Pour durer sur le (petit) marché des systèmes de chasse, il est recommandé de fabriquer aussi des bâti-supports. Car le réservoir en céramique, qui a déjà disparu dans plusieurs pays européens (Allemagne, Italie, Suisse…), cède gentiment sa place à l’encastré, lequel n’est pas du tout partageur.
Trois segments constituent le marché des systèmes de chasse [1]. D’une part la première monte, qui passe par les céramistes, d’autre part le remplacement, entre les mains du négoce et de la grande distribution, et, enfin, les bâti-supports.
Environ 6 millions de systèmes de chasse vendus chaque année
Les ventes en première monte sont aisément quantifiables, identiques à celles des cuvettes sur pied et des bâti-supports, soit, à la louche, 1,6 à 2 millions de pièces pour les premières et un million pour les seconds, auxquels il faut ajouter les réservoirs de chasse seuls, donnés à moins de 200 000 par an. La rénovation est plus difficile à cerner, que les industriels spécialisés évaluent entre 3 et 3,5 millions pièces, systèmes complets ou pas. Soit, au total, 5,8 à 6,7 millions de pièces écoulées chaque année.
Vendus quelques euros en première monte (prix fabricants), les systèmes de chasse le sont à quelques dizaines d’euros en rénovation (prix public HT). Dans le premier cas, les industriels font tourner les usines, dans le second ils récupèrent de la marge. Hors bâti-supports, il est raisonnable d’évaluer le marché français à une cinquantaine de millions d’euros (prix fabricants), dont une dizaine pour l’OEM.
Deux leaders, une dizaine d’acteurs
Une poignée d’industriels est active sur ce marché, sachant qu’à de rares exceptions près – Roca et, jusqu’à nouvel ordre, Ideal Standard –, les céramistes ne fabriquent pas. Siamp est donné leader en volume, très dynamique en première monte (Jacob Delafon, VitrA, Villeroy & Boch, Cersanit, Lecico…). Néanmoins, il est possible que Geberit, qui fournit également des céramistes, le dépasse en valeur. Même si, après le rachat de Sanitec, la firme suisse a perdu des marchés en OEM (mais récupéré Allia en France, ce qui n’est pas rien).
Si Siamp et Geberit sont présents à la fois en première monte et en rénovation, ce n’est pas le cas de Wirquin qui, au troisième rang, vend essentiellement en grandes surfaces de bricolage (GSB). Viennent ensuite, et dans le désordre, des spécialistes tels Regiplast, qui opère en remplacement et sur le réseau pro (Oli assurant en France l’OEM), Nicoll, Dubourgel by Bemis et Clara (principalement dans l’Ouest de la France).
Les mécanismes vendus dans l’Hexagone sont produits, pour l’essentiel, en Europe, voire en France. Si l’import chinois, qui concerne quelques industriels, distributeurs (MDD) et vendeurs en ligne, est en croissance, il reste faible par rapport aux volumes totaux (d’autant que la certification NF semble un passage obligé).
Un marché semi captif aujourd’hui…
Pour un fabricant, la première monte – exigeante à plus d’un titre : prix, technicité, robustesse, pièces détachées – constitue un investissement pour l’avenir. Car le marché est d’une certaine manière captif. Si tout mécanisme – dont la durée de vie est, dans des conditions normales d’utilisation, d’une quinzaine d’années – peut théoriquement équiper tout réservoir en céramique, c’est par l’intermédiaire d’une pièce qui n’est pas interchangeable d’un industriel à l’autre. Acheter une soupape d’une autre marque que celle en place implique de démonter le réservoir pour remplacer cette pièce, appelée culot, bassin, bonde, embase…
Les consommateurs le font la plupart du temps, qui renouvellent également le robinet flotteur. Mais pas tous les plombiers, même s’il est toujours utile de remplacer le joint entre le réservoir et la cuvette. S’ils ont un mécanisme de rechange dans le camion, ils l’utilisent. En revanche, lorsqu’ils doivent faire l’aller-retour chez le grossiste, ils remplacent à l’identique, sans enlever le culot. Il arrive même que, pour éviter la dépose du réservoir, dont les vis sont souvent corrodées, ils remplacent… la cuvette complète ! Voilà qui pourrait expliquer l’engouement pour les packs WC à bas prix en France.
… Et tout à fait captif demain
Lorsque le réservoir est en matériau de synthèse, qu’il soit apparent ou encastré, aucune interchangeabilité n’est possible. Il n’existe pas de produits universels, sinon dans un même catalogue. Mais alors que se passe-t-il avec les châssis sous MDD qui ne sont pas fabriqués par des marques européennes ? Geberit, leader sur le marché, a répondu à la question en garantissant une fourniture jusqu’à 25 ans au moins après l’arrêt de la fabrication du réservoir, bien au-delà des 10 ans légaux. Car à l’heure de remplacer la soupape, s’il n’en existe pas de compatible, c’est le bâti-support qu’il faut changer !
Quand toutes les cuvettes WC seront suspendues, le marché des systèmes de chasse sera devenu complètement captif et le nombre d’industriels se réduira encore. A moins qu’un fabricant agile ou une start-up rusée n’invente la soupape universelle, à l’instar de Mecador de Regiplast qui s’adapte aux culots de Siamp et Wirquin et du robinet flotteur F10 de Tece, capable d’équiper 80 % des bâti-supports disponibles ?
L’innovation trouve sa clientèle en GSB
En attendant, les fabricants de systèmes de chasse pour réservoirs apparents ont quelques dizaines d’années devant eux. Et ils continuent d’innover, bien que, de l’avis général, le plombier reste peu sensible aux nouveautés, qui trouvent leur clientèle d’abord en GSB. Il en va ainsi des robinets à ouverture différée, qui promettent un demi litre d’eau économisé par chasse, et que certains qualifient de gadgets. Le déclenchement électronique sur réservoir apparent reste marginal, même s’il est proposé par plusieurs marques (Roca, Siamp, Wirquin). Globalement, les industriels travaillent sur la taille des boutons, pour une meilleure ergonomie, sur l’amélioration de la durée de vie des produits, soumis à rude épreuve. Il s’agit d’éviter autant que possible les fuites d’eau, voir de réduire les volumes de chasse, notamment en facilitant leurs réglages, même si la norme NF le refuse.
[1] Un système de chasse est composé d’un mécanisme et d’un robinet flotteur. L’un et l’autre peuvent être vendus séparément, même s’ils le sont ensemble la plupart du temps.
Les fabricants et marques présents sur le marché (hors céramistes non producteurs) : Altech (Cedeo), Bemis/Durbourgel, Clara, Domao (Algorel), Geberit, Grohe, Ideal Standard, Nicoll, Olfa, Oli/Regiplast, Roca, R&T, Siamp, Sider, Tece, Valsir, Viega, Wirquin…
Photo : Stock Adobe Photos, par Rasulov.