Alors que les ventes reculent depuis des années, la baignoire, produit emblématique de la salle de bains, reste incontournable aux yeux de la majorité des consommateurs. La distribution grand public l’a compris, qui s’impose sur le segment de la rénovation avec des volumes orientés à la hausse depuis 4 ans.
En 10 ans, le marché de la baignoire a régressé de -14,3 %, évalué par l’Afisb à 543 000 pièces en 2019 contre 621 000 en 2010. Durant la même période, celui des receveurs a pratiquement doublé : 908 700 en 2019 (tous matériaux, hors sols de douche maçonnés) et 535 000 en 2010 (receveurs en céramique). Sachant que le nombre de mises en chantier était à peu près équivalent ces deux années-là (413 200 en 2010 et 410 700 en 2019), on peut avancer que la baignoire s’est maintenue dans le neuf et a reculé dans l’ancien, à moins qu’elle n’ait perdu du terrain des deux côtés…
L’arbre du chantier qui cache la forêt du diffus
Dès lors, il est nécessaire d’évaluer le poids du chantier sur ce marché, même s’il ne coule pas de source… Chiffres de l’Afisb en main, on peut établir, en formulant diverses hypothèses – l’essentiel de l’acier va en construction neuve, où les MDD et les matériaux de synthèse autres que l’acrylique sont absents –, que 50 % à 60 % des logements mis en chantier en 2019 ont été pourvus d’une baignoire, soit 205 000 à 246 000. En faisant les mêmes suppositions, ils étaient 60 à 70 % en 2010…
La baignoire a donc perdu du terrain dans le neuf, mais qu’en est-il dans l’existant ? En 2019, la rénovation a représenté 317 500 à 338 000 pièces environ, donc 55 % à 62 % des ventes. Sachant que la part de marché de la distribution grand public est supérieure à 30 % selon l’Afisb, il en résulte que le négoce a vendu 137 000 à 158 000 baignoires hors chantier, qui pèsent 43 % à 46 % du diffus. C’est beaucoup moins que les 181 000 pièces (environ) écoulées par la grande distribution dans le même temps, laquelle voit ses ventes remonter depuis 2015, au point qu’elles ont pratiquement retrouvé leur niveau de 2010. Il faut le savoir : le plus grand pourvoyeur de baignoires en France est Leroy Merlin…
En chantier, le produit est majoritairement en acier – lequel est proposé quasi exclusivement par Roca et Kaldewei sur ce segment –, simplement parce qu’il est moins cher et simplifie la pose (on évite le tasseau en bois fixé au mur). Du fait des coûts de transport, proportionnels au volume (de vide) des produits, l’acrylique basique ne vient pas d’Asie, mais d’Egypte, de Bulgarie, de Turquie… – malgré des prix de revient supérieurs. De Chine arrivent des baignoires à forte valeur ajoutée, en particulier îlot et semi-îlot, dont la fabrication exige plus de main d’œuvre. Elles sont importées par des grandes enseignes de la distribution (MDD) grand public et professionnelle, mais aussi par des industriels français et européens qui ne sont pas compétitifs lorsqu’ils fabriquent sur le vieux continent. C’est donc sur l’entrée de gamme – en particulier les formats 170 x 70-75 cm –, mais aussi sur le moyen-haut de gamme que les MDD, dont les produits sont tenus en stock, concurrencent les marques et les remplacent dans les salles d’exposition, y compris en les copiant (Neo de Jacob Delafon, Oberon de Villeroy & Boch…).
Comment le négoce abandonne la baignoire
Les fabricants le déplorent à l’unanimité ou presque : leurs produits sont de moins en moins visibles dans les showrooms. Le négoce, après avoir renoncé à présenter des salles de bains complètes – elles ont pourtant fait ses beaux jours… –, parie plutôt sur la douche pour les mises en situation, dont le nombre a fortement diminué. Le zonage des produits est en effet majoritaire, qui n’est pas adapté à la baignoire. Après les expositions en hauteur, désormais abandonnées, il arrive que l’on trouve des modèles réduits, mais ils ne sont guère convaincants. Il est vrai que l’objet est non seulement encombrant, mais exigeant, notamment dans sa version encastrée, laquelle nécessite la réalisation d’un tablier carrelé.
