Pour satisfaire aux exigences qualité de ses clients professionnels, Cycle Up propose une gamme de produits en céramique sanitaire qui, issus de la filière du réemploi, sont remis à neuf et requalifiés dans un atelier spécialisé qui vient d’ouvrir à Noisy-le-Sec, en collaboration avec Acorus.
Réputée inusable, la céramique émaillée ne cède qu’aux chocs mécaniques. Sa résistance est telle que Duravit associe désormais ses produits à une Lifetime Warranty… De fait, les performances des appareils sanitaires se dégradent peu ou pas avec le temps, leur durée de vie étant davantage conditionnée par les cycles de renouvellement de la salle de bains et des toilettes que par le matériau lui-même. Malgré tout, ces équipements – issus de matières premières épuisables et dont la production nécessite une forte dépense énergétique – représentent une part considérable des déchets inertes du second œuvre.
Plutôt que la déchetterie, où ils sont recyclés sous forme de broyat, le réemploi constitue un nouveau débouché, à la fois écologique et économique qui, en plus de réduire l’impact environnemental des bâtiments neufs, neutralise également les coûts de mise en benne par rapport à la REP PMCB (200 euros la tonne).
Massifier le marché du réemploi
Sous réserve d’une dépose soignée sur le chantier de déconstruction, le gisement des lavabos, lave-mains, cuvettes, urinoirs et receveurs susceptibles d’être remis en fonction est immense. Pour gérer ce flux croissant alimenté par les diagnostics PEMD [1], le marché de la seconde main se structure. Le reconditionnement est l’une des clés de sa massification, les professionnels étant en quête de produits vérifiés et offrant des garanties et assurances comparables à leur équivalent neuf [2].
Pour faire face à la demande en Île-de-France, Cycle Up vient d’ouvrir un atelier de reconditionnement spécialisé dans les équipements sanitaires approvisionnés localement, qui a réclamé un investissement d’environ 150 000 euros. Se déployant sur 800 m² dans une ancienne friche de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), il illustre la mutation de la filière du réemploi, qui est en train de « basculer vers une distribution de produits avec un marketing, une communication, une fiabilité, une documentation technique, un bilan carbone calculé et certifié, une cadence de production… » selon les mots Sébastien Duprat, directeur général de la start-up parisienne.
Un process expérimenté en amont
Afin d’industrialiser le reconditionnement, le lieu est exploité en partenariat avec Acorus qui, entré au capital de Cycle Up, est spécialiste de la rénovation en site occupé (1 600 collaborateurs, 265 millions d’euros de chiffres d’affaires consolidé en 2022). Il a notamment testé des process pilote et équipé un logement témoin de produits reconditionnés (receveur, lavabo, WC, évier), qui a convaincu le bailleur Paris Habitat pour la rénovation de ses logements sociaux.
Arrivés sur palettes filmées, les équipements sanitaires suivent une série d’étapes avant leur requalification finale avec une garantie de performances a minima comparables à celles d’un produit neuf, y compris les marques et certifications (CE et NF). Selon Théophile Viennot, responsable des ateliers et entrepôt Cycle Up, les produits survivant à leur dépose sont forcément de qualité. Et offrent au final un standard « supérieur à celui de l’entrée de gamme en neuf » à tarif concurrentiel : 135 euros HT pour un pack WC sur pied de marque reconditionné, dont les pièces d’usure ont été remplacées.
Conformité au cahier des charges
A réception, un contrôle qualité visuel permet de détecter les pièces présentant des défauts rédhibitoires (porosité, cassure…) et de les écarter. Celles présentant des fissures ou éclats mineurs sont conservées, mais différenciées du premier choix. Cycle Up distinguant deux niveaux de gamme sur sa marketplace, elles seront vendues dans une catégorie « déclassée » qui pourra par exemple intéresser les bases vie, les rénovations temporaires ou les occupations ponctuelles.
S’en suit le démontage des éléments plastiques (mécanisme de chasse, abattant, joints…), qui sont généralement destinés à la poubelle.
Débarrasser de la moindre souillure
Le cycle de nettoyage peut alors commencer. Il repose sur une succession d’opérations simples, qui tirent parti du fait que l’émail ne s’altère quasiment pas, la saleté restant en surface. La céramique est désinfectée et désentartrée par une alternance de bains et de douches.
Après une trempe dans un bac de soude, les pièces sont lavées à l’eau claire, puis plongées dans une seconde cuve, d’acide cette fois (équivalent à un vinaigre), la durée de cette opération variant selon le niveau d’encrassage (d’un jour pour une vasque à plus de deux pour un WC très sale). A l’issue de ces opérations, un dernier rinçage au nettoyeur haute pression est effectué avant le séchage, des palettes servant d’égouttoir.
