L’obligation de la douche à zéro ressaut dans les logements neufs a suscité de nombreux commentaires, sans toutefois rentrer dans le détail des solutions techniques pour la réaliser ni des effets collatéraux qu’elle pourrait engendrer. Explications.
Que la douche à zéro ressaut – autrement dit la douche de plain-pied – soit une bonne chose, et pas seulement pour les PMR, est une certitude (quoique : le ressaut aurait, selon certaines personnes en fauteuil, l’intérêt de permettre de caler celui-ci lors du transfert sur le siège de douche). Que les industriels et constructeurs aient besoin de temps pour la mettre en œuvre en est une autre. La troisième étant celle des coûts qu’elle entraîne. Sans compter que, dans l’état actuel des choses, elle enfreint certaines normes, mais pourrait aussi changer rapidement la physionomie de nos salles de bains, pas forcément pour le meilleur.
Note importante : cet article suscitant beaucoup de réactions, nous nous permettons, au fur et à mesure qu’elles nous parviennent, de l’enrichir, voire de le corriger si nécessaire.
Les questions soulevées par la douche à zéro ressaut
La garde d’eau Dans le neuf, la garde d’eau des siphons doit être au moins égale à 50 mm de hauteur – c’est une obligation règlementaire. Quelle que soit la hauteur d’encastrement du siphon – de 60 à plus de 100 mm –, la hauteur totale nécessaire est supérieure à 100 mm, sachant que le CSTB préconise 4 cm de chape au-dessus de la canalisation, qui mesure au moins 4 cm de diamètre, et 3 cm en dessous (schéma ci-contre, CSTB). De plus, lorsque la hauteur de la garde d’eau diminue, le débit aussi, ce qui, dans une douche à zéro ressaut, peut poser des problèmes, d’autant que les débits mesurés en laboratoire le sont sous 15 mm d’eau.
La sécurité électrique Elle n’est plus assurée et ne permet plus la conformité avec la norme NF C 15100 dès lors que la douche est ouverte dans une salle de bains de petite surface. La solution ne peut que passer par le développement de nouveaux appareillages électriques, prises et interrupteurs notamment.
Dalle et chape La solution de l’encastrement du siphon dans la dalle n’en est pas une, car elle implique un raccordement de l’évacuation à la colonne de chute dans le logement du niveau inférieur, une pratique abandonnée depuis l’après-guerre et impensable aujourd’hui. La hauteur de la chape, qui est actuellement de 5 à 7 cm (quand elle existe, semble-t-il !), dépend de la solution technique retenue, mais aussi de la hauteur du siphon.
Douche ouverte et étanchéité Si la douche est ouverte, ce qui permet de limiter l’augmentation de la surface de la salle de bains, celle-ci doit être entièrement étanchée avec, bien entendu, des remontées murales suffisantes, d’au moins 10 cm. En revanche, la douche fermée impose une salle de bains plus vaste. Selon l’emplacement de l’étanchéité, sous carrelage ou sous chape, elle est susceptible d’être endommagée par la mise en place ultérieure d’une paroi de douche.
Rideau de douche pour tous Pour rester accessible dans la salle de bains d’un logement neuf, la douche doit être ouverte. Que ce soit pour éviter les courants d’air ou pour contenir les projections d’eau, les possibilités de la fermer avec une paroi sont réduites (parois repliables éventuellement). Le retour du rideau de douche est donc annoncé.
Des solutions techniques pour la douche à zéro ressaut dans le neuf
L’évacuation murale déportée dans une gaine Lorsque l’évacuation est murale et le siphon à sortie verticale, il peut être déporté dans la gaine technique. Cette solution, notamment travaillée par Nicoll, supprime la question de la hauteur de chape. En revanche, l’emplacement de la douche dans la salle de bains est figé. De même que l’architecture du bâtiment : les gaines étant installées au centre de la construction, cubique, les salles de bains tournent autour et les appartements ne peuvent plus être traversants. Cela étant, il est toujours possible de déporter le siphon par rapport à la bonde de vidage, afin de limiter la hauteur de la chape…
La forme de pente ou chape pentée Si l’on se réfère aux solutions préconisées par le CSTB, il faut prévoir 4 cm de chape flottante au-dessus de l’évacuation horizontale (diamètre mini 4 cm) et 3 cm en dessous, l’isolant acoustique étant situé entre la dalle et la chape, et l’étanchéité sous le carrelage. Notons que la chape pentée impose des appareils suspendus dans la salle de bains, notamment le WC…
La chape étanche Avec une chape étanche dans la masse, plus de problème d’étanchéité à réaliser et d’infiltrations d’eau à craindre. Elle serait en cours de développement, notamment chez Sika.
