Dans le cadre d’une communication destinée à la prescription, Geberit organise une série d’évènements pour les architectes. Le sponsoring du Vitra Design Museum de Bâle, qui accueille jusqu’au 10 mars 2019 une exposition consacrée à Victor Papanek, lui offre l’opportunité de faire découvrir son univers, « qui ne se limite pas aux bâti-supports ». Le groupe suisse entend placer ses fondamentaux en résonance avec le travail de ce penseur engagé qui appelait à plus de conscience des responsabilités dans le design social. Des idées porteuses qu’une vidéo traduit avec pertinence, (dé)montrant l’étendue des possibilités créatrices qu’il offre.
Au commencement, un carré d’un bleu pur s’offre immédiatement au regard (1-3 s). Cette forme unique est posée sur une trame vierge, signe d’un univers encore indéterminé, la page blanche chère à la création et sur laquelle chacun se projette facilement. Parée de la plus insondable des couleurs, celle du ciel ou de la mer dans laquelle le regard peut plonger à l’infini, cette géométrie parfaite semble incarner le champ de tous les possibles, un creuset fertile pour l’imagination. Elle est la composante graphique du logo de la marque Geberit, le marqueur de son identité visuelle, un repère à la fois structurel (en tant que figure parfaite, stable et solide) et émotionnel. Des valeurs partagées par l’affiche du secteur « Water » que vient de dévoiler l’organisateur du salon ISH 2019…
Mise en volume du carré
Puis vient son expression tridimensionnelle, révélée par son intégration dans un environnement d’abord rectiligne (3 s). L’espace inconnu fait place à la formation d’un milieu qui commence par entourer le logo initial, que l’on peut de sorte qualifier de « proto-noyau ». Le cube se met ensuite rapidement en mouvement (3 s), partie originelle d’un Tout qui forme une vague oscillante (3-6 s). Composant une nappe de quadrilatères qui répliquent la matrice azurée (la couleur en moins), ces carrés s’assemblent tout autant qu’ils se ressemblent.
De la stabilité au mouvement
En se dédoublant à la vitesse de défilement de l’image pour édifier une sorte de muraille immaculée, les « réplicants » génèrent une énergie qui incarne visuellement l’émergence d’un monde animé, palpitant même. Juste avant de se disperser comme autant de cellules reproductrices (7 s), ces unités quasi « biologiques » en interaction manifeste figurent le va-et-vient d’un cœur qui bat, symbole universel de la vie.
L’ordonnancement d’un monde
L’écran, le flux vertical des molécules cubiques est soudainement soumis à une poussée libératoire qui les projette littéralement en avant, en direction du spectateur (7-9 s). Cette propulsion a pour effet de libérer la quatrième dimension, jusque-là contenue en arrière-plan, au-delà des fortifications fondamentales.
Au-dessus de nos yeux (et non pas sous, par un procédé impressionnant de contre-plongée), un nouveau monde se construit, s’architecture. Les cubes essaiment alors sans fin, occupent l’espace pour mieux le créer. Symboliquement, le carré structure et ordonne le monde, ce cycle représentant une métaphore habile de l’amélioration continue et de la tradition d’innovation que revendique Geberit (concepteur entre autres du premier système de double chasse, une invention durable au service du consommateur et de l’environnement qui répond aux exigences réelles du monde).
Une vision d’architecte
L’angle de vue place volontairement le spectateur à l’intérieur de cet univers en mutation permanente (8-10 s). Comme s’il en était lui-même le grand ordonnateur, il assiste ainsi à l’édification de plusieurs structures carrées, dont la base est invariablement la même, le carré-mère apportant symboliquement la pierre à chacun de ces édifices (10-19 s).
Leur taille croît jusqu’à l’érection d’un bâtiment d’une taille supérieure, qui invite à remarquer un changement d’échelle, une prise de poids et d’importance immédiatement perceptible. Bâtie à partir de carrés-briques blancs, cette structure remarquable (et remarquée) change de couleur pour revêtir la teinte céleste du logo (20-21 s). Ainsi, Geberit fait peut-être symboliquement la (dé)monstration de l’élargissement de son périmètre suite à l’acquisition de Sanitec en 2015, qui modifie sa structure jusque-là monolithique. Tous les carrés convergent à ce moment vers ce cube suprême. Ils en modifient à nouveau l’assemblage, le renforcent et le complètent (22-27 s) au point qu’une nuée bleue envahit progressivement tout le plan (26-27 s), nous embarquant au passage pour une plongée allégorique dans la matrice qui a sans doute quelque lien de parenté avec le cinéma de science-fiction, jamais avare d’effets saisissants.
