Signant, post crise sanitaire, le retour en nombre du public et des exposants, l’édition 2023 du Consumer Electronics Show de Las Vegas a mis en lumière des tendances stratégiques pour la salle de bains, en particulier les toilettes, où une nouvelle génération d’objets connectés accompagne le développement à domicile de l’e-santé. Dans ce registre de la digital health, que nous (pré)disent les innovations qui s’intéressent à la miction ?
Si les start-up comptaient pour environ un tiers de l’effectif des quelques 3 200 sociétés exposantes au CES 2023 (dont plus de 40% de nouvelles recrues), près d’une sur cinq battait pavillon tricolore ! Parmi les représentants de la très dynamique French Tech, Withings est l’un de ceux qui a fait le buzz à l’international avec le « premier laboratoire connecté d’analyse d’urine à domicile » : U-Scan.
Dans la cuvette, un galet analyseur d’urine
U-Scan (commercialisation prévue en Europe au second semestre 2023) se présente sous la forme d’un galet (rechargeable par port USB-C), à placer à l’avant de la cuvette (et que la chasse d’eau se charge, nous assure-t-on, de nettoyer). Avec lui, l’électronique de santé investit pour de vrai les WC, après la montre connectée et le smartphone, objets wearables qui ont massivement contribué à sa démocratisation, mais ont atteint leurs limites, l’essentiel des fonctionnalités en connexion avec l’épiderme ayant été proposé.
Pour rendre U-Scan opérationnel, il suffit d’uriner dessus, sans changer ses habitudes ni sa posture sur le trône. Sans requérir de manipulation, l’échantillon de liquide organique collecté est analysé via une cartouche contenant du papier à réaction (un consommable, qui dure trois mois). Un lecteur optique envoie ensuite le résultat détaillé à une application mobile qui stocke les données, historique inclus. Le procédé semble simple, du moins d’usage, mais quatre années de développement (et treize brevets) ont cependant été nécessaires pour que U-Scan soit capable d’identifier, au sein d’un même foyer, la signature du jet d’urine de l’utilisateur (une question de muscles, de taille d’urètre…), afin de ne pas fausser les bilans.
Analyser l’urine à la maison, pour quels enjeux de santé ?
Multipliant, les examens de routine, U-Scan entend assurer un suivi quotidien, entre deux analyses prescrites par le médecin (en général, une fois par an). Car l’urine contient des biomarqueurs (pH, vitamine C, niveaux de cétone…) qui peuvent contribuer à dépister par exemple le diabète, les maladies rénales, une infection… Avant la mise sur le marché de versions destinées aux praticiens (axées sur les signes cliniques du cancer de la vessie, les calculs rénaux ou encore la surveillance du cancer de l’ovaire), U-Scan décline déjà deux cartouches pour le grand public : l’une cible la nutrition, hydratation comprise et conseils en prime (U-Scan Nutri Balance), l’autre, à vocation féminine, étudie le cycle menstruel en s’appuyant sur la détection hormonale (U-Scan Cycle Sync). Le kit complet U-Scan, incluant l’une de ces cartouches, sera vendu au prix de 499,95 euros.
L’urine, une mine d’informations pour les médecins
Sur le segment de l’analyse biomédicale aux toilettes via les urines, Withings n’était pas seul au CES 2023. Issue de la pépinière de talents du Samsung C-Lab, la société coréenne Yellosis (contraction imagée des mots Yellow et Analysis) exposait un kit de test ultra basique à l’aide de papier réactif, à lire après reconnaissance par son smartphone (Cym Boat) ou, dans sa dernière évolution, grâce à un scanner intégré à un bras métallique qui prend place dans la cuvette (Seat Seat) : plus de photo à prendre ! Vivoo Solutions, lui aussi sur le créneau du test d’urine à la maison (avec la promesse de résultats en 90 secondes sur l’écran d’un smartphone), dévoilait un prototype de lunette de toilettes à clipser, qui cible à terme plutôt le marché du grand âge : la bandelette est automatiquement insérée et retirée, sans que l’utilisateur ait besoin de la toucher. En apparence assez grossier (et de notre humble avis, peu praticable tant il est proéminent), il n’en demeure pas moins lauréat des Innovation Awards du CES 2023 ! Plus aboutie et prête à l’emploi, la proposition d’Olive Diagnostics, startup israélienne, implante quant à elle une série de capteurs dans la lunette KG-AI, en lien avec une IA (photo ci-contre).
Faire pipi pour sauver sa vie
Parce qu’elles mettent à profit des données personnelles, potentiellement riches d’enseignement (dont il convient donc d’assurer la protection), mais jusqu’à présent perdues en tirant la chasse, ces inventions bouleverse(ro)nt en profondeur les usages médicaux. Sans pour autant (à ce stade) délivrer de diagnostic au sens clinique du terme et sous réserve que leurs conclusions soient fiables (ce qui est a priori le cas, selon leurs promoteurs), ces appareils – qui ne nécessitent pas de changer de cuvette – se positionnent sur le créneau de la technologie préventive.
Non invasifs, ces tests à domicile, conçus pour anticiper d’éventuels dysfonctionnements du corps, sont capables de reconnaître certaines caractéristiques non équivoques (quoique modélisées sur le plus grand nombre) avant qu’elles ne risquent d’évoluer en pathologie grave. Alors que le Covid a accéléré la transformation numérique, ces traqueurs ajoutent une mission inédite à la salle de bains et aux toilettes, laboratoires de santé d’un futur… immédiat. Ils viennent enrichir l’écosystème développé autour du miroir et de la balance, à l’instar du pionnier Baracoda et de son tapis de bain intelligent. Le marché – et les consommateurs – sont-ils prêts ?