Le marché du bâti-support de WC ne manque pas de prétendants, y compris parmi les distributeurs qui se verraient bien récupérer une partie de la marge du leader. Mais l’installateur résiste, accro à son Geberit…
Selon l’Afisb, Association française des industriels de la salle de bains, en 2019, il s’est écoulé 871 000 bâti-supports de WC, autoportants pour l’essentiel, en majorité dans l’ancien. Un peu plus d’une cuvette sur trois vendue est donc suspendue. Mais, selon nous, les ventes seraient plutôt situées aux alentours d’un million de pièces.
Le marché du bâti-support a la particularité, en France comme dans d’autres pays, d’être dominé par un industriel, dont le nom est devenu générique : Geberit. Celui-là même qui a introduit le concept du suspendu dans la salle de bains et les toilettes. S’il n’est sans doute pas indéboulonnable – qui l’est ? –, le fabricant suisse est solidement ancré sur un secteur toujours porteur et pas encore mature, réalisant, selon ses compétiteurs, environ 55 % des un million de ventes en France. L’installateur est accro à Duofix, le bâti-support avec lequel il s’est converti à la technique et, pour les autres fabricants, progresser plus vite que le marché est très compliqué.
Un pionnier devenu puissant
Il n’empêche : les compétiteurs ne manquent pas. Parmi eux, Cedeo. Sous sa marque propre Alterna, l’enseigne vient de lancer Concerto 2 (qui n’est pas fabriqué par l’industriel suisse que l’on sait mais par un chinois). Si ce nouveau bâti-support ressemble autant que possible à celui du leader et se pose de la même manière, chaque industriel présent sur le marché français y a retrouvé un peu du sien. C’est dire s’il « draine large »… Il est moins cher, sans être bradé, mais n’est pas NF, ce qui laisse penser que l’enseigne cible, en tous cas pour l’instant, son client de prédilection : le « petit » professionnel intervenant sur le segment du diffus.
Car le plus difficile à accepter pour le négoce, c’est que le leader résiste : alors que chaque point de vente est obligé de stocker et de proposer ses produits, notamment le plus demandé d’entre eux – le 111.333.00.5 –, « personne ne gagne sa vie avec ». Sauf Geberit, bien sûr, qui est à coup sûr l’industriel – coté en bourse, il publie ses résultats tous les trimestres – le plus profitable du monde du sanitaire. Mais dominant son marché, droit dans ces bottes commercialement parlant, il ne lâche rien.
Cedeo parviendra-t-il à convaincre les installateurs d’abandonner leur Duofix ? Le bras de fer est engagé. Certes, les professionnels vont et viennent presque quotidiennement dans ses points de vente, où ils trouveront toujours un bâti Concerto 2 à portée de leur main. Mais ne l’oublions pas : si Geberit est aujourd’hui maître sur ses marchés, c’est parce qu’il a commencé à les défricher il y a plus de 50 ans – la filiale française a été ouverte en 1961 et le réservoir encastré lancé en 1964 –, a créé le besoin, convaincu, formé, informé, communiqué, y compris vers le grand public, et qu’il continue à le faire, cultivant soigneusement sa relation avec les installateurs et, dans une moindre mesure, avec les consommateurs. Un long, très long travail et beaucoup de moyens lui ont permis de gagner la confiance des uns et des autres, avec une gamme large, une collection de 170 plaques de commande, une garantie de 10 ans et des pièces détachées toujours disponibles 25 ans après l’arrêt de la production du produit.
Le même ou un autre ?
Si les bâti-supports Geberit se vendent (presque) tout seuls, ce n’est pas le cas des modèles des concurrents, qui se démènent pour retenir l’attention des professionnels. Les stratégies varient : taper bas, donner plus, innover, copier le leader, jouer la différenciation, offrir le produit en test, rester 100 % pro quand la grande distribution progresse… Chaque compétiteur attaque le marché avec sa ou ses méthodes, non sans mal. Siamp, deuxième faiseur en France, l’est – du moins pour l’instant – d’abord grâce à sa production sous MDD, tandis que Grohe, fort de sa marque, de quelques spécificités techniques qui ont fait/font une différence et de sa distribution multicanal, ne réussit à progresser qu’à très petits pas…
L’installateur reste fidèle à la multinationale suisse, estimant sans doute que le changement – lequel fait toujours courir un risque – a un coût trop élevé. Sans oublier les habitudes, qui pèsent sur le bâti-support comme sur tous les produits du bâtiment. Même l’innovation semble n’avoir que peu de prise sur les professionnels de la salle de bains. Pourtant, l’aspiration des odeurs, les plaques premium, à déclenchement automatique, lumineuses… ne demandent qu’à trouver leur clientèle.
Il est du reste probable que, dans la grande distribution et l’e-commerce, l’alliance marque/prix constitue un levier plus efficace que dans le négoce. Ainsi, les packs bâti/cuvette ont du potentiel parce qu’ils créent de la valeur, surtout lorsqu’ils sont griffés. La plaque de commande de chasse étant le seul sujet sur lequel le consommateur peut être décisionnaire, Villeroy & Boch y imprime son « blason », ainsi que Jacob Delafon, qui les pare d’une étiquette visible sur le côté, aussi discrète que chic et couture. Toutefois, il semble que le professionnel ne dise pas non au pack, dont Geberit est en train de multiplier les références…
Patience et longueur de temps…
Alors que les armes traditionnelles de conquête des marchés – l’innovation et les prix bas – ne fonctionnent pas ou mal, les fabricants de bâti-supports n’ont d’autres moyens de progresser que de se trouver une différence/signature, et de labourer et semer, encore et encore, d’imaginer des partenariats avec des distributeurs motivés et de faire preuve de souplesse pour espérer un jour une bonne récolte. Un travail laborieux, qui demande de l’endurance, mais que le leader, en épargnant à ses compétiteurs une guerre des prix, leur permet d’entreprendre et de soutenir sans se consumer.
Fabricants et marques présents sur le marché (liste non exhaustive) : Alcaplast, Alterna, Conel/Vigour, Delabie, Geberit, Grohe, Ideal Standard/Porcher, Godart Distribution, Jacob Delafon, Nicoll/Aliaxis, Presto, Regiplast, Roca, Sanindusa, Sanit/Aliaxis, Siamp, Tece, Valsir, Viega, Villeroy & Boch, VitrA, Wirquin, Wisa…
Photo d’ouverture : iStockphoto.com, Welcomia.