Robinetterie sanitaire : deux sortes de fabricants
Il semble qu’il existe désormais deux sortes de fournisseurs de robinetteries : les leaders, qui pèsent de tout leur poids sur les distributeurs, et les autres, sur lesquels les distributeurs pèsent à leur tour. Les uns sont incontournables, tendent à se positionner sur tous les segments du marché et sont présents dans tous les canaux de distribution, internet compris ; les autres ne peuvent se permettre de faire des infidélités à la filière, mais semblent lui être de moins en moins nécessaires. Alors même qu’ils sont plus que jamais dépendants des leaders, les distributeurs, groupements compris, continuent de réduire le nombre de leurs fournisseurs, s’engageant avec eux sur des volumes encore plus importants, afin de négocier de meilleures conditions tarifaires et de développer des partenariats plus étroits. Les marques qui ne sont ni réputées sur le marché français ni situées dans le segment de l’entrée de gamme sont celles qui souffrent le plus, contraintes, année après année, de céder à la pression tarifaire. Sans assurance de voir leurs ventes augmenter : il ne suffit pas d’être référencé et de réduire ses prix pour être vendu.
Le marché vivote
Car, pour la deuxième année consécutive, le marché de la robinetterie est en recul : estimé à 363,4 millions d’euros en 2013, alors en baisse de 4 % par rapport à 2012, il a continué de décroître en 2014, de 2 % en valeur et de 2,3 % en volume (sources Afisb, chiffre d’affaires fabricants). Si la baisse des prix n’engendre pas d’augmentation des volumes, en revanche, les leaders progressent, gagnant des parts de marché : c’est notamment le cas de Grohe, qui annonce + 11 % en 2014 par rapport à 2013, et celui de Hansgrohe, dont la croissance est de 5,3 % durant la même période. Malgré tout, Grohe réalise plus de la moitié de son chiffre d’affaires avec Eurosmart et les robinets thermostatiques Grohtherm d’entrée de gamme. Quant à Axor-Hansgrohe, il a choisi, pour son tourbillonnant mitigeur Axor Starck V à environ 1 000 euros TTC, une implantation sélective dans une trentaine de points de vente ciblés, confirmant que, sur les 800 showrooms répartis sur le territoire français, seule une poignée est en mesure de vendre du haut de gamme.
Mais où est donc passé le haut de gamme ?
Du coup, une question se pose : qui aujourd’hui est en mesure de vendre de la robinetterie haut de gamme ? Quel canal de distribution est capable d’écouler un mitigeur/mélangeur de lavabo de plus de 200 euros ? Pas (encore) la GSB, y compris ses deux enseignes leaders qui, bien que désormais positionnées sur le segment « projet » du marché, du moins certains magasins, ne franchit pas la barre des 150 euros TTC ; pas Brico Dépôt, réputé être le plus gros vendeur de robinetteries de France – on parle d’un million de pièces écoulées chaque année –, mais dont les prix affichés sur le catalogue sont compris entre 8 et 109 euros TTC ; pas les bainistes, si peu nombreux – au plus 150 points de vente en France, dont 50 seulement seraient en bonne santé financière –, même si, selon certains industriels, en matière de produits premiums, un bon bainiste avec une boutique de centre-ville peut faire mieux qu’un showroom de négociant, simplement parce qu’il concentre ses forces sur deux ou trois marques qu’il connaît parfaitement et qu’il défend. Deux ou trois marques au lieu de dix à quinze au moins dans les catalogues de la distribution professionnelle. Plus de marques ne veut pas dire plus de chiffre d’affaires, et ce n’est pas parce qu’un produit s’affiche dans le catalogue d’une enseigne du négoce qu’il est mieux vendu par celle-ci.
Les prix Web et les autres
Il existe toutefois un lieu où les produits de marques, moyen et haut de gamme, semblent trouver leur clientèle : c’est le Web. Cela n’étonnera personne : ils s’y affichent à des prix couramment divisés par deux, quand ce n’est pas par trois ou quatre. Car c’est un fait acquis, d’ailleurs déjà inscrit dans l’inconscient collectif : les bonnes affaires sont sur le Web et nulle part ailleurs. Le consommateur le sait, il l’a expérimenté. Et tout le monde en joue : Outiz, site de vente en ligne de Saint-Gobain Distribution Bâtiment France, ne se définit-il pas comme « La référence pro à prix Web » ? Tout est dit.
Alors que, limités par leurs quatre murs et leur zone de chalandise, petites et grandes surfaces de vente sont contraintes de favoriser les produits qui tournent vite et bien, l’e-commerce propose, lui, des milliers de références à l’Europe entière. Et à prix discount. Car sur le Web, peu importe le prix et le niveau de gamme, ce qui compte, c’est le discount. Ce que la filière sanitaire a encore du mal à admettre : « Les marques doivent donner un prix à leurs produits, c’est leur responsabilité », s’insurge un distributeur. « Les fabricants ne semblent plus jouer le jeu de la filière professionnelle » constate un plombier chauffagiste, cité par le magazine l’Installateur (n° 176, mars 2014).
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