Le WC lavant, quasi inconcevable en France il y a une quinzaine d’années, est en train d’entrer dans nos mœurs grâce au travail de communication des marques, à sa visibilité sur les sites marchands et aux consommateurs voyageurs… Mais le produit, haut de gamme, s’achète (encore) plus qu’il ne se vend.
D’abord les chiffres. Les ventes de WC et abattants lavants, estimées à 5 000 pièces par les uns, jusqu’à 25 000 par les autres, se situent probablement dans cette fourchette. Nous les évaluerons, à la louche, à plus de 20 000 pièces, réparties en trois familles de produits, très différentes :
♦ Les abattants lavants basiques non électrifiés, faciles à installer grâce à une dérivation de l’alimentation en eau d’une cuvette existante. Vendus dans la grande distribution ou en ligne aux alentours de 100 euros, ils constituent, au même titre que la douchette hygiénique, un premier pas vers les solutions lavantes (environ 7 000 à 8 000 pièces/an).
♦ Les abattants lavants électrifiés, la plupart du temps venus en direct d’Asie (et sans système antitartre, sauf Geberit et Toto), sont vendus essentiellement dans la grande distribution ou en ligne. Plus compliqués à installer en France, en l’absence de prise de courant dans les toilettes, ils sont dotés de plus ou moins de fonctions et affichent des prix qui varient de 400 à plus de 2 000 euros (environ 7 000 à 8 000 pièces par an).
♦ Les WC lavants sont, eux, de deux types : d’une part les cuvettes classiques associées à un abattant lavant adapté, dont les prix sont compris entre 1 500 euros et plus de 10 000 euros ; d’autre part les cuvettes complètes dont la céramique intègre la technologie, qui sont accessibles à moins de 1 000 euros en version non électrifiée (Tece, VitrA) et de 2 000 euros en version électrifiée (environ 7 000 à 8 000 pièces par an) jusqu’à plus de 5 000 euros.
Geberit, qui laboure depuis les années 1980 les terres européennes, est leader en France, en tous cas sur le WC complet. Ensuite, difficile de dire qui de Toto, très présent en hôtellerie, ou de Grohe, multi-distribué et capitalisant sur un produit unique, occupe la deuxième place sur le podium. D’autant qu’il ne faut pas sous-estimer le poids de certains acteurs, tel Saniclean, qui après avoir construit une offre de spécialistes avec une marque sud-coréenne reconnue, a ouvert un site marchand en 2015 et annonce des ventes en ligne aussi importantes que dans sa distribution physique. Pour les autres marques, les volumes annuels sont inférieurs à 500 pièces, et plutôt situés aux alentours d’une centaine pour la plupart d’entre elles.
WC lavant : l’Europe n’est pas l’Asie
Le premier WC lavant est né en Suisse en 1957, conçu et breveté par Hans Maurer sous la marque Closomat, toujours commercialisée par la société Closemo, désormais dirigée par l’héritier de l’inventeur. Le pays compte plusieurs fabricants : Closemo donc, LaPreva (qui se limite à son marché intérieur), ainsi que Laufen, Axent (lequel fabrique en Asie) et, bien sûr, Geberit. Il n’est donc pas étonnant que les ménages suisses soient les plus nombreux à être équipés en Europe, tout en ne l’étant que faiblement : 10 % disposeraient en effet d’une solution lavante, contre un peu plus de 1 % des ménages allemands, mais… plus de 80 % des japonais [1]. Le Vieux Continent résiste.
S’il ne l’a pas inventé, le Japon a rapidement adopté le concept des toilettes lavantes, mais en version abattant. Ainsi, Toto, qui fête en 2020 le quarantième anniversaire de son Washlet, indique avoir écoulé, entre 1980 et 2019, plus de 50 millions de produits dans le monde. Mais ne nous emballons pas : en 2018, précise le fabricant, les ventes hors de l’Archipel s’élevaient à… 580 000 pièces, fournies avant tout à la Chine et à l’Amérique du Nord. Au Japon – pays raffiné s’il en est –, le bain est non seulement un rituel, mais il est déconnecté de l’hygiène quotidienne, laquelle se pratique aussi aux toilettes. Le besoin de propreté est grand.
La comparaison entre les deux marchés, japonais et européen, a d’autant moins de pertinence que les produits diffèrent. Sur le premier, les ventes sont essentiellement constituées d’abattants lavants dont les prix bas assurent leur remplacement régulier. A l’inverse, le second s’est orienté vers des WC complets haut de gamme, conçus pour que la technologie soit (de plus en plus) invisible au regard. Certes, l’Europe est sans doute plus attachée à la forme et à l’esthétique, mais elle est aussi pétrie de tabou, que la fonction lavante du WC – tout comme le bidet – réveille chez un grand nombre de personnes.
