Bien qu’il n’ait aucun caractère obligatoire, le guide zéro ressaut du CSTB va évidemment impacter les futures salles de bains, d’autant qu’il n’ouvre que très peu de solutions techniques : les constructeurs sont en effet orientés vers des douches sinon maçonnées du moins carrelées ou revêtues de PVC. Explications.
Le « Guide pour la mise en œuvre d’une douche à zéro ressaut dans les salles d’eau à usage individuel en travaux neufs » n’est ni un règlement ni une norme. Il décrit les solutions techniques disponibles et leurs contraintes de mise en œuvre. Mais il sera globalement appliqué, ne serait-ce que pour des questions d’assurance. Dès lors, on peut se demander jusqu’à quel point il va modifier les salles de bains dans les logements à construire.
Il ne faut pas perdre de vue que cette version du guide est inachevée et promise à révision. Les premières salles de bains accessibles étant en cours de réalisation, la parution a été précipitée. Ainsi, « le cas des parois écran type Walk’in sera traité ultérieurement » (page 29), tandis que certaines solutions techniques, dont l’installation d’un receveur fini, sont suspendues, parce qu’aucune n’a été validée par un AT ou un ATEx. Il en résulte que, jusqu’à nouvel ordre, pour être en conformité avec le guide, toute salle de bains accessible ne peut disposer que d’une douche carrelée avec receveur à revêtir ou forme de pente maçonnée et étanchéité sous carrelage ou revêtement PVC.
Des douches ouvertes uniquement maçonnées
Le guide distingue la douche ouverte et la douche fermée. Si, théoriquement, tout est possible pour la douche ouverte, dans la pratique, il en va autrement. Ainsi, le receveur fini ou à revêtir n’est pas interdit (page 16) mais, vu qu’il est demandé une pente de 180 cm (page 10) depuis le point de fixation du flexible et de la bonde vidage, il faudrait qu’il soit aussi grand que la salle de bains (page 11)… Il y a aussi la question de la reprise d’étanchéité en périphérie du receveur fini et, soulève le guide (page 24), celle des bondes siphoïdes associées aux receveurs finis : elles ne présentent pas de possibilité de raccordement à une étanchéité (nécessaire en configuration d’espace douche ouvert) et « le raccord d’étanchéité au receveur n’étant pas évalué, cette solution technique en configuration d’espace douche ouvert n’est actuellement pas disponible. »
♦ Toutefois, la douche ouverte maçonnée décrite n’est pas conventionnelle. Toute la surface de la salle de bains doit intégrer à la fois une étanchéité sous carrelage et une isolation acoustique, y compris sous la zone de douche (où l’on est susceptible de marcher chaussé). D’ailleurs, un découplage entre la rehausse et le corps du siphon est nécessaire (page 20). Cette double exigence – étanchéité et sous-couche acoustique – fait évoluer le complexe mis en œuvre, au point qu’il n’existe, semble-t-il, que deux solutions bénéficiant aujourd’hui d’un AT.
♦ C’est pourquoi – sans même compter les surcoûts liés à la mise en œuvre d’une forme de pente sur l’ensemble de la salle de bains – les douches ouvertes maçonnées vont rester l’exception, qu’elles soient revêtues de carrelage ou de PVC. D’autant que ces deux solutions sont peu ou mal acceptées par les constructeurs, voire les particuliers. Le marché va donc probablement rester cantonné à la douche fermée.
♦ Le guide demande pour les carreaux de sol, un petit PN6 (page 11) – qui est la classe la moins antidérapante – tout en indiquant que le PN12 sera requis une fois la norme NF P05-011 révisée (lequel reste plutôt moyen)…
Des douches fermées carrelées ou revêtues de PVC : où sont passés les receveurs de douche finis ?
Ainsi, dans la pratique, la douche ouverte ne peut être que carrelée ou revêtue de PVC, mais la douche fermée aussi… Car les receveurs finis en céramique ou matériau de synthèse – installés aujourd’hui dans la plupart des logements neufs – n’ont pas été oubliés, mais ils sont suspendus. Le CSTB attend que les fabricants valident, via une évaluation technique de type AT ou ATEx (démarche qui nécessite un certain délai d’instruction), la compatibilité du raccord périphérique d’étanchéité nécessaire sur le pourtour de l’équipement avec les colles et/ou les nattes et autres systèmes d’étanchéité mis en œuvre aujourd’hui.