De la matrice à la matière
Soudain, ces abysses sont traversés d’un halo de lumière crue (27 s) qui irradie fortement depuis l’intérieur de la scène. L’irruption de ce faisceau dont la source est intrinsèque modifie notre perception, nous progressons désormais entre les « blocs » en suspension, non plus dans le plan mais dans la matière elle-même (28-32 s). Le chemin emprunté parmi les éléments en lévitation nous mène à un cube blanc, relié à d’autres par des passerelles (elles-mêmes à base d’atomes carrés) qui comblent les vides et créent du lien, l’embryon d’un réseau, non plus seulement émanant d’une structure mais d’une structuration.
Dans le Saint des Saints
Placé progressivement dans notre axe (32-37 s), le pont suspendu se fait alors bordage, une lueur servant de guide pour rallier un vaste vaisseau blanc (37-40 s). Entre la clarté (d’essence divine ?) et la monumentalité, impossible de ne pas songer aux architectures sacrées, au privilège qui nous est accordé de pénétrer en son sein, voire dans « le Saint des Saints », à l’instar du naos (« l’intérieur du temple », en grec). Considérée comme l’habitation de la divinité, le lieu où les fidèles abritent ses richesses et sa statuaire, cette pièce est la plus vénérable d’un temple (d’Égypte ou de Grèce antique…).
Derrière le mur et devant
Rayonnant, le dedans comporte ici un lieu clos et opalin, visible dans ses trois dimensions. Le cadrage fait la mise au point sur l’angle gauche qui nous fait face (40-42 s). Au mur, se déploient alors le système complet de bâti-supports de Geberit, avec ses structures métalliques et sa tuyauterie enchâssées dans la cloison (42-45 s) qui se matérialise (45-47 s) pour mieux nous dévoiler la nature même de cette pièce unique, reconnaissable par ses différents composants (in)visibles, non seulement dans mais par-delà la paroi : une salle de bains complète, avec évacuations, urinoir, W.-C. suspendu avec réservoir de chasse encastré, meuble-vasque, robinetterie et douche (47-50 s). On comprend alors ce que contient implicitement ce solide dont les six faces sont des carrés de mêmes dimensions : chacun des métiers complémentaires de Geberit, avec les trois familles de « solutions produits » à la fois devant et derrière le mur (canalisations, système d’installation et de rinçage et salle de bains).
Naissance d’un espace urbain
Nimbés de lumière (51 s) immédiatement après cette « révélation » presque surnaturelle, nous faisons marche arrière (52 s). Le halo diminue en intensité au fur et à mesure que nous rebroussons chemin dans l’espace et dans le temps, faisant réapparaître les architectures flottantes (53-54 s). La perspective change alors radicalement. Par un effet de travelling latéral, le tableau s’ouvre vers la droite (54-64 s), élargissant beaucoup notre champ de vision. Associées, toutes les petites unités faisant précédemment « bloc » ont fait naître un espace urbain, qui fait de chaque logement et de chaque salle de bains un mini-sanctuaire voué au bien-être et au confort. Le panorama se dilate ensuite à mesure que la représentation s’éloigne de nous (65-71 s).
A la genèse de la création
Lorsque cette « correction » de trajectoire finit de s’opérer, un petit point bleu (telle une goutte d’eau) se positionne au centre de cette composition mondaine. Pour ainsi dire « subliminal », ce repère optique se mue subito en carré en entamant une ascension très symbolique au-dessus de la ville (66-73 s). Couronnée d’un halo bleu inspiré (sinon mystique), cette métropole moderne est fondée sur une « acropole » aux pieds de laquelle Geberit appose son message : More room for creativity (plus de place à la créativité). Pivotant une dernière fois sur lui-même pour affirmer l’étendue de ses facettes (72 s) au moment de conclure la vidéo, le logo reprend sa position de départ avec pour point d’ancrage le carré, emblème du monde créé, à la genèse de tout.