Quoi de plus intemporel qu’un revêtement imitant l’aspect du bois ? C’est sans compter la créativité des fabricants de carrelage qui renouvellent le genre avec des essences dans les veines desquelles coulent une multitude de tendances. Le wood change de mood !
Depuis que le grès cérame joue les caméléons, reproduisant à la perfection n’importe quel matériau, le carrelage bois s’est imposé comme un genre de prédilection pour les sols, mais aussi les murs. Bien que ces copies soient appréciées pour leur caractère « authentique », les nouvelles versions ne se contentent pas de contrefaire la nature et poussent volontiers le curseur au-delà du simple mimétisme, fut-il déjà bluffant. Voici, repérées dans la forêt de tendances du Cersaie 2021, une sélection de collections associant cette trame faussement classique à quelques-uns des thèmes porteurs du moment.
Bois et béton
Pour porter cette association de matières, Sant’Agostino mise sur Fusionart (30 x 80 cm, 30 x 120 cm, 60 x 180 cm). Cette collection au nom explicite repose sur un mix entre « l’âme du bois et la vigueur du béton » obtenu par impression digitale, comme si des lattes cérusées avaient été coulées dans une chape chargée de discrets agrégats, créant un aggloméré proche du terrazzo. La rencontre entre ces deux matériaux historiquement liés à la construction et à l’agencement est approchée différemment par Rondine qui, avec Infinity (40 x 120 cm, 24 x 150 cm), choisit de combler certaines anfractuosités des lattes par un lait de ciment gris clair qui se marie avec quatre essences, dont une particulièrement chaude (Nut), accordée à une tendance observée avec le mobilier de salle de bains (photo d’ouverture). La collection Alter Ego de Provenza explore également cette texture unique, avec cette fois davantage de mortier s’écoulant en périphérie, ces « débordements » accentuant l’irrégularité et « cassant » le côté planche. (photos, ci-dessus)
Bois et pont de bateau
Prenant le contre-pied des formats composant, bord à bord, un parquet, le carrelage bois s’intéresse plus que jamais à la finition pont de bateau. Comme l’étanchéité de ces planchers pour pièce humide est assurée par jointoiement à l’aide de mastic polyuréthane, des carreaux « scellent » des lattes avec un joint en ciment plus ou moins contrastant. Nous l’avons vu chez Saloni qui dévoilait la collection Wire (40 x 120 cm) superposant huit lattes au rendu mat sur une base gris clair et chez Edimax où la collection W3 proposait Class, un étagement d’une trentaine de baguettes, plus fines encore (60 x 120 cm), leur concentration réduisant d’autant l’épaisseur du joint. Un concept exploité pleinement par Cerasarda avec la bien-nommée série Yacht Club. Son esthétique nous a semblé la plus proche de la source d’inspiration, le client ayant le choix d’un joint blanc ou noir, en contraste avec des tonalités exotiques de teck dont le fini brillant évoque les planchers rutilant des beaux bateaux (60 x 60 cm, 60 x 120 cm), à travailler à l’horizontale ou à la verticale. (photos, ci-dessus)
Bois et pose en relief
En lançant Cortina, Refin étoffe son offre dans le registre du Natural luxury et revisite le charme de la montagne. Parmi les nombreuses déclinaisons de la collection (chevrons, hexagones…), les dalles Chalet (15 x 90 cm, 12 x 75 cm) se distinguent par leur rainure latérale, qui permet une pose en relief. Avec ce principe de chevauchement typique de l’habitat rustique en altitude, plus aucun joint ne vient « trahir » l’emploi du carrelage, cette pose en relief renforçant l’effet bois. Esthétiquement, ce principe est à rapprocher par exemple de la gamme Oregon, intégrée de plus longue date au catalogue « Nature », la sélection Wood d’Ape. Mais, contrairement aux dalles Chalet de Refin qui autorisent une pose une à une semblable au bardage des cabanes, le recouvrement en plis est inclus dans la latte Step (30 x 90 cm), dont chacune simule l’empilement de quatre lattes. (photos, ci-dessus)
Bois et 3D
