dégringolé en deçà de -30 %. Mais il est probable que cette crise sanitaire bouleverse plus que les volumes des ventes…
Si l’on met de côté le jardin, de toutes les familles de produits composant le marché du meuble, seule celle du meuble de cuisine, dont les ventes ont reculé en 2020 de -2,9 %, fait mieux que la salle de bains, en baisse de -3,7 %, avec un chiffre d’affaires évalué à 500 millions d’euros (hors chantier, prix consommateurs TTC). Selon l’Ipea [1], « les deux confinements de l’année 2020 ont permis aux ménages français de dégager du temps et du budget » pour s’occuper de leur salle de bains.
Durant cette année 2020, les grandes surfaces de bricolage et l’e-commerce (pure players) gagnent des parts de marché [2], les premières répondant à l’envie des Français de réaménager leur logement, le second se substituant aux magasins physiques lorsqu’ils sont fermés et permettant d’acheter sans prendre de risques sanitaires. Si tous les rayons Meuble des GSB progressent sur l’exercice, c’est celui de la salle de bains qui enregistre la plus forte croissance. Quant à la baisse limitée des spécialistes, elle est liée, selon l’Ipea, à la volonté des consommateurs de monter en gamme, laquelle explique, en partie du moins, le recul de la grande distribution ameublement, qui a également rencontré des problèmes d’approvisionnement.
D’énormes tensions sur les matières premières
Car la demande ne faiblit pas, au point de provoquer des tensions sur les matières premières, notamment les panneaux de bois, et d’accroître les ruptures de stock chez les revendeurs. Car les réapprovisionnements sont difficiles, explique Christophe Gazel, directeur de l’Ipea, en particulier sur les meubles d’entrée de gamme importés de plus en plus chèrement d’Asie. Distributeurs et fabricants s’affolent : les premiers sont en quête de solutions d’approvisionnement en Europe, où les capacités de production sont en recul, tandis que les seconds lâchent leurs plus petits clients… Et tous envisagent d’augmenter leurs prix.
Des conséquences à venir
Les conséquences vont être multiples, y compris sur le marché de la salle de bains. En premier lieu, anticipe Christophe Gazel, « la distribution va devoir s’engager avec l’industrie européenne sur des contrats à moyen terme, afin que celle-ci puisse sécuriser ses investissements. » D’autre part, « ces ruptures de stock vont favoriser les spécialistes par rapport aux généralistes » : nombre d’acheteurs de la grande distribution, mal livrés, l’éviteront désormais sur les achats complexes, par exemple ceux concernant la cuisine, et se tourneront vers les spécialistes, qui sont plus proches de leurs clients. Les poseurs, dont les plus fragiles – autoentrepreneurs principalement – n’ont pas résisté à la crise, ont gagné du pouvoir, devenant plus exigeants sur les volumes d’affaires, que les enseignes vont devoir garantir. Cela impose un meilleur contrôle de leurs réseaux d’installateurs. Enfin, les fabricants vont sans doute être amenés à retravailler le meuble, avec l’introduction d’autres matériaux pour limiter les ruptures de matières premières.
« Le marché 2021, conclut Christophe Gazel, sera forcément en croissance, que celle-ci soit due à la hausse des volumes ou à l’augmentation des prix moyens. »
[1] Ipea, Institut de prospective et d’étude de l’ameublement.
[2] Grande distribution ameublement : magasins du type Alinéa, But, Conforama, Ikea, Maisons du Monde, etc. Spécialistes : tous types de magasins spécialisés cuisine, literie, salon, salle de bains, etc. Ameublement milieu et haut de gamme : magasins du type Mobilier de France, Monsieur Meuble, petits magasins de meubles généralistes, Ligne Roset, Roche Bobois, etc. E-commerce : toutes les enseignes pure players et pure players vendant des meubles en ligne. Autres circuits : magasins non spécialisés meubles dont grandes surfaces alimentaires, discounters de type Gifi, Centrakor, etc.