Un produit de boomers
D’ailleurs, les acheteurs de WC ou d’abattants lavants sont – en dehors des personnes handicapées et des globe-trotters argentés – pour la plupart âgés de plus de 50 ans. Anticipant leur vieillesse, ils s’équipent à l’occasion d’une rénovation. L’objet est d’autant plus utile à leurs yeux qu’il ne les effarouche pas, vu qu’ils ont déjà utilisé le bidet, pièce intégrante de la salle de bains familiale dans les années 1950 à 1980. Plus jeunes, les acquéreurs peuvent être motivés par la protection de l’environnement, laver plutôt qu’essuyer permettant d’économiser du papier toilette, dont la fabrication consomme d’ahurissants volumes d’eau, sans compter les arbres coupés. Mais ils sont plutôt acheteurs de produits à faibles prix, en particulier d’abattants lavants non électrifiés proposés par la grande distribution, en ligne ou en magasins, ainsi que par les pure players.
Les inconditionnels du WC lavant en sont aussi les ambassadeurs, tant il est vrai que cette forme d’hygiène est addictive. Si le vendeur en salle d’expo n’est pas convaincu, si le concept le rebute ou s’il est mal à l’aise avec le vocabulaire qui va avec, aucune vente n’aura lieu. Les meilleurs sont des adeptes, savent cerner le client et le convaincre de tester les produits, qu’ils proposent en assez grand nombre pour répondre à des besoins variés. Le WC lavant minimaliste, qui fonctionne uniquement avec la pression de l’eau, type TECEone, relève d’une autre philosophie que les modèles aux fonctions multiples, qui peuvent sembler complexes et coûteux. Certes, l’offre s’élargissant, les prix moyens ont tendance à reculer, mais, à 1 500 euros hors pose (cuvette et abattant adapté), le ticket d’accès reste élevé. C’est pourquoi les spécialistes – tels les parisiens DWC (Monwclavant.fr et MonWCjaponais.fr) et Le Trône –, ainsi que les bainistes, sont aujourd’hui les mieux placés pour vendre l’équipement.
Simplifier l’usage du WC lavant
Après une première génération de produits ultra techniques, la tendance est à la simplicité d’usage. Elle passe par la limitation des fonctions avec des produits allant à l’essentiel – par exemple le lavage et le chauffage de la lunette, lequel semble important pour certains consommateurs – tout en permettant une baisse des prix de vente, qui sont le frein principal au développement du marché. Mais elle passe aussi par l’intégration de nouvelles technologies, notamment les commandes vocales via le smartphone ou la chasse automatique dès que l’on se lève. Avec la crise du coronavirus, le sans contact est attendu même par les particuliers.
Un marché qui gagnerait à produire une norme
Cela étant, les ventes en ligne, quoique difficiles à mesurer, ne doivent pas être sous-estimées, montrant que l’appétence pour le WC lavant grandit. Les produits proposés par les pure players, qui se sont européanisés au fil du temps, affichent des prix nettement moins élevés, contribuant à la diffusion du concept. Les installateurs, s’ils le prescrivent encore rarement, s’intéressent néanmoins au WC lavant, tout en le craignant, du fait du raccordement électrique. Mais la généralisation des bâti-supports pré-équipés contribue à leur sensibilisation. Quant aux industriels, ils s’attachent au développement de nouveaux marchés, par exemple ceux de la promotion immobilière haut de gamme ou des établissements de santé et médicaux-sociaux.
Si le consommateur a intégré le fait qu’un WC est aussi un objet de confort, les freins sont encore nombreux. Ainsi les femmes évoquent souvent le fait que les douchettes puissent être souillées lors de l’utilisation, et peu importe qu’elles soient désinfectées. Vue la technicité des produits, il serait temps qu’une norme apparaisse pour encadrer aussi bien les performances que l’hygiène, la résistance au calcaire, le détartrage… Et ainsi rassurer.
[1] Source : Housetech.de
Fabricants et marques présents sur le marché français : Aqualet, Axent/WDI, Bernstein/Oceanwell, Coway, Dubourgel, Duravit, Evolance, Geberit, Grohe/Lixil, Laufen, Leeventus, Olfa, Rans, Roca, Saniclean/Uspa, Siamp, Top Toilettes, Tece, Toto, Villeroy & Boch, VitrA…
Photo d’ouverture : gros plan sur la douchette en fonctionnement du WC lavant TECEone.