Pour Michael Scherpe, PDG de la délégation officielle de Messe Frankfurt pour la France et Monaco, cette exigence apparue récemment d’une rentabilité immédiate des salons est contre-productive : les retombées d’un événement comme ISH doivent aussi être mesurées sur le long terme. Interview.
Sdbpro – Suite à un article publié sur Sdbpro.fr, évoquant l’absence de certains industriels à ISH 2023, vous avez demandé cette interview. Pourquoi ?
Michael Scherpe – Dans cet article, l’idée apparaissait que le salon ISH n’était plus aussi incontournable qu’il avait pu l’être dans le passé…
Sdbpro – N’est-ce pas le cas aux yeux de ces industriels du sanitaire qui ont décidé de ne pas exposer ?
Michael Scherpe – ISH est incontournable ; ce sont ces industriels qui ne le sont plus… En Allemagne, les fédérations professionnelles l’ont clairement dit : les artisans n’ont pas le temps de recevoir les fabricants individuellement, parce qu’ils doivent travailler ; et il y aura suffisamment d’offres et de nouveautés à ISH.
C’est-à-dire ?
Michael Scherpe – Ce qu’il faut comprendre : ISH est un salon, ce n’est pas un produit. On n’expose pas que pour faire du chiffre d’affaires immédiat. Un salon est la présentation d’une profession, un lieu où le marché se regroupe pour voir les produits et les hommes. C’est un gain de temps pour les visiteurs comme pour les exposants, donc un gain d’argent. D’ailleurs, les fabricants absents seront tous des visiteurs, parce que leurs équipes de vente, de marketing, etc., ont besoin de ce salon. Ils n’ont simplement plus les moyens de le payer… Cette notion de salon-produit est apparue pour des raisons financières, parce que le marché est aujourd’hui dominé par des groupes industriels cotés en bourse.
Sdbpro – Il faut reconnaître que cela a un coût…
Michael Scherpe – Oui, cela a un coût, que les absents investissent ailleurs, dans quelque chose qu’ils estiment plus profitable, parce qu’ils ne peuvent faire les deux. Ils verront plus tard s’ils ont raison ou pas. Par ailleurs, le Covid a entraîné des problèmes de production, de livraison… et venir sur un salon avec ce type de difficultés, c’est prendre le risque de se faire enguirlander. De plus, tout le monde n’a pas de nouveautés à présenter. Et il y a aussi l’idée que tout est possible avec Internet, mais ce n’est pas vrai : on a besoin de contacts et de voir les produits. Les clients veulent la concurrence, un endroit où toutes les propositions sont montrées. En Allemagne, les artisans sont déterminants dans le choix des produits. Les absents ne seront pas dans la discussion.
Sdbpro – Mais le marché du sanitaire est difficile, parce que le chauffage, du fait de la crise énergétique, monopolise le temps des installateurs et l’argent des particuliers…
Michael Scherpe – Les chiffres sont positifs en Allemagne en 2022, +9 % en moyenne, et l’on anticipe, pour le sanitaire, une croissance de +2 % en 2023 (et +5 % pour le chauffage-climatisation). Le marché est porteur. Il n’y a qu’à observer le vieillissement de la population et les rénovations qu’il implique. En France, on pense que tout le monde est pauvre, ce qui annule toute perspective alors que beaucoup de gens sont confortablement installés, qui peuvent acheter une pompe à chaleur et rénover une salle de bains. En Allemagne, on part du principe qu’il y a d’énormes marchés pour les années à venir, qui nécessitent des investissements.
Sdbpro – Combien d’exposants sont déjà inscrits à ISH ?
Michael Scherpe – Nous aurons environ 2 000 exposants, à peu près équitablement répartis entre le sanitaire et le chauffage. Ce n’est pas parce qu’il en manque quelques-uns, certes importants, qu’ils sont moins nombreux au final. D’autres profitent des places libérées, notamment des italiens, des turcs et des français. Le pourcentage d’exposants étrangers à ISH est grand, de l’ordre de 70 %. C’est la première plateforme mondiale dans le domaine.
Sdbpro – Combien de visiteurs espérez-vous ?
Michael Scherpe – Depuis le Covid, les prévisions sont devenues difficiles. Néanmoins, nous anticipons une baisse des visiteurs venus de l’international, à cause des contraintes mises en place, comme celles pour la Chine. Nous prévoyons un recul de 20 %. Mais le visitorat reste énorme ! Quand je pense à ISH dans les années 1980 : il était beaucoup plus petit, et pourtant… De nombreuses manifestations et conférences sont organisées par les syndicats, il est vrai en anglais ou en allemand. Mais il y a beaucoup d’innovations à découvrir pour les visiteurs français, par exemple en matière d’énergie. Voir comment l’Allemagne va évoluer sans le nucléaire est intéressant pour les Français… Au-delà des pompes à chaleur, il y a pour les professionnels des solutions à découvrir. Mais le nombre de visiteurs Français reste faible si l’on considère la proximité avec Francfort… Peut-être sont-ils moins enclins à se déplacer, parce que le temps coûte de l’argent.
Repères
♦ ISH 2023 est programmé du lundi 13 au vendredi 17 mars.
♦ Lors de la précédente édition, en 2019, le salon a accueilli 2 551 exposants, dont 61 français, et 188 234 visiteurs, dont 5 174 français.
♦ Au moins 2 000 exposants sont attendus cette année qui, après l’Allemagne, viennent d’abord d’Italie, puis de Turquie, du Benelux, de la France et de la Pologne.
♦ Un secteur start-up accueillera une vingtaine d’entreprises.
“Suite à un article publié sur Sdbpro.fr, évoquant l’absence de certains industriels à ISH 2023, vous avez demandé cette interview. Pourquoi ?”
Eh bien qu’en est-il de la liberté de la presse ? “Je t’avais dit que cette démarche ne s’imposait pas !”
Je suis assez choqué que l’on “convoque” un droit de réponse mais je ne suis pas surpris que cela nous vienne (indirectement) d’Allemagne, pays où l’on confond allégrement, dans un mélange des genres très déplacé, l’aspect rédactionnel et publicitaire. Parce que c’est de cela dont il s’agit indirectement.
Bonjour Langlois, Nous avions la liberté de refuser… Mais le point de vue de l’organisateur nous semblait susceptible d’intéresser nos lecteurs. C’est pourquoi nous avons accepté cette interview. Cordialement. Sdbpro
bonjour,
L’organisateur a raison; Pour avoir exposé à plusieurs salons (palace concept, equiphotel, maison & objet), je confirme que les retombées peuvent venir immédiatement ou des années après.
En tant qu’architecte français, ISH est pour moi incontournable, car je suis ainsi au courant des nouveautés 6 mois à l’avance.