Sur un marché de la salle de bains où les prix, marges et remises comptent plus que les produits, les industriels qui misent sur la différence, la valeur ajoutée, la fabrication locale… n’ont plus de visibilité. Pour eux, la vente directe est une solution. Certains l’ont déjà mise en œuvre, d’autres l’envisagent sérieusement.
Longtemps, la distribution de la salle de bains s’est partagée entre la GSB et le négoce, l’une s’adressant aux particuliers, l’autre aux installateurs, avec des produits dits professionnels (marques exclusives, technicité…). Ça, c’était hier. Depuis, chacun a mordu sur le territoire de l’autre (avec plus ou moins de bonheur) et la cible client n’est plus pertinente pour les distinguer, surtout depuis l’arrivée de l’e-commerce, qui a encore brouillé les frontières. Ce qui sépare aujourd’hui les revendeurs, c’est plutôt l’offre, plus ou moins standardisée ou diversifiée.
L’appauvrissement grandissant de l’offre
Si les enseignes leaders du négoce cherchent aujourd’hui à capter le consommateur, c’est pour mieux conserver leurs clients professionnels, lesquels restent la cible privilégiée. Tout est bon pour l’empêcher d’aller voir ailleurs (intermédiation, réalisation des devis, cartes de fidélité, livraison à J+1, remises…) et l’exercice est d’autant plus difficile que la plupart d’entre eux achètent quasiment les mêmes références chaque jour, disponibles évidemment partout. Plus que des salles de bains, le négoce vend des produits et, de plus en plus, des produits de volume, à l’instar de la distribution grand public. Les uns ressemblent d’autant plus aux autres, qu’il pousse aussi ses MDD et, massification rimant toujours avec uniformisation, l’offre s’appauvrit.
Le consommateur, à portée de clics des fabricants
C’est ainsi que les petits et moyens fabricants et les produits originaux, c’est-à-dire créateur de tendance, typés, milieu ou haut de gamme… disparaissent aux yeux des acheteurs potentiels. On peut être référencé dans une enseigne pour une seule gamme de son catalogue… « Depuis 2008, les grandes enseignes ont jeté les produits de niche », nous dit un agent italien. Pour ces marques, Internet est une vitrine, qui permet de déployer l’entièreté de son offre, ainsi qu’un espace d’expression, où peuvent être mis en avant les nouveautés, le sur-mesure, des vidéos corporate ou de pose… Mais le web peut aisément devenir un lieu de vente, donc un canal de diffusion complémentaire et un levier de croissance, au même titre que le négoce (qui pratique très peu la vente en ligne), la GSB, la prescription… « Tous les sites de fabricants sont prêts pour la vente, nous dit l’un d’entre eux, il n’y a plus qu’à appuyer sur un bouton. » Et à s’allier éventuellement avec un spécialiste – il peut être un distributeur – qui assurera la prise de commande, l’expédition, la logistique, les retours…
Ainsi, le consommateur, voire le professionnel « aventureux » ou simplement spécialiste de la salle de bains, sont à portée de clic des industriels qui, cherchant à élargir leur marché et à regagner de la marge plutôt qu’à concurrencer leurs clients historiques, affichent des prix cohérents avec ceux-ci, autrement dit des prix publics. Le 20/80 se trouve chez le distributeur, le 80/20 sur le site marchand. « Je suis étonné du nombre de commandes que l’on reçoit sans que l’acheteur ait pu voir le produit » constate un fabricant inscrit dans le haut de gamme du marché, dont l’offre est en vente sur Archiproducts.
Le fabricant, à portée de main des installateurs
Si les fabricants n’arrivent plus à déployer leur offre dans le négoce, les installateurs qui font de la salle de bains haut de gamme, avec des produits différenciés, originaux, propres à séduire une clientèle plus exigeante que la moyenne, ont du mal à se fournir. « Quand j’ai décidé d’ouvrir un showroom, nous explique l’un d’eux, j’ai commencé à visiter les salons – Idéobain, Cersaie… – et là, j’ai halluciné ! » Il a simplement découvert des produits qu’il n’avait jamais vus… Ces produits, proposés par des PME créatives, ne sont plus accessibles chez les fournisseurs habituels des installateurs. D’autant que la vente à la contremarque coûte plus cher aux industriels qu’elle ne leur rapporte lorsque le chiffre d’affaires réalisé par l’enseigne est faible. Sachant qu’un bon installateur de salle de bains est en mesure de vendre le haut de gamme mieux que son grossiste, le fournir directement paraît naturel, d’autant qu’il n’est pas rare qu’il dispose d’un petit showroom situé en centre-ville. Pour le fabricant habitué à livrer à l’unité, peu importe l’adresse d’expédition… Ainsi, en s’approvisionnant dans le négoce pour les consommables et les produits techniques et en direct pour le reste, l’installateur se démarque et atteint une autre clientèle. Il gagne aussi en indépendance et maintient sa marge, tout comme le fabricant qui, en plus, donne de la visibilité à son offre.