Il est de tradition lors des Conventions nationales de la Fnas de faire appel à un conférencier de qualité. Cette année, le choix s’est porté sur Emmanuel Zilberberg, économiste, professeur à l’ESCP, dont les travaux portent les mécanismes de fixation du prix. Un sujet d’une pertinence absolue.
Dès que l’on parle de prix, on entre dans la complexité. Alors que de nombreux acteurs de la vie économique pensent que c’est la concurrence qui fixe le prix, Emmanuel Zilberberg fait remarquer que cette opinion équivaut à abandonner cet outil de décision aux autres, alors qu’en réalité le prix est le seul paramètre que l’on peut entièrement maîtriser.
Le prix est le résultat d’un ratio
La complexité du terme engendre des idées fausses. Par exemple, l’expression « low-cost » est instinctivement traduite par « prix bas », alors qu’elle signifie littéralement « coût bas », ce qui est très différent.
Le prix, souligne Emmanuel Zilberberg, est le produit d’un ratio entre la quantité de monnaie cédée par l’acheteur et la contrepartie d’un bien (droit d’accès, usage, performance fournie par le vendeur). A partir de ce ratio, on peut imaginer un modèle dans lequel s’établirait une convergence entre le vendeur et le client. Emmanuel Zilberberg prend pour exemple la firme Michelin : inventeur du pneu longue durée, Michelin vend du kilomètre parcouru et non un simple pneumatique. Autre exemple « a contrario » : EDF vend du kWh pour des logements parfois mal chauffés ; imaginons qu’il décide de vendre « une température intérieure de 19-20 °C », cela changerait complètement son métier et la qualité du ratio.
Le prix levier stratégique primordial
Comprendre et modéliser l’impact d’une action sur le prix est une décision fondamentale pour l’entrepreneur. Le prix est généralement corrélé avec cinq grands paramètres relatifs à l’activité de l’entreprise – chiffre d’affaires, volume, part de marché – et à sa rentabilité : marge et coûts…
Emmanuel Zilberberg compte parmi les chercheurs qui infirment la théorie selon laquelle : croissance du chiffre d’affaires = gain de part de marché = progression du résultat d’exploitation. C’est à partir de cette analyse que s’est développée une stratégie de baisse du prix afin d’augmenter les volumes, voire le chiffre d’affaires, mais surtout afin d’obtenir des gains de part de marché. Cette croyance perdure (en particulier dans un contexte déflationniste) parce que la notion de part de marché est très liée à celle de « territoire » (territoire = pouvoir), et s’avère très vivace dans le monde de l’e-commerce.
En réalité, affirment nos contradicteurs, c’est la profitabilité qui détermine la part de marché, et non l’inverse. Etre le moins cher ou couvrir le plus vaste territoire ne représentent pas une stratégie de croissance durable. Il y a une dizaine d’années, Nokia, en réalisant des économies d’échelle, augmentait sa production de téléphones mobiles jusqu’à atteindre une position dominante avec 36 % de part de marché, mais au détriment de… son résultat d’exploitation. On connait la suite de l’histoire. Plus récemment, Orange a refusé de répondre à l’offensive prix de Free ; cette politique conduisait purement et simplement à détruire le métier d’opérateur.
Suivant >> |
- La fonction stratégique du prix selon Emmanuel Zilberberg
- L’analyse par seuils et ses conséquences stratégiques
- Sèche-serviettes I Ching de Tubes : sous le signe de la transformation