La FFB s’est penchée, via L’Obsoco et le site Batiactu, sur l’impact des plateformes numériques d’intermédiation dans le secteur du bâtiment. Si cet impact est inévitable, il reste toutefois à venir. Autrement dit : on n’a encore rien vu.
Réalisée début 2017, l’étude FFB-Obsoco – Observatoire société et consommation – a recensé plus de 150 plateformes d’intermédiation, à la notoriété très inégale. Si 61 % des Français interrogés en connaissent au moins une (et 63 % des professionnels), seuls 11 % les utilisent dans le secteur du bâtiment. Pour l’instant concentrées sur l’acquisition de clientèle, ces plateformes, qui évoluent très vite, vont se développer, mais aussi voire le nombre se réduire, tant les investissements nécessaires pour atteindre les seuils critiques sont importants. D’après la FFB, une dizaine devrait survivre, dont l’impact sur l’organisation et la relation commerciale des entreprises du bâtiment sera grand, susceptible de provoquer un bouleversement culturel (réactivité, transparence…). Toutefois, la véritable mutation, celle qui redéfinira les rapports entre fabricants, professionnels et clients, sera déclenchée par l’arrivée des objets connectés et du BIM.
L’étude a recensé trois types de plateformes, qui se déploient sur l’ensemble de la chaîne de valeur des entreprises, de l’acquisition de clientèle (devis uniquement), à l’exécution des travaux (devis, suivi du projet, planning et paiement en ligne) : les peer to peer, qui connectent les particuliers entre eux pour des petits travaux de bricolage, mais parfois plus ; les pro to peer, qui mettent en relation des professionnels avec des particuliers, et génèrent des paniers de travaux plus importants ; les pro to pro, qui concernent l’approvisionnement et la coordination des chantiers.
Un impact encore limité sur l’activité des professionnels
Est-ce que les plateformes peer to peer, supposées pratiquer des prix inférieurs, représentent un risque concurrentiel pour les professionnels ? Le phénomène est marginal, dit l’étude, mais variable selon la nature des prestations : ainsi, 21 % des dépannages passent désormais par une plateforme, contre 13 % pour les prestations d’entretien, 11 % pour le bricolage et 10 % pour les petites réparations. En moyenne, les plateformes captent 11 % des affaires et 10 % de celles-ci le sont par des particuliers bricoleurs. Toutefois, il existe un véritable vivier : un tiers de la population est disposé à « offrir » ses services pour réaliser des travaux en peer to peer, tandis que 16 % seulement des entrepreneurs les proposent (10 %) ou envisagent de les proposer (6 %) via une plateforme, principalement de devis. De plus, les plateformes d’intermédiation entre particuliers autorisent des mises en relation dans le cadre de prestations entrant dans le champ des travaux de bâtiment, donc normalement soumises aux exigences d’inscription au répertoire des métiers, de qualification et d’assurance, ajoutant à la concurrence déloyale subie par les artisans.
Les plateformes menacent-elles les prix et les marges des professionnels ? La question n’est pas anodine, étant donné que le consommateur peut comparer les offres sur Internet et que le peer to peer favorise l’émergence d’acteurs moins taxés que les professionnels. Toutefois, seulement 13 % des professionnels indiquent que les plateformes sont une source de concurrence, alors que 53 % ne savent pas et que 34 % considèrent que ce n’est pas le cas.
Quid du lien avec le client, traditionnellement noué localement avec les artisans ? C’est là qu’est l’enjeu, ce dont les professionnels sont conscients, qui cherchent à améliorer leur visibilité sur Internet (56 % de ceux interrogés). Mais le bouche-à-oreille résiste encore, constituant pour plus de la moitié des clients le premier canal d’information. Le deuxième est Internet, pour 25 % des travaux réalisés et pour 48 % des travaux projetés. Le numérique permet, par l’intermédiaire des moteurs de recherche, d’identifier des professionnels géographiquement plus éloignés. De plus, il offre la possibilité d’un devis immédiat, d’un suivi du projet… La panoplie des prestations est vaste, pour les petits et les grands travaux. Toutefois, l’assistance commerciale assurée par les plateformes a un coût, susceptible de rogner les marges des entreprises.
Quels sont les critères de choix des consommateurs ? Selon l’étude FFB-Obsoco, les qualifications et autres certifications ont moins d’impact auprès des consommateurs que les avis émis par ceux qui les ont précédés… Les certifications, déclaratives et non (ou mal) contrôlées par les plateformes, arrivent en dixième position dans les critères de choix et les avis en quatrième position.
Et demain ?
Il existe un frein au développement des plateformes de mise en relation dans le bâtiment, et il est de taille : la difficulté de standardiser les prestations, qui ne sont pas à l’abri des imprévus. Cette difficulté oblige les plateformes à se cantonner aux travaux simples et de dépannage. Toutefois, la FFB précise que la forfaitisation des travaux pourrait évoluer avec l’arrivée de l’intelligence artificielle. En attendant, les artisans ont pour eux le bouche-à-oreille et la notoriété, qui restent les premiers critères de sélection. Du moins pour l’instant, du moins en milieu rural, car les plateformes se développent surtout dans les zones urbaines.
A l’inverse, il y a des points favorables au développement des plateformes : d’une part, on l’a vu, la main d’œuvre, professionnelle ou non ; d’autre part leur accessibilité et les infos qu’elles fournissent, qualitatives, facilement disponibles et en adéquation avec celles que recherchent les consommateurs, notamment lorsqu’ils sont en phase projet.
Etude effectuée en janvier 2017 auprès de 2 000 clients, complétée, en mars 2017, par une enquête auprès de 1 330 professionnels du bâtiment.