Requalifier, conditionner et vendre
Avant conditionnement, lequel fait suite à un ultime contrôle visuel, les pièces d’usure sont changées. Les cuvettes sur pied sont ré-équipées d’un abattant générique (contrairement aux suspendues dont l’entraxe varie trop d’un modèle à l’autre) et leurs réservoirs dotés d’un mécanisme 3-6 litres.
Les professionnels pourront commander en ligne les produits, puis passer retirer les équipements sur rendez-vous (click & collect)… et/ou en déposer d’autres dans le flux de reconditionnement.
Un process propre
L’atelier est doté d’un système d’évacuation au sol qui permet le recyclage des eaux de rinçage, lesquelles seront prochainement alimentées (en partie) par un collecteur d’eaux pluviales.
Suivant cette même logique RSE, les solutions aqueuses sont produites sur place par une machine, sans résidu de sel. Appelée Cleanea, celle-ci offre une alternative écologique aux produits de désinfection/nettoyage classiques, grâce à un procédé breveté d’électrolyse. Les bacs de 1 000 litres pouvant recevoir jusqu’à une centaine de pièces avant changement (soit 3 à 4 semaines), Cycle Up évalue sa consommation d’eau à environ 3 m³ par mois.
Au cours de l’été 2023, 500 produits devraient être reconditionnés afin de créer du stock. Pour les douze prochains mois, l’atelier s’est fixé pour objectif le reconditionnement de 1 500 cuvettes, 2 300 lavabos et 500 receveurs de douche. Avec à la clé, 4 150 tonnes de déchets sauvés (tous matériaux confondus) et 5 150 tonnes de CO2 évitées.
Un centre de production mais aussi d’expérimentation
En parallèle de cette chaîne principale axée céramique sanitaire, Cycle Up a entamé, dans des espaces annexes, le développement d’une gamme élargie de matériaux reconditionnés (dalles de planchers techniques, radiateurs en fonte, électricité, chemins de câbles, BAES), s’appuyant autant que possible sur divers partenaires identifiés comme « sachants ».
Un petite ligne de reconditionnement de robinetterie sera ainsi opérationnelle dès la rentrée, dans une salle également dédiée à l’ECS (nettoyage du ballon, changement de la résistance). Suivant le même circuit de bains, les mitigeurs seront détartrés, puis testés en eau. Seul le mousseur et les joints seront changés, Cycle Up estimant que les cartouches représentent « trop d’actif immobilisé », avec une infinité de références impossibles à stocker. Ce qui donne à penser que les fabricants de robinetterie sont les mieux placés pour reconditionner leurs propres produits, à l’instar de Dornbracht qui, avec ReCrafted, rénove des robinets usagés et les vend en ligne. D’autant que la robinetterie a considérablement innové au fil du temps, contrairement aux WC et lavabos. L’intégration récente des cartouches C3 à ouverture sur eau froide devrait en particulier freiner l’appétence pour les modèles anciens, cantonnant le réemploi aux modèles basiques.
Repères
♦ Créée en 2018 et spécialisée dans le réemploi de matériaux de construction, la start-up francilienne Cycle Up met à disposition des professionnels du bâtiment une marketplace pour acheter et vendre des matériaux de déconstruction et surplus de chantier.
♦ En parallèle de cette plateforme numérique, elle dispose d’un showroom (La galerie du réemploi, Paris 10e), de trois entrepôts (Saint-Ouen, Lyon, Rennes) et d’un atelier de reconditionnement (Noisy-le-Sec).
[1] Depuis le 1er juillet 2023, dans le cadre de la loi AGEC (Anti Gaspillage pour une Economie Circulaire), les maîtres d’ouvrages ont l’obligation de réaliser un diagnostic PEMD (Produit-Équipements-Matériaux-Déchets) dans le cadre de travaux de démolition ou de rénovation de plus de 1 000 m².
[2] Selon l’enquête publiée par Cycle Up en juin 2023, « pour utiliser plus régulièrement des matériaux de réemploi, un tiers des répondants aimerait avoir des assurances et des garanties pour les produits de réemploi (32%) ; la même proportion souhaiterait une offre de matériaux reconditionnés et vérifiés pour éviter tout aléas » (étude réalisée auprès d’un panel de 200 maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, acteurs du réemploi, constructeurs, PME, artisans, consultants, AMO, bureaux d’études, démolisseurs…).