MaPrimeAdapt’ ? Une subvention aux objectifs modestes et qui pourrait bien passer à côté des enjeux, selon la Cour des Comptes. Car rien ne garantit que la dépendance survienne dans le logement ayant fait l’objet des travaux, lesquels sont modifiables par les occupants successifs. Plus qu’une aide à la pierre, il aurait fallu viser une aide aux personnes, les besoins n’étant pas liés à leur logement, mais à leur situation.
Dans son rapport publié le 26 octobre 2023 et intitulé Le soutien aux logements face aux évolutions climatiques et au vieillissement de la population, la Cour des Comptes étudie les deux dispositifs, MaPrimeRenov’ et MaPrimeAdapt’, qui relèvent selon elle de la même urgence, le second étant inspiré du premier.
Cette mise en parallèle lui permet de relever un paradoxe, qu’elle livre en conclusion de son rapport, mais que nous dévoilons à ce stade : « En matière de rénovation énergétique, en privilégiant une aide centralisée d’abord fondée sur la situation sociale des bénéficiaires, l’action publique se prive d’une approche plus précise par logement, comme c’était le cas dans le cadre du programme Habiter Mieux de l’Anah. » D’autant « que ces aides modifient durablement le logement, tout comme sa valeur, indépendamment de ses occupants. » A l’inverse, poursuit la Cour, pour MaPrimeAdapt’, la subvention est une aide à la pierre et non à la personne. Or, les travaux concernés seront non seulement moins impactants pour les logements, mais ils pourront être modifiés par les occupants successifs. De plus, le vieillissement à domicile peut se produire dans une autre résidence principale que celle occupée au moment des travaux. C’est pourquoi « une aide à la personne aurait pu permettre d’encourager et de soutenir les parcours résidentiels adaptés aux évolutions de la vie. »
Des objectifs modestes
Tout en soulignant l’intérêt de la simplification du parcours et de l’accompagnement des bénéficiaires, la Cour dénonce les objectifs modestes de MaPrimeAdapt’ qui, avec 680 000 logements adaptés sur dix ans, n’apporteraient de réponses qu’à un nombre limité de Français, alors même que 85 % d’entre eux souhaitent vieillir à domicile. Même si c’est aujourd’hui le cas de 88 % des plus de 85 ans, la France reste le pays européen où les personnes âgées vivent le plus en institutions, Ehpad principalement, qui accueillent 600 000 personnes.
La Cour évalue à un peu moins d’un million le nombre de logements actuellement adaptés à l’autonomie des personnes âgées, alors que celles-ci devraient être 6,1 millions en 2030 et 7,2 millions en 2050, contre 4,1 millions en 2020. De plus, l’adaptation des logements sociaux est insuffisamment prise en compte. Si aujourd’hui, 74 % des seniors sont propriétaires de leur logement, 13 % vivent dans le parc social. Sachant que 54 % de ces locataires ont plus de 50 ans, cette proportion devrait augmenter.
La nécessité d’une politique d’ensemble
Mais, selon la Cour, accroître le nombre de logements adaptés au vieillissement ne répond pas aux questions « liées aux évolutions humaines, aux accidents de la vie, au parcours résidentiel et au cadre de vie des personnes […]. »
Les besoins de rénovation ou de construction de logements collectifs abordables pour les seniors, les enjeux d’urbanisme et de mobilité… dépassent largement le cadre du dispositif, qui n’autorise pas une analyse des situations individuelles, lesquelles pourraient déconseiller les travaux au profit, notamment, d’un changement de résidence, du fait de sa configuration (agencement, surface, absence d’ascenseur) ou de l’état des personnes. La Cour évoque la possibilité d’une aide spécifique pour les copropriétés et regrette que MaPrimeAdapt’ ne prévoit aucun dispositif de suivi individualisé.
A ce titre, la Cour relève que c’est à l’assistance à maîtrise d’ouvrage que revient la charge d’inviter les personnes trop fragiles à entrer dans un parcours résidentiel et donc à quitter leur logement, alors qu’elle serait « insuffisamment adaptée à cet objectif ».
Des enjeux liés au réchauffement climatique à prendre en compte
La non prise en compte des travaux de confort d’été, même s’ils sont à l’étude, « reste difficilement explicable au regard des enjeux de santé publique que suscite le réchauffement climatique, notamment pour les personnes âgées. » Le vieillissement, les pathologies chroniques, la perte d’autonomie… conduisent à une vulnérabilité accrue face à la chaleur. Les solutions permettant de réduire les surchauffes à l’intérieur des logements (isolation, ventilation, protection solaires, végétalisation des murs et des toitures…) sont autant de dispositifs qui pourraient faire l’objet d’une aide commune MaPrimeRénov’ et MaPrimeAdapt’.
Et les autres ménages ?
La disparition du crédit d’impôt priverait les autres ménages de toute aide publique. L’exclusion des plus aisés du bénéfice de cette disposition fiscale jusque-là allouée sans condition de ressources est une option.
Autre point soulevé par la Cour : l’effort de simplification des aides ne sera pas complet qui, « à défaut de concertation fructueuse avec les opérateurs, tels que la Caisse d’allocations familiales (CAF), ou avec les collectivités territoriales (départements et centres communaux d’action sociale – CCAS principalement), continueront de se cumuler avec des aides à géométrie variable selon les territoires ou selon les règles internes des acteurs de la rénovation des logements. »