Alors que la future loi Grand âge et Autonomie est cours d’élaboration, la Silver Economie, filière française du bien-vieillir, a remis au gouvernement un rapport contenant 16 propositions pour un logement adapté aux seniors, dont certaines concernent bien évidemment la salle de bains, qu’il s’agit de rendre accessible et sûre, mais aussi « évolutive et réversible ». Présentation.
Adressé conjointement aux ministères de la Santé et du Logement, le rapport de la Silver Economie vise à « remettre le sujet sur la table des discussions », lui donner « une place centrale dans les politiques publiques », regrettant qu’il « se situe trop souvent en dessous des radars des pouvoirs publics. »
L’idée est de prendre en compte, en amont cette fois, le vieillissement de la population, sachant qu’il y a d’énormes besoins en capacité de logement (Ehpad…) et donc d’anticipation et de prévention des risques au domicile des personnes pour ne pas que, comme « souvent hélas, les solutions arrivent trop tard pour être véritablement efficaces ».
Deux constats permettent de prendre la mesure du problème : les bénéficiaires de travaux d’adaptation ont en moyenne 83 ans, âge qui correspond peu ou prou à l’entrée en maison de retraite médicalisée ; les chutes domestiques des personnes âgées de 65 ans et plus provoquent près de 10 000 morts par an (chiffre presque trois fois supérieur au nombre de tués sur la route).
Segmenté en 6 thématiques directives, le rapport de la Silver Economie pour l’adaptation du logement au vieillissement de la population (et au maintien à domicile) invite donc à « réfléchir aux freins qui empêchent qu’on déploie ces solutions ».
♦ La proposition 1 a pour objectif de « Mieux informer les usagers », considérant que « 79% des français s’estiment mal informés ».
Elle passe par la création d’un Guide des bonnes pratiques au logement adapté qui sera diffusé massivement et conçu par l’ensemble des partenaires (Anah, Cnav, Agirc-Arrco…) comme une sorte de « guichet unique », pour « flécher les services » et « lutter contre « l’atomisation de l’information qui rend inefficace la sensibilisation des retraités ».
♦ La proposition 2 illustre la volonté de « Mieux prévenir, mieux anticiper » avec la mise en place d’un diagnostic diagnostic Habitat-Mobilité à partir de 65-70 ans, établi par un ergothérapeute.
♦ La proposition 3 va dans le même sens en suggérant la création d’une Commission Annuelle des Bailleurs Sociaux dédiée à l’adaptation du parc social au vieillissement des locataires, sous l’égide des ministères de la Santé et du Logement afin de « donner une impulsion commune à tous les acteurs et de généraliser les bonnes pratiques ».
♦ La proposition 4 conseille d’impliquer les professionnels des transactions immobilières par la création d’une « Etiquette Adaptabilité ». Cet indice se défend d’être un diagnostic de plus, l’idée étant de « porter à la connaissance des usagers les points d’amélioration ou points bloquants pour le futur dans le cadre d’une adaptation du logement au vieillissement » en évaluant l’habitat lors de la transaction, manière aussi de « commencer à créer l’historique d’évaluation du parc ancien ».
♦ Les propositions 5, 6 et 7 ambitionnent de « Protéger les consommateurs » face aux nombreux écarts constatés par rapport à l’éthique et lutter contre les escroqueries qui décrédibilisent le secteur. Considérant le récent dossier paru dans le magazine 60 Millions de consommateurs comme la « Bible de ce qu’il ne faut pas faire » selon les mots de Jean-Philippe Arnoux, directeur Silver Economie et Accessibilité chez Saint Gobain, la Silver Economie réclame d’insérer un volet éthique dans le cursus de formation « pour tous les métiers interagissant avec les personnes âgées », mais aussi de punir durement les abus de faiblesse envers les personnes fragiles. Concrètement, non seulement les sanctions pécuniaires seraient plus sévères pour les contrevenants, mais la législation du droit du commerce sur le démarchage à domicile et les ventes sur foires et salons serait renforcée, le délai de rétractation passant de 7 à 14 jours. Volet complémentaire de ces mesures de protection nécessaires à l’instauration d’un climat de confiance et à l’assainissement du secteur, la nécessité d’informer clairement les usagers de leurs droits et recours, mission incombant « d’abord et avant tout aux professionnels eux-mêmes ».