Le receveur de douche classique Il existe des receveurs de douche ultra plats, donc sans cuve ni ressaut. C’est notamment le cas des modèles en acier émaillé. Il est tout à fait possible de les utiliser, d’autant plus qu’ils sont associés à des systèmes d’installation performants (piétement métallique, socle en polystyrène, boîtier d’installation du siphon évitant, par exemple, les contrepentes, récupération des éventuelles infiltrations entre le sol et le receveur…). Dans ce cas, une réservation est prévue dans la chape, à la bonne hauteur. Mais la douche étant ouverte, la liaison sol/receveur peut être un point faible en ce qui concerne l’étanchéité.
Le receveur prêt à carreler Equipé en usine d’une bonde ou d’un caniveau (hauteur variable selon la garde d’eau du siphon), le receveur prêt à carreler est collé directement sur la dalle revêtue d’une couche acoustique, dans une réservation prévue à cet effet. Une bande d’étanchéité périphérique assure la liaison chape/receveur. Le sol de douche est dans ce cas carrelé comme la salle de bains : c’est la véritable douche à l’italienne.
Les systèmes de douche plastique Ils sont aujourd’hui utilisés dans les salles de bains des chambres des établissements de santé et dans les hôtels d’entrée de gamme. Assurant à la fois la finition et l’étanchéité, ils sont éprouvés, efficaces et bon marché. Pas sûr cependant que ce soit ce dont on rêve…
Les effets collatéraux de la douche à zéro ressaut
La surface de la salle de bains Il semble que la superposition du cercle de 150 cm et de la zone de douche ne résiste pas à la pression des associations de handicapés. Nos salles de bains vont donc s’agrandir, qui devront mesurer au moins 1,8 x 2,4 (1,5 + 0,9) m. Ce qui est une bonne chose en soi, sauf que cet agrandissement va se faire au détriment d’une autre pièce, par exemple les toilettes séparées qui ne le seront bientôt plus du tout.
Douche obligatoire Dans les T3 (mais aussi T2 et T1), qui ne comportent qu’une seule salle de bains, exit la baignoire et douche obligatoire ! Puisque la première ne doit pas empêcher la seconde ultérieurement, cela veut dire concrètement que les deux doivent être installées : la douche étanchée et éventuellement carrelée, sur laquelle une baignoire autoportante – et non plus encastrée – est posée, raccordée au même siphon que celui de la douche…
L’aspect décoratif Salle de bains carrelée pour tout le monde ? Et avec quelle qualité de carrelage ? Sûrement dans la promotion haut de gamme mais, à terme, sans doute pas dans les programmes plus basiques. Appliquer un revêtement plastique qui assure à la fois l’étanchéité et la finition, tels que ceux que l’on rencontre dans les établissements de santé, pourrait rapidement supplanter l’option carrelage. C’est une solution que l’on rencontre d’ailleurs dans les salles de bains des pays ayant depuis longtemps adopté la douche à zéro ressaut…
Et demain, on rénove comment ? Dans le cas d’une chape pentée, l’étanchéité étant réalisée sous le carrelage, la rénovation ultérieure de la salle de bains impliquera sa destruction, voire de la sous-couche acoustique. On peut sans risque parier que le nouveau carrelage sera posé sur l’ancien afin de limiter les travaux et les coûts, entraînant la création d’un ressaut de plus de 2 cm d’épaisseur…
Sources
♦ Jean-Charles du Bellay, chef du département des affaires techniques de la FFB, Fédération française du bâtiment.
♦ Hubert Maitre, secrétaire général de l’Afisb, Association française des industries de la salle de bains.
♦ Le CSTB, Centre scientifique et technique du bâtiment, et l’AQC, Agence qualité construction ayant décliné notre demande d’interview, nous nous sommes basés sur le Guide pour la mise en œuvre d’une douche de plain-pied dans les salles d’eau à usage individuel en travaux neufs, bien qu’il date un peu (2012).
Photo Sdbpro : salle de bains de l’hôtel des Salines, Arc-et-Senans.
Cela va faire évoluer l’innovation, le problème de la réservation lors du coulage de la dalle n’est pas résolu