Devenue incontournable, la colonne de douche pèse lourd sur le marché de l’hydrothérapie, même si elle s’inscrit dans l’entrée de gamme pour plus de la moitié des volumes. Mais ce produit de libre-service, qui subit une déflation régulière, ne serait-il pas un palier nécessaire au développement de l’encastré ?
Selon l’Afisb, 1,736 million de colonnes de douche – ensemble monobloc composé d’un mitigeur, thermostatique ou pas, d’une douchette à main et d’une pomme de tête – se seraient écoulées en France en 2020, dont 16 500 étaient hydromassantes. Un volume énorme a priori, d’autant que, si on lui ajoute les thermostatiques seuls, soit 1,253 million de pièces selon l’Association française des industries de la salle de bains, on atteint près de 3 millions de robinets de douche, sans compter les mitigeurs mécaniques et encastrés. Notons toutefois qu’un autre faiseur d’études indique moins de 600 000 colonnes pour l’année 2020… Quoi qu’il en soit, quand on interroge les industriels, il apparaît qu’ils vendent plus de mitigeurs thermostatiques que de colonnes quand ils sont positionnés sur le moyen-haut de gamme du marché, et vice-versa quand ils sont installés sur le segment basique.
Un produit jeune, qui s’est imposé grâce à l’hydromassage
La colonne de douche est apparue sur le stand de Valentin au salon Batimat 1993, alors que la vogue des cabines d’hydromassage prêtes à poser entrait dans son zénith. Plus qu’une colonne, c’était alors un panneau qui, intégrant des buses, proposait une solution massante accessible en termes de budget et d’installation, simplissime. De plus, multifonction, elle embarquait une ou plusieurs étagères, un siège, voire un générateur facial de vapeur, un éclairage… Les produits basiques était en ABS plaxé, le moyen de gamme en acrylique renforcé par une structure métallique et le haut de gamme en aluminium anodisé ou laqué, en teck, inox, verre, Corian…
L’objet a promptement gagné les catalogues de nombre d’industriels, des robinetiers (Cristina-Ondyna, Grohe, Hansgrohe…), céramistes (Jacob Delafon, Roca…), spécialistes de la douche ou de l’hydromassage (Néomediam, Novellini, Teuco, Vismara…) et des fabricants d’accessoires techniques (Valentin donc, devenu en peu de temps le plus gros faiseur en France, Wirquin, SAS…), dont certains ont disparu depuis. Les grandes surfaces de bricolage (GSB) et alimentaires (GSA) s’en sont vite emparé, y compris en sourçant en Chine, et il a rapidement perdu en valeur, jusqu’à toucher le fond au début des années 2000, avec des premiers prix compris entre 50 et 100 euros.
A quel moment la colonne est-elle revenue dans la sphère quasi exclusive des robinetiers ? D’une part quand l’hydromassage a cessé d’intéresser le consommateur – sans buses, le panneau n’est plus nécessaire –, d’autre part quand elle est devenue un produit de volume et que, les marges se réduisant, ils étaient les seuls en mesure de les tenir.
Des volumes en hausse, des prix en baisse
Car qui dit volumes dit prix bas, et inversement. En GSB, qui donne le tempo question prix, tirés vers le bas par l’import asiatique et les MDD, la valeur des colonnes chromées s’érode chaque année de 5 à 10 %. Actuellement, constate l’une des marques leaders, « au-dessus de 400 euros, on est hors des clous. » Il en résulte une montée en confort progressive du cœur du marché, avec des douches de tête de plus en plus larges – de 200 mm minimum, jusqu’à 300, voire 350 mm –, des barres télescopiques et des fixations coulissantes (pour récupérer les perçages existants)… Mais ce confort gagné ne correspond pas forcément à une montée en gamme avec, par exemple, un recours grandissant aux matières plastiques. Le consommateur le perçoit et se rassure avec les marques nationales, qui prennent du poids.
Le négoce n’est pas épargné par cette érosion des prix, alimentée par certains fabricants très agressifs et, là encore, par les MDD. Le moyen de gamme est en train de passer sous la barre des 1 000 euros TTC, tout en intégrant les technologies les plus récentes, qui ont vite fait de descendre l’échelle des prix : thermostatiques tablettes, commandes par boutons poussoirs, jets spéciaux… Quant au haut de gamme, il est accessible aux alentours de 2 000 euros, mais ne trouve sa clientèle que s’il est véritablement différenciant (design, jets, bonus en termes de fonctions…), sans pour autant être en rupture.
Néanmoins, observant le marché de l’hydrothérapie dans sa globalité, fabricants et distributeurs considèrent que cette déflation n’en est pas une, étant donné que les ventes se sont déportées de la barre de douche vers la colonne, gagnant même le segment chantier et la prescription, et glissent aujourd’hui du chromé vers la couleur.
De la couleur à l’encastré
La couleur, donc. Plus qu’une tendance, elle est un phénomène, qui revalorise le produit, limite la perte de valeur et tire le marché dans tous les circuits de distribution. Il est vrai qu’une colonne noir mat, dorée, cuivrée ou affichant toute autre finition PVD est capable de transformer n’importe quel box dans une salle d’expo. C’est d’ailleurs grâce à elle que certains fabricants, prêts avant les autres, ont réussi à s’y faire une place. Notons qu’en GSB, la couleur, en particulier le noir mat, est déjà disponible à moins de 200 euros… L’impact positif va être de courte durée.
Mais voici venir l’encastré, dont on considère qu’il équipe 10 % des douches actuellement. Certes, il implique une rénovation globale de la salle de bains et l’intervention d’un professionnel, mais il n’est pas un produit de grande distribution. Les principales marques, en particulier celles positionnées sur les segments moyen et haut du marché, le poussent à fond, parce qu’il valorise le travail de l’installateur et, nécessitant conseil et assistance au choix, justifie le passage en salle d’expo. Si les freins restent nombreux, obligeant les fabricants à former, les poseurs comme les vendeurs, et à simplifier la prescription en éditant des guides de choix et, surtout, en packageant à tout va l’offre, les planètes semblent bien alignées : avec la colonne, le consommateur a pris goût à la pomme de tête et, avec la couleur, au design dans la douche. Deux sujets sur lesquels l’encastré prend tout son sens et qui pourraient bien le servir.
Liste non exhaustive des marques et fabricants présents sur le marché : Allibert, Alterna (MDD), Axor, Cristina-Ondyna, Dornbracht, EsseBagno, Fantini, GoodHome (MDD), Graff, Grohe, Hansa, Hansgrohe, Huber, Horus, Ideal Standard, Jacob Delafon, Kinedo, Kludi, Kramer, Nobili, Paini, Porcher, Ramon Soler, Roca, Rousseau, Sarodis, Sensea (MDD), Schulte, THG, Tres, Vigour (MDD), Valentin, VitrA, Wirquin…
Photo : salon ISH 2019, Messe Frankfurt.