Pour certaines personnes, l’utilisation des toilettes publiques est source d’angoisse, voire impossible. Au-delà de la question de leur propreté, c’est surtout, sans la garantie d’une intimité absolue, l’embarras de déféquer à proximité d’autres gens qui cause ce tourment familièrement appelé poop-shaming. Une appréhension qui, au mépris d’un besoin pourtant vital, peut aller jusqu’au renoncement à déféquer et empoisonne la vie d’une majorité de femmes.
Aller à la selle sans être forcément seul(e), voilà le fond du problème. Un problème qui se pose à la maison lorsque l’on partage son quotidien avec un (ou des) proche(s) sans pouvoir s’isoler – situation que le confinement a porté à son paroxysme, de surcroît dans des habitats exigus – mais surtout hors de la sphère privée, dès lors qu’il s’agit de locaux à usage collectif.
Désignée sous le terme médical de parcoprésie ou rétention fécale psychogène, mais également surnommée poop-shaming ou « syndrome de la princesse », cette phobie du caca est un phénomène sociétal qui peut avoir de graves conséquences sur la santé, mais pas seulement. Le professeur Nick Haslam [1] décrit ainsi ce mal répertorié comme un trouble d’anxiété sociale : « Les personnes qui en font l’expérience ont peur de déféquer dans des situations où elles pourraient être entendues ou « trop senties » et cette peur crée une inhibition qui les rend peu disposées à utiliser les toilettes publiques. Dans les cas extrêmes, cela peut être si handicapant que les gens ne veulent pas voyager à quelque distance que ce soit de leur domicile de peur d’être pris d’envie dans un endroit où ils ne peuvent pas aller. » [2]
Quand les lieux d’aisance mettent mal à l’aise
Mélange de peur et de honte, ce phénomène victimise davantage les femmes, que les lieux d’aisance mettent littéralement mal à l’aise. Par souci de discrétion, nombreuses sont celles qui se retiennent toute la journée… Interrogeant leurs habitudes fécales au travail, un article du New York Times affirme que le poop-shaming « affecte de manière disproportionnée les femmes, qui souffrent de taux plus élevés de syndrome du côlon irritable et de maladie inflammatoire de l’intestin. En d’autres termes, le patriarcat s’est infiltré dans le tractus intestinal des femmes. Appelons cela le pootriarcat. » Et de préciser que « les filles ne sont pas nées avec la honte du caca – c’est quelque chose qu’on leur apprend », citant à l’appui Sarah Albee, auteur de l’ouvrage Poop Happened ! : A History of the World from the Bottom Up (editions Walker & Company, mai 2010) qui estime que « si un garçon pète, tout le monde rit, y compris le garçon » alors que « si une fille pète, elle est mortifiée. » [3]
Une divergence que François Kraus, directeur du pôle Genre, Sexualité et Santé Sexuelle à l’Ifop corrobore. Commentant une enquête que l’Institut a mené pour le compte de Diogène France [4], celui-ci déclare « que l’anxiété liée à l’usage des WC n’est pas un sujet futile pouvant prêter à sourire, mais bien un phénomène socio-psychologique dont l’ampleur et les conséquences sur la santé intestinale peuvent être considérables pour la population en général et pour la gent féminine en particulier. Mettant en lumière l’impact que les stéréotypes de genre et les normes de féminité – culturellement associées à la pureté et la propreté – peut avoir sur le rapport au corps, les résultats de cette étude soulèvent donc la question du système de deux poids deux mesures en vertu duquel les femmes sont jugées plus négativement pour avoir révélé [qu’]elles défèquent elles aussi » [1] En cela, ils posent le problème des modèles de bienséance auxquels les femmes doivent se conformer dans une société où elles sont socialisées pour considérer l’excrétion non comme une activité naturelle mais comme une source de dégoût incompatible avec la notion de féminité » et son image idéalisée.
Qui a peur du grand méchant poop ?
Alors que la crise sanitaire a considérablement compliqué l’accès à des toilettes publiques du fait de la fermeture des bars, restaurants et grands centres commerciaux, et davantage impacté les femmes (51 % vs 41 % des hommes disent avoir souffert de ce manque), celles-ci ont aussi une perception plus négative de la qualité de ces infrastructures, la saleté conduisant près de deux tiers d’entre elles (62 % vs 28 % des hommes) à rester en équilibre au-dessus de la cuvette afin que leur épiderme n’entre pas en contact avec lunette des toilettes alors qu’à l’inverse, la gent masculine semble à même de s’assoir sur des WC publics puisque 75 % le font généralement, dont un quart (25 %) directement sur la lunette, selon l’Ifop.[4]
Les princesses ont des secrets…
Parmi les indicibles sources d’embarras qui empêchent d’aller sereinement à la selle, l’odeur et les bruits (pets, gargouillis, et autres ploufs intempestifs que tentent de couvrir les japonais en activant un enregistrement d’un son de chasse pendant la commission ou la miction) sont couramment cités par les deux sexes bien que les femmes se sentent davantage humiliées, elles, à la simple idée que l’on puisse les imaginer aux WC (63 % des femmes contre 54 % des hommes), soumises aux lois si peu précieuses du transit intestinal. [4]
Entourer les WC d’une bulle de discrétion, c’est justement l’idée du Coussin d’air, un petit pochon qui, après insertion dans la cuvette, libère une mousse blanche en tapissant généreusement le fond. Pas étonnant que cette invention qui fonctionne comme un amortisseur de bruits, d’odeurs, de salissures, de projections et se décline au format « Secret de Princesse », énième preuve de cette problématique genrée…
Le poids de la pureté
Lorsque l’intimité n’est pas assurée, 56 % des femmes se sentent en effet incommodées, alors que cet embarras ne touche que 42 % des hommes. Le lieu de travail est celui qui cristallise le plus cette crainte (42 % des femmes vs 26 % des hommes, 53 % des femmes se sentant même incapables d’y déféquer lorsque d’autres personnes se situent à proximité des WC). Mais cette honte s’exprime aussi par exemple chez des amis (39 % des femmes contre 25 % des hommes) et semble d’autant plus affirmée chez les jeunes femmes de moins de 30 ans (75 %, contre 41 % des plus de 60 ans). Un constat prégnant qui amène l’Ifop à émettre l’hypothèse qu’à cet âge, peut-être, « elles sont encore imprégnées des normes de propreté inculquées dans l’enfance et/ou plus obsédées par l’image qu’elles peuvent renvoyer d’elles… ». [4]
Les normes sociales et les préjugés sexistes joueraient ainsi un rôle prépondérant dans les différences de conditionnement de genre. François Kraus de l’Ifop estimant même qu’« à l’heure où la nouvelle vague féministe porte le combat de la réappropriation du corps des femmes par elles-mêmes, le rapport au caca apparaît donc comme un marqueur de distinction entre les sexes qui légitime lui aussi une critique de la pression à la perfection et la « pureté » qui pèse sur les femmes. »
[1] Nick Haslam, Psychology In The Bathroom, éditions Palgrave Macmillan, juin 2012.
[2] Parcopresis : Why Do Women Suffer From Poo Anxiety ? Article de Vicky Spratt, publié sur le site Refinery29 et mis à jour le 30 octobre 2020.
[3] The office : An analysis. Women Poop. Sometimes At Work. Get Over It. Article de Jessica Bennett et Amanda McCall, paru le 17 septembre 2019 dans le New York Times.
[4] Étude Ifop pour Diogène France réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 9 au 12 avril 2021 auprès d’un échantillon de 1 010 personnes de la population française âgée de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine.
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