♦ Le zéro ressaut peut entraîner des débordements rapides. Chaque fabricant de receveur (mais pas de bande d’étanchéité) est donc tenu d’effectuer une évaluation technique par rapport à chaque système d’étanchéité ou de colle existants.
♦ Le receveur de douche à zéro ressaut s’inscrit donc dans un ouvrage, et c’est nouveau. La décennale est mise en avant pour justifier de tester la compatibilité de tous les produits d’étanchéité avec toutes les solutions. Cette décision alourdit le processus, tant en termes économique que de délais et va, à court voire moyen termes, priver le marché de la solution la plus répandue. La mise en place d’une démarche groupée (une norme ?) permettrait d’avancer plus rapidement et de préserver des ressources.
♦ Avec la douche fermée carrelée, la pente est cantonnée à la zone de douche et la sous-couche acoustique est dans ce cas optionnelle (parce que l’on est pieds nus dans la douche), quoique recommandée. Sera-t-elle posée ? Pas sûr, ne serait-ce que pour éviter le même AT ou ATEx que dans le cas de la douche ouverte.
♦ Ainsi, jusqu’à nouvel ordre, la douche fermée sera, elle aussi, carrelée ou revêtue de PVC. Les constructeurs vont probablement mettre en œuvre des chapes rapportées sur des réservations de faible hauteur ou des receveurs à revêtir (qui nécessitent des hauteurs de réservations supérieures…), avec des surcoûts par rapport à la pose de receveurs finis.
♦ La douche carrelée, plus particulièrement quand elle est maçonnée, est exigeante : technicité de mise en œuvre, reprises d’étanchéité, traitements des points singuliers (angles, jonctions sols-murs…), et c’est pourquoi elle ne plaît guère aux constructeurs. On peut anticiper une bascule probable du marché vers les receveurs finis dès lors qu’ils seront admis.
Un ressaut interdit, un autre demandé
Un ressaut de 1 à 2 cm est autorisé au niveau de la porte de la salle de bains lorsqu’elle mord sur la douche ouverte (page 11) et une baguette de 7 mm est tolérée à l’entrée de la douche fermée, si elle est démontable aisément, arrondie, et ne présente pas de gêne aux pieds ou à la roue (page 30)…
♦ Les pouvoirs publics ont écrit une loi pour supprimer le ressaut de 20 mm des receveurs finis. Mais les contraintes techniques font qu’il est nécessaire d’en créer un de même hauteur à l’entrée de la salle de bains et d’en tolérer un autre de 7 mm à l’entrée de la cabine fermée.
Une douche de 120 x 90 cm utiles, hors de tout standard
La cabine de douche doit mesurer 120 x 90 cm… finie. Mais il y a un flou. Un espace utile de 120 x 90 cm implique, étant donné les épaisseurs de carrelage et de colle, un receveur forcément plus grand ou… une douche plus petite. Car le format 125 x 95 cm n’existe pas en Europe et il y a peu de chance que les architectes optent pour le 140 x 100 cm, standard, mais qui, en agrandissant la surface de la douche, réduit celle de la salle de bains.
♦ Il y a deux solutions pour les constructeurs qui tiennent au receveur fini : prier pour que les industriels créent un format spécifique à notre village gaulois ou parier sur la tolérance des contrôleurs.
Les douches walk’in en attente, mais de quoi ?
Le cas des parois de douche walk’in sera traité ultérieurement, nous dit le guide (page 29). Difficile de penser qu’une conception semi ouverte/fermée puisse trouver sa place dans la douche à zéro ressaut. D’autant que l’on doit accéder par le grand côté de la cabine (afin de permettre le transfert de la personne si elle est en fauteuil roulant), qu’un passage d’au moins 50 cm est demandé si l’on est dans le cas d’une « installation initiale sans besoin spécifique d’accessibilité » (page 30), lequel réduit la longueur de l’écran à 70 cm…
Des clarifications du texte de loi qui manquent
Ainsi, les 20 % de logements accessibles exigés dans le neuf seront à court terme équipés de douches carrelées – voire revêtues de PVC (sur le sol uniquement, afin d’éviter le terrifiant effet Ehpad). Les 80 % restants seront très probablement pourvus d’une baignoire, dont la pose est plus économique (puisqu’il semble – mais ce n’est pas clair pour tout le monde – que toute douche créée doit être accessible). Notons que le guide du CSTB ne traite pas la baignoire et son corollaire : la réversibilité.
Photo : iStockphoto.com, Shingopix.
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