♦ « Sécuriser le cadre d’intervention des artisans » est le credo des propositions 8 et 9 qui plaident pour la création d’un Label RG2A permettant d’identifier les artisans spécialisés, lequel bénéficierait du retour d’expérience des labels existants autour de la transition écologique (RGE notamment) et serait reconnu par l’Etat comme « Garant de l’Adaptation et de l’Accessibilité des logements (RG2A) » et « devra valider des acquis simples en termes d’ergothérapie, d’éthique, de normes handicap et de compréhension du fonctionnement avec les acteurs de l’écosystème ».
Parallèlement, la Silver Economie appelle de ses vœux la mise en place d’un processus vertueux : pas de travaux sans évaluation par un ergothérapeute, pas de travaux sans artisan labellisé, manière de conditionner les aides publiques à de bonnes pratiques sur la base d’un audit sérieux qui définira préalablement les besoins de la personne et de valoriser le travail d’artisans identifiés comme des vrais spécialistes. Pour Patrick Liébus, président de Capeb qui revendique par ailleurs la création des labels Handibat et Silverbat, il faut que les 350 000 artisans et professionnels du bâtiment « s’adaptent à ces pratiques par la formation » et ainsi « créent de la proximité, laquelle instaure de la confiance, et garantit la qualité ».
♦ La question du « Financement de l’adaptation » constitue une suite logique à ces propositions « en tirant les enseignements de ce qui n’a pas marché avec le RGE », avec notamment un crédit d’impôt qui se transformerait en prime, pour supprimer tout décalage de trésorerie. La proposition n°10 plaide pour une refonte du texte du Crédit d’Impôt pour l’adaptation des logements pour qu’il incite davantage à une action préventive.
♦ La proposition 11 recommande une triple conditionnalité de l’accès au financement : être âgé de 65 ans et plus, établissement d’un rapport d’ergothérapeute (qui orientera donc les travaux) et appel à un professionnel labellisé.
♦ Proposition 12 veut inciter à s’y prendre le plus tôt possible, en créant, sur l’exemple de l’Allemagne, une « prime à l’anticipation des travaux d’adaptation basiques (salle de bain, sols, portes de circulation) entre 65 et 75 ans pour favoriser l’adaptation préventive des logements ». Avec « prise en charge de tout ou partie des prestations d’ergothérapeute par la sécurité sociale ou par les mutuelles. » .
♦ Pour soutenir les usagers et sécuriser les artisans, la proposition 13 insiste pour généraliser le tiers-payant « afin que les personnes âgées ne supportent que le reste à charge sans attendre le versement des aides ou du crédit d’impôt et les délais d’attentes des décisions puis de versement des fonds n’obèrent pas gravement la trésorerie des artisans ».
♦ Enfin, dernière thématique identifiée comme prioritaire, « L’adaptation par les services d’aides et les outils technologiques », concerne les propositions 14, 15 et 16 qui visent respectivement à soutenir le développement de solutions technologiques à domicile, avec notamment la création d’une commission annuelle de révision des solutions technologiques éligibles dans le cadre de l’adaptation de l’Habitat pour favoriser le lancement et l’intégration d’innovations utiles ou encore la préconisation d’un Pack Technologique (cf. Proposition Rapport Aquino-Bourquin), à en équiper tous les logements collectifs hébergeant des personnes âgées, ainsi qu’à mettre l’adaptation du logement au cœur de l’aide à domicile.
D’une manière générale, la Silver Economie observe encore que les aides sont aujourd’hui ventilées en silo (logement/travail/santé), appelant à davantage de transversalité afin de porter une économie globale. Mais également à mieux considérer la complémentarité des différents acteurs, les aidants à domicile et les artisans du Bâtiment faisant partie d’un même écosystème dont la dimension multimodale fait apparaître des enjeux aussi humains que techniques.
Contributeurs, membres du Conseil National de la Silver Economie
Jean-Philippe Arnoux, directeur Silver Economie et Accessibilité chez Saint Gobain ; Hervé Meunier, directeur général de Filien-ADMR.