Même si la salle de bains ne pèse que 4 à 5 % du bilan carbone des bâtiments résidentiels [1], elle est concernée par la RE2020. Celle-ci s’appuie sur les fiches FDES, qui détaillent l’impact environnemental de chaque produit au cours de sa vie. Pourraient-elles influencer la sélection des produits de salle de bains ?
Indiquant les « performances carbone » des produits de construction et équipements, les FDES, ou Fiches de déclaration environnementales et sanitaires, sont à la base de la RE2020 qui, normalement applicable à partir du mois de janvier 2022, va remplacer la RT2012. Les données qu’elles contiennent, normalisées [2], sont destinées à être introduites dans les logiciels d’analyse du cycle de vie (ACV) des bâtiments, afin de calculer leur impact environnemental.
Les fiches FDES ne sont pas, pour l’instant, obligatoires
Si les FDES, explique aujourd’hui le CSTB sur son site Internet, ne sont « obligatoire[s que] pour les produits de construction ou de décoration qui font l’objet d’une communication comportant des allégations à caractère environnemental », elles deviendront nécessaires lorsque la RE2020, réglementation à la fois thermique et environnementale, sera appliquée.
Cela étant, il existe trois sortes de FDES. Les premières sont collectives, réalisées par les organisations professionnelles (telle l’Afisb [2]) au nom de plusieurs industriels/metteurs sur le marché de produits équivalents. Dans ce cas, elles établissent une moyenne entre tous, les moins vertueux pénalisant les plus vertueux. Les FDES peuvent aussi être individuelles, élaborées par un seul fabricant en son nom propre. Enfin, en l’absence des unes et des autres, les acteurs de la construction ont – en tous cas pour l’instant – le droit d’utiliser les DED, ou Données environnementales par défaut. Celles-ci, établies et publiées par les ministères concernés, sont défavorables pour la famille de produits en question, afin d’inciter à la production de FDES individuelles ou collectives.
Les FDES sont strictement françaises
Les FDES sont la version française des EPD/DEP européennes (Environmental product declaration/Déclaration environnementale de produit), et sont plus contraignantes, intégrant des informations sanitaires et couvrant l’ensemble du cycle de vie des produits (production, transport, mise en œuvre, vie en œuvre et fin de vie). Selon la loi, elles doivent être vérifiées par un tiers neutre [3] et ont une durée de vie limitée à cinq ans, au bout desquels une révision/recalcul s’impose.
Leur réalisation est fastidieuse : un produit/gamme peut être composé d’éléments provenant de plusieurs fournisseurs appelés à changer au cours du temps et être fabriqué dans plusieurs usines d’un même fabricant ou passer de l’une à l’autre en fonction, par exemple, de l’évolution des ventes. D’autant que les références se comptent en milliers dans un catalogue et si les moyennes sont possibles sur une même famille de produits, elles sont forcément pénalisantes pour certains d’entre eux. Or, à fonction/produit équivalent, la FDES peut faire la différence aux yeux d’un prescripteur qui doit obtenir un bilan carbone dans les clous.
L’univers du sanitaire compte encore peu de FDES
Les FDES existantes sont consultables sur le site Inies.fr, où sont réunies les données environnementales et sanitaires du secteur. Si cette base rassemble pas loin de cinq mille FDES et PEP ecopassport [4] en ce début de mois d’avril 2021, seules trente-cinq concernent les « Equipements sanitaires et salles d’eau » : deux sont individuelles, l’une étant signée Eiffage, constructeur, pour son « module industriel de salle de bains préfabriquée en bois », l’autre Nicoll, pour son bâti-support Solemur. Six ont été réalisées par l’Afisb au nom de plusieurs de ses adhérents fabricants, tandis que les autres fiches sont des DED fournies par le ministère de la Transition écologique et le ministère en charge du Logement.
Pourquoi si peu de FDES ? Parce qu’elles commencent seulement à être réclamées, explique l’Afisb qui, il y a dix ans, a été parmi les premières associations de fabricants à en produire. Mais aussi parce que, françaises, elles sont différentes des EPD/DEP européennes, ne répertoriant pas les mêmes impacts et ajoutant au travail de collecte. A défaut de FDES, les maîtres d’ouvrage s’appuient sur les DED fournies par les pouvoirs publics, lesquelles, même si elles aggravent le bilan carbone des produits de la salle de bains, ne pénalisent aucun industriel. En attendant une uniformisation qui se fait attendre…
L’impact des FDES sur la sélection des produits
Jusqu’à nouvel ordre, les FDES concernent les produits destinés à la construction neuve (notons que là où l’exigence est la plus élevée, les prix pratiqués sont les plus bas…). Le recueil des données, ainsi que l’obligation de leur contrôle, vont sans doute compliquer le sourcing direct par la distribution des produits en Asie. Mais il n’est pas non plus exclu qu’elles provoquent des glissements d’un produit/matériau à l’autre, dont le bilan carbone sera plus favorable. Parions que, une fois la méthode de calcul de la RE2020 publiée, les logiciels vont être mis à jour et travailler. Nous saurons alors qui de la céramique sanitaire ou des résines de synthèse, de l’acier ou de l’acrylique… a le plus fort impact sur l’environnement.
[1] Les installations sanitaires représentent, selon le CSTB, 4 à 5 % du bilan carbone des bâtiments résidentiels (logements collectifs et maisons individuelles), 1 % de celui des bureaux et 7 à 8 % de celui des hôtels (qui ne sont pas concernés par la RE2020).
[2] Il s’agit de vérifier que les FDES ont été établies conformément à la norme, notamment NF EN 15804+A1 et son complément national NF EN 15804/CN.
[3] Afisb, Association française des industries de la salle de bains.
[4] Pour les équipements électriques, électroniques et de génie climatique, il n’y a pas de FDES, mais des PEP ecopassport.
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