Les CFA forment en alternance les futurs salariés des entreprises, notamment de plomberie-chauffage. Parmi eux, les sept établissements du réseau BTP CFA Ile-de-France, qui représentent 32 % de l’apprentissage en région parisienne. Entretien avec Nina Hammami, chargée de pédagogie, au sujet de l’apprentissage depuis la nouvelle réforme, désormais appliquée.
Sdbpro – Qu’est-ce qu’un CFA ?
Nina Hammami – Les CFA, centres de formation d’apprentis, forment les futurs salariés des entreprises, du bâtiment en ce qui nous concerne. Ils n’ont rien à voir avec l’Education nationale et sont financés essentiellement par la taxe d’apprentissage, attribuée depuis la réforme du 5 septembre 2018 par France Compétences, instance ayant, entre autres missions, celle de financer la formation professionnelle et l’apprentissage, via les Opco ou Organismes professionnels de compétences. Chaque branche professionnelle est affiliée à un Opco, de même que les artisans, en fonction de leur métier et de leur numéro IDCC (Identification des conventions collectives). Dans le secteur du sanitaire chauffage, les Opco s’appellent Constructys, Intergros pour le négoce ou Opco Entreprises de proximité. Ils accompagnent mais ne forment pas.
A quel âge les jeunes arrivent-ils chez vous, pour quelles formations ?
Nina Hammami – Tout dépend de leur niveau. Ils peuvent arriver à 16 ans, âge minimum requis pour entrer en apprentissage, et avoir jusqu’à 30 ans. Ils sont en CAP, qui passe par deux ans d’alternance, en BP MIGCS (Monteur en installations de génie climatique et sanitaire), qui nécessite deux années supplémentaires ou en BAC professionnel TMSEC (Technicien de maintenance des systèmes énergétiques et climatiques). Le BP atteint alors le même niveau que le BAC professionnel. Mais entre le BAC PRO TMSEC et le BP MIGCS, les métiers activités sont différents : le titulaire d’un BP MIGCS est avant tout un installateur, tandis que celui d’un BAC Pro TMSEC est un technicien de maintenance. Ensuite, il est encore possible de continuer, avec le BTS FED (Fluides, énergies, domotique) puis par une licence pro Stratégie et management des entreprises du bâtiment ou Bâtiment et construction.
Quelles formations mènent aux métiers de la salle de bains ?
Nina Hammami – Les CAP Monteur en installations sanitaires et Monteur en installations thermiques conduisent aux métiers de la salle de bains. Les apprentis qui poursuivent peuvent, avec deux années supplémentaires, décrocher le BP Monteur en installations du génie climatique et sanitaire. Ensuite, ceux qui veulent atteindre le niveau BTS sont orientés vers le génie climatique et fluidique ou la domotique et le bâtiment communiquant. Il n’y a pas de formation spécifique plomberie/salle de bains au-delà du CAP. Ceux qui poursuivent en BTS finissent toujours souvent par créer leur boîte une fois qu’ils ont acquis suffisamment d’expérience. L’investissement n’est pas excessif, un camion véhicule de chantier suffit, mais il faut travailler beaucoup. C’est ce que nous disons aux jeunes.
Combien le réseau BTP CFA auquel vous appartenez forme-t-il d’apprentis ?
Nina Hammami – L’association BTP CFA Ile-de-France réunit sept établissements, à Nangis, Ermont, Ocquerre, Bretigny-sur-Orge, Rueil-Malmaison, Noisy-le-Grand et Saint-Denis. Elle représente 32 % des jeunes formés en alternance dans la région parisienne. Nous comptons actuellement 2 500 étudiants- salariés en CAP de plombier. 450 sont sur la filière CAP Plomberie dont la moitié terminera ou poursuivra sa formation sur des niveaux supérieurs. Concernant les chauffagistes, des apprentis au niveau BTS, nous avons 2 650 étudiants, dont 248 sortants en 2020. A ceux-là s’ajoutent, formés en lycée professionnel, donc par l’Education nationale, 8 499 jeunes dont 3 715 sortants cette année.
Avez-vous suffisamment de jeunes à former et d’entreprises pour les accueillir ?
Nina Hammami – Depuis deux ans, nous sommes obligés de refuser des jeunes, faute de place dans nos établissements. Nos sections sont pleines. Les entreprises de plomberie chauffage ne nous font pas défaut. Il n’y a jamais de creux en sanitaire, car il y a plus d’entreprises de plomberie qui font du chauffage que l’inverse. Les trois quarts de celles qui accueillent les alternants sont artisanales. C’est plutôt relativement simple pour elles : il leur suffit de signer un contrat d’apprentissage avec le jeune et le CFA, donc avec l’IDCC et l’Opco. La formation de l’apprenti est gratuite, elle doit seulement verser un salaire au jeune, de 40 % à 100 % du Smic, selon son âge et son niveau de formation.
Comment arrivez vous à suivre les évolutions technologies de vos secteurs ?
Nina Hammami – Nous essayons d’anticiper les besoins des entreprises. En ce moment par exemple, je travaille sur un dossier de subvention pour l’achat d’une chaudière à bois… Nos établissements sont bien équipés, nos visiteurs s’en étonnent toujours, tant les idées reçues pèsent sur l’apprentissage. Nous travaillons également avec les industriels : certains nous fournissent simplement du matériel, d’autres s’impliquent plus, au travers de projets très motivants pour les jeunes et les formateurs. C’est par exemple ce que nous faisons avec BWT et avec Grohe, qui partage avec nous ses outils de formation, y compris son impressionnant camion qui a fait escale en début d’année dans deux de nos établissements. Avec la marque, nous avons également créé des petites plates-formes pédagogiques dans chacun d’eux.
Que change la nouvelle loi sur la formation ?
Nina Hammami – Elle a quelque peu desserré le cadre des relations entre les CFA et l’industrie… Mais le plus gros changement concerne le financement, désormais évalué par étudiant, en fonction du niveau de formation et de la filière. De plus, aujourd’hui, toute entreprise peut ouvrir un CFA, pour peu qu’elle soit certifiée. Cette liberté nouvelle va mettre en concurrence les centres de formation, et tous n’y survivront pas…