Wirquin annonce l’ouverture d’un nouvelle usine en Roumanie, qui en remplace deux et lui permet d’augmenter la productivité de 60 %. L’occasion d’échanger avec Grégory Le Coënt, vice-président du spécialiste français de l’équipement sanitaire et des toilettes, sur les sujets que la crise sanitaire a pointé.
Vous fermez une usine en Angleterre et en ouvrez une en Roumanie, c’est l’effet Brexit ?
Grégory Le Coënt – Non. Malgré l’incertitude liée au Brexit, nous avons fait le pari que des accords commerciaux seraient pris et c’est ce qui s’est passé. Le fait est que nous avions une usine en Angleterre et une autre en Roumanie, toutes deux acquises par rachat, donc avec leur propre historique. Il y avait un bail à échéance d’un côté, un site trop petit de l’autre, une surcapacité ici, une sous-capacité là, et des bâtiments anciens et inadaptés de part et d’autre. D’où la rationnalisation des deux sites en un seul, installé en Roumanie parce que c’était plus simple, vu que nous y étions déjà. Nous avons investi 10 millions d’euros pour construire une usine de 13 000 m² capable de produire 5 millions de pièces par an ainsi qu’un entrepot au Royaume-Uni, qui accueille les équipes de vente et marketing. Enfin, nous avons mis en sous-traitance une partie de la production anglaise d’abattants, ceux fabriqués en compression.
De combien de sites industriels disposez-vous aujourd’hui ?
Grégory Le Coënt – Nous avons six usines, deux en Chine – l’une de transformation plastique, l’autre de fabrication des moules –, une en Russie, une en Afrique du Sud, une en Roumanie et, bien sûr, une en France, à Carquefou. Nous employons 1 200 à 1 250 personnes et réaliserons cette année un chiffre d’affaires de 125 à 130 millions d’euros. Mais nous avons encore des projets industriels, dans pas mal de pays.
Matières premières, recyclage… Le plastique a t-il encore de l’avenir ?
Grégory Le Coënt – Les approvisionnements sont compliqués, du fait des perturbations engendrées par le Covid, sur lesquelles se sont greffés des effets d’aubaine. J’ai du mal à croire que ces évolutions de prix sont purement économiques. Cela étant, on ne peut les combattre, mais le fait d’être international nous aide, car les ruptures ne se produisent pas partout aux mêmes moments. A date, le groupe s’en sort bien. Concernant la montée en puissance de l’écologie et la mauvaise réputation des plastiques, il ne faut pas perdre de vue que nos produits ne sont pas jetables mais durables. Nous ne sommes pas dans l’usage unique. De plus, le plastique, c’est comme le verre : pour le recycler, il faut d’abord le collecter, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Dans nos usines, nous récupérons et réutilisons les déchets de production, que nous avons considérablement réduits – en particulier les carottes d’injection – en modifiant les process.
Mais tous les plastiques ne sont pas recyclables…
Grégory Le Coënt – En effet, le thermoplastique – qui peut être du polypropylène, de l’ABS, du polyéthylène, du polystyrène… – se rebroie et se réinjecte autant que l’on veut, et se vend très bien en tant que matière à recycler, qui est aussi en pénurie actuellement. Ce n’est pas le cas du plastique thermodurcissable, qui est le résultat d’une réaction non réversible. On ne peut donc le rebroyer et le réutiliser. Toutefois, il existe des filières dans certains pays, où il est, par exemple, intégré dans des enduits de façades. Je ne doute pas que l’on trouvera des solutions de recyclage pour toute l’industrie de la plasturgie. Mais il faut aussi que les consommateurs évoluent, car seules les matières vierges ont des rendus parfaits et plus on intègre de plastique recyclé dans les produits, plus on risque d’avoir des traces de fluages.
Et l’Asie, a-t-elle toujours un avenir en tant qu’usine du monde ?
Grégory Le Coënt – La Chine a un avenir… pour la Chine. Est-ce qu’elle a un avenir pour le monde ? De moins en moins j’espère. Il n’est pas sain que le monde entier envoie sa production en Asie, ce qui est aussi une façon de se délester des impacts écologiques, dont chacun doit assumer sa part. Il n’est pas normal qu’aujourd’hui tous les chromes viennent d’Asie, simplement parce qu’il devient compliqué de les faire en Europe. Mais en Chine, où les rejets sont désormais contrôlés, c’est également de plus en plus compliqué. Là encore, le consommateur doit changer, qui exige du chrome et du brillant, sans doute plus rassurant du point de vue de l’hygiène… Parce qu’on pourrait faire du plastique « teinté masse », c’est-à-dire contenant des paillettes métalliques.
Donc qu’en est-il de vos usines chinoises ?
Grégory Le Coënt – L’objectif du groupe Wirquin est de localiser la production là où il vend. Ça a du sens en termes de services client et d’écologie. On vient de ramener un gros process de la Chine vers la France, à Carquefou. Il est en train de démarrer. Nous voulons raccourcir les délais de production et les distances parcourues de chacun de nos composants, que ce soit dans ou hors de l’usine. Le Covid n’a pas été le déclencheur de cette décision, que nous avons prise avant, mais il a confirmé la nécessité d’aller dans cette direction. Dans ce cas précis, la décision n’est pas économique, puisqu’au final la production sera plus coûteuse, mais stratégique, parce que l’on se rapproche du centre de gravité du client. Si le client est satisfait, le retour économique viendra. L’objectif premier de nos usines est de produire pour leur marché.
Où n’êtes-vous pas présent et pourriez l’être ?
Grégory Le Coënt – Notre vocation n’est pas forcément d’être mondial, mais de faire bien ce que l’on fait, c’est-à-dire d’être significatif là où nous nous implantons. Par exemple, en Russie, partis de zéro, nous sommes désormais numéro 2. Et nous commençons à livrer les républiques périphériques, comme le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, la Biélorussie… C’est une extension par zones géographiques cohérentes. Et il en existe pas mal où nous sommes encore modestes.
Et le marché français ?
Grégory Le Coënt – Nous sommes en progression, en particulier Wirquin Pro qui, avec une augmentation annuelle à deux chiffres, est une de nos grandes fiertés. La marque représente aujourd’hui 20 % de notre chiffre d’affaires, alors que celui du bricolage est lui-même en augmentation. Cette croissance accélérée ne se dément pas d’année en année.