Avec la mise en œuvre progressive du déconfinement, reprendre le chemin des entreprises, écoles… pose la question de la sécurité sanitaire dans l’espace public. Le lavage des mains est le premier des gestes barrières, qui demeureront, comme le premier ministre l’a dit, « absolument essentiels » [1]. Mais comment le rendre possible à tout moment et partout ?
Au même titre que la distanciation sociale et le port du masque que l’Académie de médecine recommande de rendre obligatoire – et qui le sera a priori dans les transports –, le lavage des mains est l’un des maillons clés du dispositif de lutte contre la pandémie. Si « nous devrons apprendre à vivre avec le virus », pour reprendre les mots d’Edouard Philippe [1], donc intégrer ce geste à notre routine, force est de constater que la mise à disposition de solutions de lavage des mains dans l’espace public ne questionne guère aujourd’hui, en tout cas moins que celle des masques de protection. Elle ne va pourtant pas de soi…
De deux choses l’une
Pour prévenir le risque d’infection, la première des mesures d’hygiène peut s’effectuer de deux manières, avec ou sans rinçage, l’une et l’autre étant unanimement réputées efficaces par les médecins. Dans le cas des solutions aseptisantes cutanées à séchage rapide de type P.H.A. (gel) ou S.H.A. (solution), ce sont les molécules d’alcool (éthanol, au mininum 60 %) qui dissolvent la couche graisseuse extérieure du virus et endommagent les structures des protéines virales, causant leur mort. Le lavage traditionnel agit, lui, en deux temps : en moussant (20 secondes minimum), les molécules de savon (n’importe lequel fait l’affaire) ramollissent la couche externe grasse du virus (ainsi que la saleté), puis l’eau emporte les particules dissoutes à la surface de la peau. Ce n’est pas le cas avec le gel hydroalcoolique, qui tue lui aussi les bactéries ou les virus présents sur la peau, mais ne les élimine pas en l’absence de rinçage…
Toujours à portée de mains
Si le gel – antibactérien (norme EN 1276) et virucide (norme EN 14476) – se présente comme la solution alternative pour décontaminer ses mains en tous lieux, encore faut-il en disposer, dans sa poche à titre individuel ou à portée de main, via des distributeurs mis en place par la collectivité là où ils sont nécessaires, c’est-à-dire partout et en particulier dans les transports en commun. Déjà, en 2016, une étude Hygien Matters du groupe SCA, réalisée à l’occasion de la journée mondiale des toilettes, révélait que, de tous les lieux, ceux-ci suscitaient la plus grande méfiance (59 % des sondés), plus encore que les WC publics (46 %) [2]. Comment, dès lors, éviter que les Français leur préfèrent la voiture, au risque d’engendrer un pic, non pas épidémique, mais de pollution, liée à d’inexorables bouchons.
Garantir la sécurité sanitaire
Mais certaines régies de transports s’organisent… A Paris, la municipalité annonce travailler avec JCDecaux pour installer des distributeurs gratuits dans les lieux publics, notamment sur les abribus et les kiosques, mais aussi dans les stades, piscines, écoles, crèches…[3] A Nantes, JVD équipe déjà les autobus et tramways de distributeurs sans contact de gel hydro-alcoolique. Connectés, ces appareils offrent un suivi en temps réel du niveau de gel, une alerte permettant de planifier une intervention rapide… Thierry Launois, directeur général de JVD, l’assure, à propos de cette innovation présentée comme unique au monde : « L’exploitant n’est pas obligé de faire le tour de tous les distributeurs dans tous les véhicules, informé en temps réel, il ne se trouvera pas en rupture de consommable, le remplissage peut se faire en journée au fil de la circulation des bus et des trams (…). Les voyageurs auront ainsi la garantie de pouvoir monter à bord et se tenir aux barres d’appui sans crainte, de pouvoir sortir du bus en passant simplement les mains sous le distributeur et continuer l’esprit libre. » [4]
Car l’enjeu est bien là : gagner la confiance des voyageurs, en faisant en sorte que les distributeurs de gel soient toujours opérationnels. Ce qui implique d’éviter les ruptures d’approvisionnement et de stock du consommable.
