Pionnier du design organique et fer de lance de la lutte contre le fonctionnalisme allemand, le designer industriel Luigi Colani (1928-2019) défendait l’idée que « les lignes droites n’ont pas le droit d’exister. » Dans les années 1970, cet utopiste amoureux du corps féminin avait notamment dessiné pour Villeroy & Boch une collection de céramique sanitaire pleine de volupté.
Dans un entretien accordé à Interview Magazine en juillet 2009, celui qui se considérait comme un « philosophe 3D » « et « pas un designer du tout » avançait que l’ergonomie « a beaucoup à voir avec la beauté, l’efficacité : l’être humain est au centre de tout. Tes mains, tes yeux, ton nez, tes jambes, tes pieds, ton cul… Ce sont les choses qui sont conçues pour couvrir votre corps qui sont toutes fausses. »
Le cursus polymorphe suivi par Luigi Colani (Lutz, de son vrai prénom) est une clé essentielle de la compréhension de sa vision biomorphique. Celui qui a « tué le Bauhaus » (une idée qu’il défendait lui-même) a étudié la sculpture à l’Académie des Arts de Berlin avant d’intégrer en France l’École polytechnique (section aérodynamique) et de suivre, en parallèle, les cours de philosophie analytique de la Sorbonne.
Qu’il s’agisse d’avions, de camions, d’automobiles, de mode, mais aussi de cuisines ou bien encore de salles de bains, son œuvre futuriste a toujours intégré l’idée que « les lignes droites n’ont pas le droit d’exister » puisque « (s)on monde est rond ». Animés (pour ne pas dire propulsés) par le galbe, ses produits (et modèles expérimentaux, plus nombreux encore) interpellent par la sensualité et le mouvement quasi cinétique qu’ils dégagent. Un art avant-gardiste qui évoque pourtant en filigrane les courbes végétales de l’Art Nouveau. Ou comment penser l’avenir en sublimant le passé…
Luigi Colani : de l’Art Nouveau au Bio-Design
Colani fut également l’initiateur et le promoteur du courant du Bio-Design qui, pour répondre à des problématiques de conception d’objets industriels, puise des solutions techniques dans la nature. Pour améliorer l’objet et son interaction avec l’homme, il s’agit de s’inspirer de la perfection de la nature dans une approche évolutionniste, arguant que « n’importe quel poisson est supérieur aux formes que nous avons inventées et il n’a pas changé depuis 250 millions d’années, imaginez ! » Ses travaux conceptuels ont sans nul doute inspiré le designer Karim Rashid ou encore les architectes Zaha Hadid et Santiago Calatrava, qui lui doivent beaucoup.
« Le corps de la femme est l’un des designs les plus extraordinaires jamais réalisés dans cet univers. »
Pour le grand public, le parangon de son œuvre sans concession est un produit iconique qui a connu un succès planétaire, dessiné dans les années quatre-vingt pour Canon. Puisque, selon lui, « un appareil photo est une chose entre la main humaine et l’œil humain », il a pourvu le fameux T90 d’une coque ergonomique qui épouse parfaitement la forme de la main : plus d’angles saillants mais des courbes lisses et douces qui facilitent la préhension, et par là même l’utilisation de ce véritable « hand tool ».
Ce créatif de génie en qui le Japon (où il travailla) voyait le « Léonard de Vinci du XXe siècle » s’est intéressé, entre autres extravagances, à la salle de bains, avec des collections aux formes sculpturales et aux volumes souples, avançant que « la vie est érotique, tout simplement. Le corps de la femme est l’un des designs les plus extraordinaires jamais réalisés dans cet univers. »
Hautes en couleurs, les collections de céramique sanitaire dessinées pour Villeroy & Boch dans les années soixante et soixante-dix témoignent aussi brillamment de ses recherches sur l’interface homme-objet, avec des formes organiques librement inspirées par la nature. Léger, pour ne pas dire aérien, le design semble pensé pour offrir le moins de résistance possible aux lois du déplacement des corps dans l’air, y compris nus, créant une atmosphère protectrice et enveloppante : ses toilettes sont carénées comme une Corvette ! Cet utopiste (qui a dessiné des concepts-car pour BMW, Ferrari, Fiat, Lancia, Alfa Romeo, Lada…) déclarait d’ailleurs en 1983 au magazine Domus : « Je fais des centaines de croquis, des croquis très rapides, comme le faisait Rodin, des croquis en trois dimensions. Je fais la même chose (que lui), pas très différemment, pour une carrosserie ».
♦ Cet article est initialement paru dans le magazine Flush, numéro 5 (Hiver 2019-20), sous le titre « Luigi Colani : son monde est rond ».
Nous avons acheté dans les années 80
Toute notre salle de bain et les toilettes étaient de Mr Colani
La couleur est bleu
Nous avons été obligé de nous séparer des toilettes à cause d’un plombier malveillant qui nous avait cassé le réservoir
Aujourd’hui nous regrettons encore de n’avoir pas pu retrouver le même
C’est une collection magnifique que nous avons encore malgré qq casse de robinet
Mme Choquet