Themis Smart Mirror de Baracoda est à la fois un miroir connecté, un partenaire santé et une plateforme ouverte qui centralise d’autres objets pour se substituer au smartphone. Avec Thomas Serval, président de cette société high tech qui a fait de la salle de bains son terrain de jeu, découvrons ce qui existe déjà et existera bientôt en matière de santé digitalisée.
Themis est, dites-vous, un miroir connecté holistique. De quoi s’agit-il ?
Thomas Serval – Themis est la troisième génération de nos miroirs connectés. Equipé de plusieurs capteurs et d’une caméra, il détecte tout le spectre de la lumière, de l’infrarouge à l’ultraviolet. Il peut donc évaluer la température corporelle (infrarouge), le teint du visage (spectre visible) et la qualité de la peau (ultraviolet), mais aussi détecter la sudation, les problèmes hépatiques au travers des yeux… et, ainsi, repérer de nombreux symptômes. Ce miroir est un partenaire de santé holistique, un compagnon au quotidien, qui alerte quand il trouve que l’on a mauvaise mine ou de la fièvre, et invite à prendre un rendez-vous, pour une téléconsultation via une plateforme qui peut délivrer des informations, ou chez le médecin, qu’il ne remplace pas. C’est le premier pilier de notre miroir, qui s’intègre dans la prévention et la santé à la maison.
Le deuxième pilier concerne la peau, pour anticiper son vieillissement, appliquer correctement une crème… Themis est un point fixe, qui vous regarde toujours sous le même angle et capture des données biophysiques au cours du temps, permettant le timelapse (ndlr : visualisation d’une somme de photos en accéléré), afin de mesurer l’efficacité d’un cosmétique ou de déceler un grain de beauté en train d’évoluer bizarrement. Grâce à des outils de dermatologie, ce miroir mesure le sébum, repère les pores bouchés… et réalise un diagnostic de la peau, puis la prescription de produits cosmétiques adaptés, mais sans marques car il est neutre. Enfin, Themis propose, comme tout miroir connecté, des infos générales : météo, qualité de l’air, radios (Radioline), trafic routier… ainsi qu’une fonction miroir grossissant et un zoom à 360° pour voir derrière sa tête.
En tant que plateforme, que permet Themis ?
Thomas Serval – Il accepte des applications autour, par exemple, de la santé au féminin, de la relaxation, de la méditation, du yoga, du visage, ainsi que des tutoriels de maquillage ou autres. Mais sa plateforme est intégrée à un écosystème global, qui permet de multiplier les objets connectés diffusés sur le marché, pour que chacun puisse s’en saisir.
Quel genre d’objets peuvent être connectés au miroir Themis ?
Thomas Serval – Brosse à dents, tensiomètre, pèse-personne… Bientôt, notre balance flexible et tactile Bbalance (ex-Mateo), qui est intégrée à un tapis de bain – mais pourrait l’être à une chaise, un WC –, sera connectée à Themis. Sa technologie est révolutionnaire : elle prend une empreinte digitale des pieds. En reliant notre miroir à cette balance/tapis de bain, on a accès au dos, à la posture, au rythme cardiaque… On voit en dehors de la norme.
Thémis cadre le visage, mais dans la douche, on peut scanner le corps et, par l’intermédiaire de la cuvette WC, faire parler les organes. Avez-vous des projets au-delà du miroir facial ?
