Par son ampleur, la crise sanitaire liée au Covid-19 pousse les entreprises et collectivités à prendre d’importantes mesures d’hygiène, gonflant les ventes de certains produits, incitant à la création de nouveaux. Des distributeurs de gel hydroalcoolique aux hygiaphones, quelles sont les conséquences pour la filière sanitaire ?
Dans l’univers du sanitaire, il existe des fabricants et revendeurs qui, malgré le coronavirus, ont des carnets de commande bien remplis, en croissance par rapport à 2019. Ce sont les spécialistes des sanitaires publics et des équipements d’hygiène, ainsi que ceux qui, à l’écoute des marchés, ont rapidement commercialisé des produits d’hygiène, distributeurs de savon ou de gel, mais aussi hygiaphones, proposés par les industriels de la douche. Tous soulignent de très fortes demandes, issues, en tout cas pour l’instant, essentiellement des entreprises, soucieuses de protéger à la fois leurs salariés et leurs clients, ainsi que des professions libérales et autres petites structures qui reçoivent du public (médecins, kiné, avocats…), mais aussi des consommateurs et des collectivités.
Robinetterie électronique : vers un marché à deux niveaux
« On sent une forte poussée sur nos produits sans contact » constate Hervé Froment, directeur commercial de Delabie. De même chez Presto, où Thierry Vivier, directeur marketing, signale un mix produits bouleversé, qui nécessite un pilotage à vue des prévisions de vente, donc de fabrication.
Le lavage des mains est un geste désormais ancré, prédit Hervé Froment, qui ne doute pas que les points d’eau vont augmenter en nombre dans les sanitaires publics et monter en gamme, dotés de commandes électroniques plutôt que temporisées, notamment dans les établissements scolaires.
Selon Thierry Vivier, alors que « le marché de la robinetterie électronique est aujourd’hui positionné sur des produits plutôt haut de gamme, la demande va se développer sur l’entrée de gamme. » Le risque est donc grand de voir arriver en masse des robinets électroniques inadaptés aux lieux publics. « Nous avons testé un robinet électronique vendu en GSB : il n’a pas tenu deux heures sur nos bancs d’essais… » prévient Thierry Vivier. D’où la nécessité pour ces spécialistes d’adapter leur offre, afin d’éviter les contre-références sur un marché en train de naître. Et de faire en sorte que l’on n’oublie pas les économies d’eau, apportées non pas par le contrôle de l’écoulement, mais par celui du débit, que peu de fabricants maîtrisent.
L’intérêt pour le sans contact concerne également les chasses d’eau. S’il est fréquent sur les systèmes de chasses directes – qui pourraient elles aussi bénéficier de l’effet Covid-19 –, il est rare sur les réservoirs de chasse, y compris encastrés, en tout cas dans les toilettes publiques. Notons que Wirquin enregistre une grosse demande sur son Mecatronic, système de chasse à déclenchement infrarouge adapté à un réservoir apparent.
Les distributeurs de savon/gel : un marché destiné à évoluer
C’est une explosion des ventes. Et de l’offre. Tous les fabricants et revendeurs d’accessoires d’hygiène intègrent des distributeurs de savon liquide et de gel hydroalcoolique à leurs catalogues, dont AKW, Delabie, JVD – qui a installé des versions connectées (fabriqués en France) sur le tramway de Nantes Métropole –, Pellet… Mais ils ne sont pas les seuls. Car le marché est énorme et l’offre totalement atomisée, passant par les fournisseurs de gel, de mobilier urbain, d’équipements pour les entreprises ou les collectivités locales, les cafés et restaurants, les cabinets médicaux…
Quelle part de ce nouveau marché peut revenir à la filière sanitaire ? L’équipement des toilettes collectives avec des produits de qualité, résistants au vandalisme et mixtes (savon/gel) lui reviendra à coup sûr. Mais en dehors de cette prescription moyen-haut de gamme, rien n’est moins sûr. D’autant que le gel hydroalcoolique, aussi efficace soit-il, n’a pas que des avantages : il est hautement inflammable, contient des COV tout en étant agressif pour la peau, voire à éviter dans certains cas (femmes enceintes…). Si la nécessité de se désinfecter régulièrement les mains dans l’espace public perdure, il est donc probable que d’autres produits voient le jour, plus éco-responsables, qui assureraient la désinfection des mains sans alcool ni produits toxiques, avec des consommables issus de la chimie végétale ou, plus simplement, du savon. C’est d’ailleurs ce que propose Ariston Thermo Group, fabricant de matériels de chauffage, qui annonce l’arrivée, début 2021, de la borne Igea Care, adaptée aux zones à fort trafic, intérieures ou extérieures, permettant de se laver/sécher les mains comme à la maison, c’est-à-dire au savon…
Les mains courantes antibactériennes : une norme désormais adaptée à l’usage
Les contaminations par manuportage ne font plus débat, l’infection se produisant lorsque la main souillée rencontre ensuite une muqueuse (bouche, nez, œil). Or, on sait désormais que des mains fraîchement lavées peuvent être recontaminées en ouvrant simplement la porte pour sortir des sanitaires publics. D’où l’intérêt des surfaces à action biocide.
A ce titre, il faut savoir que la norme ISO 22196 qui permettait jusqu’au mois de mai 2019 de mesurer le caractère biocide d’une surface a été remplacée par la NF S90-700 (surfaces à propriétés biocides – méthode d’évaluation de l’activité bactéricide de base d’une surface non poreuse), modifiant un protocole de test qui ne reflétait en rien les conditions réelles d’utilisation (température ambiante et humidité relative notamment). Résultat : nombre de produits, en particulier ceux à base d’ions argent, ne peuvent plus revendiquer de propriétés antibactériennes. Encore faut-il le savoir… En réalité, les surfaces réellement antibactériennes, donc efficaces contre les contaminations manuportées, sont, pour l’instant, toutes à base de cuivre.
La redécouverte de l’hygiaphone
C’est le grand retour de l’hygiaphone, marque qui appartient à Fichet, fabricant installé à Baldenheim, dans le Bas-Rhin. Les uns après les autres, les industriels de la paroi de douche ont commercialisé des panneaux de protection anti-virus, d’abord pour équiper leurs propres clients, puis les clients de leurs clients. Mobiles ou fixes, en verre trempé résistant au nettoyage et aux rayures ou bien en Plexiglass, moins fragile, ils protègent aujourd’hui du coronavirus et seront demain efficaces contre la grippe. « C’est un produit qui va perdurer dans les bureaux, assure Dirk Dallmöller, directeur export de Schulte, parce que nous sommes tous sensibilisés à ce problème. » On le rencontre déjà sur les banques d’accueil des sociétés et bientôt partout où l’on doit échanger avec le public, sur les tables de travail des vendeurs en salle d’expo par exemple.
Mais certains réfléchissent à l’après open spaces, réputés peu confortables avant et favorisant les contaminations aéroportées désormais, tandis que d’autres prédisent l’avènement du télétravail, expérimenté sous la contrainte. En attendant ces prochaines révolutions, les panneaux de protection n’ont pas fini de se vendre…