Aujourd’hui, dans les showrooms, la baignoire est montrée en îlot la plupart du temps. Facile à (dé)placer, elle est dans ce cas positionnée dans un coin mort de la salle d’expo – à l’entrée, près d’une vitrine… – plus souvent que dans un box. Mais aussi esthétique soit-elle, elle est peu vendue en France, où elle ne pèse que 2 à 4 % du marché (estimation Sdbpro.fr). Le consommateur lui préfère la traditionnelle cuve à encastrer, dans laquelle il peut se doucher d’autant plus confortablement qu’il a sélectionné un design qui le prévoit (zone plate et plus large, bord permettant la pose de n’importe quel pare-bain, vidage décentré ou à fleur). Mais ce genre de modèle se fait rare dans les showrooms. Etant donné qu’il est devenu impossible d’essayer, peut-être même de simplement voir sa future baignoire dans les magasins physiques, comment s’étonner que les ventes se développent sur Internet ?
Car contrairement à ce que l’on veut croire, la baignoire, aussi volumineuse et lourde soit-elle, a du succès sur le Web. Plus, en tous cas, que dans les salles d’expo. Les consommateurs n’hésitent pas à acheter un canapé ou une bibliothèque sur Internet. Alors pourquoi pas une baignoire, d’autant plus que les projets de rénovation de salle de bains démarrent en ligne ? C’est ainsi que les familles en quête de confort trouvent leur bonheur sur les sites d’e-commerce, petits et grands, pour peu qu’ils affichent des argumentaires soignés permettant de bien différencier les modèles. D’ailleurs, selon les fabricants, les paniers moyens sont plus élevés sur le web que dans les showrooms. Outre la forme, l’ergonomie (dos, possibilité de se doucher…) et le matériau, la montée en gamme passe par les accessoires (vidage, repose-tête, poignées, tablette, marchepied…), qui s’avèrent difficiles à montrer en salle d’expo, où les vols, nombreux, compromettent les présentations. En revanche, leur ajout est aisé sur les sites d’e-commerce, où la place ne manque pas pour argumenter et où le consommateur est guidé grâce aux produits liés.
La semi-îlot : moins élitiste que l’îlot, plus déco que l’encastrée
Oublions la baignoire centrale, dont les ventes restent confidentielles malgré le développement de l’acrylique, plus léger et moins cher, et celui de versions compactes. Penchons-nous plutôt sur la semi-îlot, qui commence à susciter de l’intérêt, car plus simple à mettre en œuvre. Même s’il est peu probable qu’elle remplace un jour les modèles encastrés, notamment parce qu’elle ne permet pas (encore ?) la douche et l’ajout d’un pare-bain – dont il s’est écoulé 326 000 exemplaires en 2019 selon l’Afisb –, elle plaît aux consommateurs et offre l’opportunité aux fabricants et distributeurs de monter en gamme en racontant une autre histoire.
Les industriels et/ou marques en présence : Acquabella, Allibert, Agape, Antoniolupi, Aquarine, Arblu, Bette, Bleu Provence, Cielo, Clearwater Baths, Condor, Devon&Devon, Duravit, Ex.t, Falper, Flaminia, Galassia, Geberit, Glass 1989, Hafro Geromin, Heritage Bathrooms, Hidrobox, Hœsch, Horus, Idea Group/Disenia, Ideal Standard, Inbani, Imperial Bathroom, Jacob Delafon, Jacuzzi, Kaldewei, Kinedo, Krone, Laufen, Leda, LG Industries, Moab80, Moma Design, Novellini, Rexa Design, Roca, Sanindusa, Saniteo/Balneo, Sucal/Valentin, THG, Toto, Victoria+Albert, Villeroy & Boch, VitrA…
Photo ci-dessus : stand Antonio Lupi, salon ISH 2019 (©Messe Frankfurt).