Thomas Serval – Un miroir connecté, c’est d’abord une caméra, laquelle fait très, très peur. L’installer au niveau du visage, c’est déjà bien. D’ailleurs, sur Themis, il y a un cache manuel pour la couper. Nous devons gagner la confiance du consommateur et, via ce miroir facial, éduquer le marché, offrir un bénéfice sans inquiéter au-delà du raisonnable. C’est pour cela que, plutôt que d’intégrer Android ou Windows, nous avons développé CareOs, un operating system sécurisé pour la salle de bains, afin de rassurer le consommateur et d’être sûr que ses données n’aillent pas n’importe où. Cela étant, d’autres technologies existent, qui permettent d’obtenir des informations très pertinentes sur le corps sans passer par une caméra. C’est le cas de notre Bbalance et c’est ce que nous prévoyons dans la douche, une technologie sans caméra. Mais il est encore un peu tôt pour en parler…
Quant au WC connecté, il arrive ! Grâce à lui, on pourra détecter le Covid-19 dans les urines. Il manque à peu près trois ans de technologies, appelées spectroscopiques, pour, à un prix acceptable pour le consommateur, avoir un laboratoire portable dans la salle de bains ou les toilettes. Quelques révolutions n’ont pas encore eu lieu, mais je vous invite à suivre des sociétés telles que Medic.life. Nous, ce que l’on fait, c’est que l’on interconnecte ces objets avec le miroir et CareOs, afin de croiser les données qui, prises individuellement, apportent moins d’informations. Ainsi, en entraînant correctement l’intelligence artificielle, on devrait arriver non pas à détecter des pathologies rares, mais des problèmes et, le plus intéressant, des maladies qui se développent sur le temps long, des dégénérescences qui ne sont normalement découvertes que tardivement. C’est tout le projet de Baracoda : inventer des technologies qui permettent de transformer cette approche en vision. Les WC connectés seront probablement disponibles rapidement, mais clairement pas en France, où les taux de renouvellement des toilettes et des salles de bains sont faibles.
Quel rôle jouent les fabricants d’appareils sanitaires dans votre écosystème ?
Thomas Serval – Ils sont en train de devenir nos partenaires, leurs objets connectés pouvant être associés à notre écosystème, comme c’est le cas pour Hydrao, avec sa douchette. Tous les industriels travaillent le sujet et grâce à notre langage CareOs, neutre, leurs objets peuvent être immédiatement connectés, notre miroir se substituant au smartphone. La notion de plateforme ouverte évite aux consommateurs de multiplier les applications dans la salle de bains… Mais il y a des fabricants qui ont des approches totalement propriétaires, comme Kohler, dont tous les objets connectés ne parlent qu’un seul langage : le sien.
Le digital est rentré dans la salle de bains par le smartphone (musique), puis les pèse-personnes et, massivement, les brosses à dents. La détection de fuite d’eau se développe fortement aujourd’hui. Peu à peu, ces différents objets vont parler un même langage, sauf peut-être les détecteurs de fuite qui pourraient être rattachés à l’infrastructure de l’immeuble (building management) et non pas au consommateur (user management). Après, est-ce que ce sera le tour de la douche ou des toilettes ? Ou encore de la ventilation (en fonction du taux d’humidité ou de la pollution intérieure), remise en question par le Covid ?…
Comment sont distribués vos produits connectés ?
Thomas Serval – Nous travaillons en BtoBtoC : nous créons et testons les logiciels qui intègrent les produits, lesquels sont commercialisés, sous licence, par des sociétés, multinationales en général, qui disposent des usines pour les fabriquer, de la puissance marketing pour communiquer et des réseaux de distribution pour commercialiser. Notre brosse à dents connectée (Kolibree) est vendue par Colgate, nos tensiomètres et pèse-personnes par Terraillon… Il en va de même pour notre miroir Themis, qui sera disponible à l’achat en novembre 2021, vendu en ligne et à la Fnac-Darty entre 400 et 500 euros. C’est une pièce de très haute technologie. C’est pourquoi, dans un premier temps, nous nous adressons plutôt aux digital natives, c’est-à-dire aux consommateurs plus intéressés par la technologie que par la salle de bains.
Repères
♦ Baracoda, fondée par Thomas Serval, Matthieu Delporte et Olivier Giroud, est un leader de la Daily Healthtech, dont la technologie est utilisée par 60 millions de consommateurs. Elle est à l’origine de 2 millions d’objets connectés produits chaque année et emploie 220 personnes dont 60 % d’ingénieurs de 16 nationalités différentes.
♦ Avec Themis, Baracoda et CareOS ont remporté les CES Innovation Awards pour la troisième année consécutive, après les miroirs intelligents Poseidon (2020) et Artemis (2019).