Qui dit pose en relief… dit aussi carreaux en volume. La 3D étant une dominante du marché depuis plusieurs années, le bois n’y échappe pas. Chez Ape toujours, la collection Triana comprend deux décors en saillie. Cumbrian (30 x 90 cm) alterne des baguettes obliquant dans différentes directions à l’intérieur d’une succession de cadres qui, dans la version taupe sur fond foncé, donne l’impression que le bois a été partiellement évidé. Flamenco (30 x 60 cm) figure des lignes discontinues en rehaut ton sur ton, qui sont aussi présentées chez Casainfinita avec la collection Wewood, dans une construction aux étagements plus resserrés, animée par des découpes de biais. Au sein également de Keraben group, citons aussi Mayari de Metropol, avec le décor Concept Moving Titanium (30 x 90 cm) qui parvient à restituer de la profondeur par un empilement en quinconce de « briques » de bois, dont les joints sont en creux. (photos, ci-dessus)
Bois et surimpression
Certaines collections ont été mises en relief autrement, par un procédé proche du gaufrage. Ainsi, dans la gamme District, Apavisa a par exemple dessiné des arabesques au look tapisserie sur les lattes du décor de la collection Arco (25 x 100 cm). Un rien baroque, ce motif sophistiqué tranche avec l’aspect brut du bois, des rehauts de peinture blanche poudreuse que l’on imagine antidérapante se déposant dessus en surimpression. Dans un genre tout autre, ABK a dévoilé Poetry House, une collaboration avec Paola Navone et le studio Otto qui ont déposé une glaçure noire ou blanche sur différents fonds de grès cérame. Sur le thème du bois, ces ornements de style artisanal s’expriment sur deux formats, carré 20 x 20 cm et type planche. Si cet estampage à l’effet métallique irisé recouvre le bois dont la trame n’apparaît que par intermittence, Isla fait la démarche inverse avec un motif ultra fin, à la limite du perceptible, sur le carreau gris clair Sabia Inserto Graphic (20 x 120 cm) de la collection Melange. (photos, ci-dessus)
Bois et inclusions
Du motif apposé « dessus » à celui piégé « dedans », l’inclusion est une autre tendance qui semble faire loi dans le bois. A l’inverse du béton coulé entre les planches de la collection Fusionart, Sant’Agostino, a proposé l’an passé Insideart (2020), dont le carreau Rewood Dark Natural (90 x 90 cm). Sa surface grise, inspirée des sols en résine appliquée manuellement, est ponctuée d’une multitude d’éclats de bois, dans trois essences de différentes nuances, qui apportent de la dynamique. Ce décor est à mettre en parallèle avec une nouveauté vue chez Arcana, la collection Natural Fusion. Dans sa section OrientalWood, celle-ci propose une composition plus aérée avec Maolan (20 x 20 cm) ou Taroko (32 x 99 cm), les « allumettes » de ce dernier décor n’étant plus projetées en ordre dispersé, mais parfaitement rangées à la verticale, dans une composition très structurée, alternant béton gris et insertions de bois clair, comme dans une marqueterie savante. (photos, ci-dessus)
Bois et motifs ethniques
Passée de la mode à la maison, la tendance ethnique s’exprime aussi dans le carrelage bois, dans une moindre mesure, mais de façon claire. Lors du Cersaie 2021, le stand de Ceramica Euro présentait en particulier Norrona, une déclinaison originale sur ce thème on ne peut plus actuel avec Nazca et Carpet (20 x 120 cm), quatre décors dont le graphisme et les couleurs se revendiquent de la veine des tissus amérindiens. Cette géométrie particulière issues des tapis ou des couvertures, la collection Komi d’Arcana la rejoint formellement avec le décor Berbak (20 x 20 cm). Son motif en étoile emprunte cependant d’autres chemins puisqu’il dérive plus sûrement d’une évolution de la marqueterie de plancher (autre tendance sur laquelle brodent les firmes de céramique) que d’un dessin aztèque ou navajo. (photos, ci-dessus)
Illustrations : les mosaïques de photos sont présentées dans l’ordre du texte, et se lisent de gauche à droite et de haut en bas.