Le bon vieux savon
Et le lavage des mains avec du savon ? Simple en théorie, beaucoup moins en pratique, en tout cas dans l’espace public. Si chaque logement privé dispose de sanitaires, de même que toute école ou entreprise (ce qui ne présume pas de leur propreté, ni de leur approvisionnement en consommables), accéder à un point d’eau et à du savon, donc à des toilettes, est tout sauf évident hors de chez soi (d’autant plus si les cafés sont fermés comme c’est actuellement le cas).
Mis à part Lyon qui, avec 190 WC publics – un nombre qui n’a rien d’impressionnant –, fait figure de « championne de France » [5], ceux-ci sont rares dans la plupart des villes. A Lille, ce serait « Miction (presque) impossible » [6], la ville qui n’en compte qu’une dizaine accusant « un certain retard sur ces commodités, comparé à d’autres villes françaises de taille équivalente ». De même pour Marseille, qui traîne également, à raison semble-t-il, une étiquette de mauvaise élève avec « seulement 15 toilettes publiques installées pour plus de 800 000 habitants… » contre « une soixantaine à Bordeaux et Toulouse, une quinzaine à Strasbourg… » [7].
De l’urgence au présent…
Dans la Capitale, sanisettes riment toujours avec disette. Aux 435 qui existent (en accès libre depuis bientôt 16 ans) s’ajoutent actuellement 300 toilettes et urinoirs mis à disposition dans les jardins parisiens et 34 autres urinoirs sur les Rives de Seine [8]. C’est évidemment encore trop peu ramené à la surface de la ville (105 kilomètres carrés), au nombre d’habitants (2,2 millions) et encore moins au regard des actifs ou des touristes qui la fréquentent d’ordinaire, de jour comme de nuit. On se prend alors à rêver à l’époque dorée où une ordonnance signée par Louis XV obligeait chaque immeuble d’habitation à disposer de latrines au-rez-de-chaussée dont l’usage n’était pas réservé qu’aux seuls résidents mais également aux passants…[9]
… aux nécessités de l’avenir
Mine de rien – on n’ose paradoxalement s’en réjouir – la pandémie devrait remettre au plus vite sur la table (et l’ouvrage !) le sujet des toilettes publiques, qui joue l’Arlésienne depuis trop longtemps. Entre la permanence probable du risque sanitaire, l’adoption durable par les Français des mesures barrières (efficaces aussi contre les « petites » épidémies saisonnières comme la gastro et la grippe) et la programmation dans l’Hexagone des Jeux Olympiques en 2024, il est urgent qu’elles soient enfin à disposition de tous, en nombre suffisant grâce à un parc rénové, amplifié et équipé autant que possible en solutions sans contact.
Photo : dans un tramway à Nantes, un distributeur connecté de gel hydro-alcoolique Yaliss de JVD.
[1] Edouard Philippe, premier ministre, conférence de presse du dimanche 19 avril 2020.
[2] Edicules. Entre les Français et leurs toilettes publiques, la méfiance règne. Article paru dans Libération, le 20/11/2016.
[3] Paris va installer du gel hydroalcoolique dans les lieux publics et les écoles, article Le Figaro avec Reuters, paru le 19/04/2020.
[4] Coronavirus – Nantes : des distributeurs de gel hydro-alcooliques 3.0 connectés dans les tramways, article de Christophe Turgis publié le 16/04/2020 par France 3 Pays de Loire.
[5] Urbanisme. Lyon, championne de France des WC publics ?, article signé T.V paru dans Lyon Plus, le 19/07/2019.
[6] Lille Miction (presque) impossible et hydratation difficile, Lille à la traîne sur ses équipements, article de Morgane Baghlali-Serres publié dans La Voix du Nord, le 04/08/2018.
[7] A Marseille, les toilettes publiques sont enfin de retour en ville, article paru dans Made in Marseille, le 16/09/2019.
[8] www.paris.fr/proprete
[9] La galère des toilettes publiques dans Paris, article d’Isabelle Choquet, publié le 08/07/2019 sur le site de RTL.