Jean-Marc Signori, bainiste passionné depuis plus de trente ans, a créé Archibath (Paris) en 2011. Au service des installateurs et des architectes plus que des particuliers, il nous parle de son métier, complexe et souvent ignoré.
En quoi consiste le métier de bainiste ?
Jean-Marc Signori – Ce métier s’est véritablement développé au début des années 2000, lorsque les produits design sont arrivés sur le marché de la salle de bains. Les enseignes classiques, c’est-à-dire les grossistes en sanitaire, ne les ont pas proposés immédiatement, de peur qu’ils ne se vendent pas. Ce sont les bainistes qui l’ont fait, tout en accompagnant le client au niveau de l’agencement et de la décoration, ce qui était nouveau alors. Auparavant, il y avait, par exemple à Paris, des magasins tels que Juif Delépine et Cascade – les premiers bainistes selon moi –, mais leurs salles de bains étaient de style, un peu pompeuses ; pas design au sens que l’on donne à ce mot. Je pense qu’il existe à peu près deux cents bainistes en France, essentiellement situés dans les moyennes et grandes villes, dans l’est de la France, notamment en Rhône-Alpes et PACA, ainsi qu’à Paris et en proche banlieue.
Quelles sont les particularités de cette profession… ?
Jean-Marc Signori – Déjà, elle n’est pas reconnue officiellement, y compris dans la nomenclature des métiers. En 2011, une députée a fait une demande de code NAF dédié, soulignant les problèmes techniques qui entourent la rénovation de la salle de bains et les nombreux litiges que les malfaçons entraînent. L’idée était de permettre aux consommateurs de distinguer les vrais spécialistes. En vain. Le législateur a considéré que la rubrique « Travaux d’installation d’eau et de gaz en tous locaux » intégrait les bainistes. Mais nous ne sommes pas tous des installateurs, loin de là. La moitié au moins des bainistes sont des distributeurs, qui apportent des services supplémentaires de conseil, d’agencement et de décoration. Nous travaillons pour les architectes, les décorateurs d’intérieur et les particuliers, mais aussi avec les installateurs quand leurs clients désirent des produits de qualité. 80 % de mes clients sont récurrents, venus par le bouche-à-oreille, grâce à notre notoriété le plus souvent.
Qu’apporte un bainiste à un architecte d’intérieur ?
Jean-Marc Signori – La force du bainiste, c’est son expertise technique et sa connaissance de l’offre. En règle générale, on vient nous voir quand il s’agit de trouver des produits adaptés ou d’imaginer des espaces d’exception pour des particuliers perfectionnistes. Archibath conçoit 30 salles de bains par mois, contre 5 par an pour un architecte, d’intérieur ou DPLG, d’où l’acquisition des compétences nécessaires à l’accompagnement des professionnels exigeants. C’est ce partage d’expérience qui fait avancer les projets. Grâce à nous, les clients gagnent du temps, aussi bien dans la recherche des produits que dans le respect des budgets et des délais. Nous sommes régulièrement sollicités pour des projets hôteliers et travaillons parfois sur des plans de logements collectifs neufs. Nous visitons les salons pour anticiper les tendances et en faire profiter ces professionnels. Nous sourçons, cherchons, apprenons tous les jours. Nous faisons des planches d’inspiration pour mieux approcher les goûts des clients et personnaliser les projets. Nous livrons par la rue, par les toits…, dans la France entière, l’Europe, les Caraïbes…, et récemment à Madagascar, dans le cadre de grands projets. Nous sommes même capables de faire du suivi de chantier. Les bainistes font avancer la salle de bains, mais ils ne sont pas reconnus pour autant, y compris par les différentes organisations professionnelles.
Quelles difficultés rencontrez-vous ?
Jean-Marc Signori – Nous gagnons notre vie grâce aux produits que nous vendons. Il est impossible de faire payer les devis réalisés. Entre le projet et le chantier, il se passe en moyenne 6 mois, jusqu’à 18 mois parfois. L’une de nos principales difficultés est la gestion des délais. Les installateurs, auxquels nous vendons dans 90 % des cas, ont l’habitude d’emporter immédiatement la marchandise… Mais on finit par bien connaître les marques avec lesquelles on travaille – 120 régulièrement, 400 en réalité – et, avec l’expérience, on arrive à anticiper. Nous ne changeons jamais une prescription – ne serait-ce que par respect pour le travail fourni par la marque –, mais nous informons et améliorons. C’est notre valeur ajoutée. Une autre de nos difficultés est de trouver du personnel compétent, avec de l’expérience ou des dispositions pour la décoration, la technique et le design. Ce n’est pas évident.
Repères
♦ Archibath, création en 2011, 6 personnes, 2,6 millions de chiffre d’affaires.
♦ Showroom et bureaux 400 m², dépôt à Noisy-le-Grand 300 m².
♦ Adresse : 79 boulevard Richard-Lenoir, 75011 Paris.
♦ 300 à 400 salles de bains par an, de 3 000 à 50 000 euros, hors pose.
♦ Jean-Marc Signori, également designer, est l’auteur du livre Salle de bains, réussir son projet, paru en 2008 aux Editions Massin.
Excellent article et informations parfaites à 99% … Seul bémol, il n’y a (malheureusement) pas 200 bainistes en France car ,comme Jean-Marc l’explique très bien, d’énormes entraves (culturelles, administratives, de distributions et surtout de compétences) existent et freinent le développement de ce métier.
De plus, la salle de bains (et plus particulièrement les appareils sanitaires) est aussi confronté à l’esprit du “toujours moins cher” alors qu’il faudrait plutôt l’aborder avec l’esprit du “juste prix” …. Mais le juste prix est confronté à l’esprit du consommateur (qui est capable de comparer un produit sur-mesure à un produit de grande distribution) et aux “traditions” de la distribution professionnelle.
Les industriels innovants sont confrontés à la volonté de massification de l’offre de la distribution professionnelle et au désir des consommateurs d’avoir une pièce personnalisée et fonctionnelle (l’esthétique et la fonction sont des notions tellement subjectives qu’elles s’opposent souvent à la massification de l’offre) mais qui prennent pour références les prix des éléments sanitaires sur internet ou dans les prospectus de la grande distribution.
L’innovation et la créativité, éléments moteur de la personnalisation, doivent faire face à la concurrence des pays à bas couts, aux faussaires et copieurs en tous genres (des industriels ou importateurs en sont devenus de vrais professionnels)
La salle de bains doit aussi face aux traditions de la distribution pro ….
Pour “traditions de la distribution”, je prendrais comme exemple la fameuse remise installateur qui devait ,à l’époque, servir au suivi technique des produits vendus,mais qui vient en réalité compenser une main d’oeuvre spécialisée sous facturée aux consommateurs. Pourquoi le taux horaire d’un mécanicien spécialisé et en moyenne deux fois plus important que celui d’un plombier/chauffagiste ? Est-il plus technicien en utilisant sa valise de diagnostics qu’un installateur confronté en permanence aux cas particuliers ?
En conclusion, le bainiste est un incubateur de tendances toujours copié mais essentiel à la diffusion de produits (et d’industriels) aux savoir-faire particuliers qui font évoluer l’esthétique, la fonctionnalité et les techniques de l’univers du bain.
Bravo à Jean-Marc qui est, à mon avis, un des meilleurs connaisseurs de l’univers de la salle de bains en France et longue vie à SDBpro.fr.