Tipo-Z se veut « la pièce maîtresse des gammes Atelier Collections » d’Ideal Standard. Roberto Palomba l’a conçu comme une « évolution naturelle » de Zeta, le lavabo original de Gio Ponti, sa démarche puisant dans la vie moderne, la diversité des cultures et l’héritage de la marque qui érige ainsi le design en « valeur éternelle ».
Dans la plupart des dictionnaires, le mot « éternel » désigne ce « qui n’a pas eu de commencement et qui n’aura pas de fin. » C’est ce mot sans limite temporelle qu’Ideal Standard a choisi d’associer au design, pierre angulaire de la stratégie de développement de cette entreprise centenaire qui, en collaborant avec de grands noms de la création, « a tracé dans l’univers du design son propre chemin dont témoigne aujourd’hui son riche héritage de dessins et d’archives. »
Eclairer les choix pour l’avenir
D’un point de vue marketing, la valorisation de cette mémoire identitaire, qui résonne collectivement, est éminemment stratégique. Au-delà du produit dont la vocation se limiterait à combler un désir ou un besoin, le client est aujourd’hui enclin à s’approprier une philosophie, du lien et de la valeur, y compris émotionnelle.
Parce qu’il connecte passé, présent et innovation, un storytelling de marque génère du sens, au propre comme au figuré. Le travail archivistique relie de façon crédible la création au patrimoine, qui valorise les savoir-faire artisanaux et industriels. En se racontant, la marque témoigne de manière tangible, histoire(s) à l’appui, que la relation de confiance avec ses clients ne date pas d’hier et que, solide, elle sera apte à marquer demain. Il s’agit en effet, selon Christine Carbonnel Saillard, consultante spécialisée dans la gestion et la valorisation du patrimoine historique des entreprises et des organisations, de « sélectionner les faits qui viennent illustrer l’histoire, d’éclairer les choix pour l’avenir, de montrer comment l’entreprise a réussi à s’adapter, à être solide tout au long de son parcours. » [1]
De l’alpha à l’omega
Les débuts d’Ideal Standard, « pionnier en matière de design depuis 1954 », sont justement marqués par la collaboration avec Gio Ponti (1891-1979). Cette année-là, l’architecte milanais dessine la toute première collection signature de l’histoire de l’ensemblier… qui n’est autre que Zeta [2].
Si l’éternité s’offre au design, Gio Ponti et sa création en sont donc l’alpha, les fondateurs de cet inépuisable patrimoine dont le mot latin, patrimonium, désigne, selon Anne Gombault, professeur de management stratégique, « le bien qui vient du père, [qui] peut être défini par extension comme le bien commun d’un groupe humain, considéré comme un héritage transmis par les ancêtres », ajoutant que « le patrimoine figure un pont entre le passé et l’avenir, ce rôle d’agent de transmission générationnelle rejoignant son sens original d’héritage. » [3]
Défendant « une évolution naturelle de l’idée originale », Roberto Palomba, directeur artistique du groupe Ideal Standard et co-fondateur du bureau de design Palomba Serafini Associati (PS+A), se positionne en quelque sorte comme l’omega. Tel un passeur de relais, il s’inscrit dans ce continuum sans fin : «Tipo-Z a été sculpté dans une silhouette architecturale et monolithique, exprimant l’élégance et lui permettant de devenir l’étoile brillante de la salle de bains. Nous croyons en la création de pièces qui repoussent les limites de ce qui nous a précédé et remettent en question ce que nous savons sur la conception de salles de bains. En capturant les éléments élégants et emblématiques que Zeta a exprimés, nous avons » Des propos qui entrent en résonance avec ceux de Gio Ponti, qui questionnait avec clairvoyance l’avenir, qui ne saurait exister sans réinventer le passer pour mieux le faire fructifier : « Quelle tradition faut-il conserver ? Une seule, celle de transformer les choses. Là où les choses ne se transforment pas, le temps n’existe pas, l’histoire n’est pas créée. »
Un objet sculptural, modelé par le passé
Ainsi, le lavabo sur colonne de 1954 s’est mué en une vasque totem, en céramique fine et réalisée d’une seule pièce, ce qui était à l’époque impossible à produire. Tout en incarnant les dernières avancées technologiques, les lignes aérodynamiques et fluides du Tipo-Z de 2021 constituent un hommage moderne à la verticalité chère à celui dont l’œuvre a marqué le XXe siècle, « de la conception d’objets usuels à l’invention de configurations spatiales pour la maison moderne […] » pour reprendre les mots de Margherita Guccione, directrice du musée MAXXI (Rome) qui a accueilli une exposition rétrospective à Rome en 2019 et 2020 dans la suite de celle du musée des Arts Décoratifs (Paris). Celui-ci le présentait comme un « créateur prolifique, autant intéressé par la production industrielle que par l’artisanat, [ayant] bouleversé l’architecture d’après-guerre tout en ouvrant les perspectives d’un nouvel art de vivre. » [4]
Puisant à cette source patrimoniale comme dans une fontaine de Jouvence, le modèle de 2021, régénéré, pose à son tour les bases d’un nouvel art de vivre, « qui redéfinit la place de la salle de bains dans nos vies. » Proposé en noir brillant, noir mat, blanc mat ou blanc brillant, il fait la part belle aux jeux de lumière qui distinguaient déjà les volumes de Zeta. Du design en diamant caractéristique des créations de Ponti, du registre des arts de la table à l’automobile jusqu’à la bien-nommée villa Diamantine (Arreazza) à Caracas (voir dessin ci-dessus), il subsiste l’essentiel, un certain élan, désormais sans rupture, plus souple et aérien.
Avec la forme trapézoïdale de sa cuve, que les bras embrassent lors de la toilette, le totem Tipo-Z, comme autrefois le labavo-colonne Zeta, procède d’une même recherche esthétique, qui tend à l’épure pour mieux servir l’usage, au quotidien. Un principe que Gio Ponti résumait, dès 1955, ouvrant une voie qui se concrétise maintenant, sous la direction de Roberto Palomba : « En dépouillant les appareils de leurs vêtements architecturaux, la colonne qui prétend tenir la cuvette du lavabo, les cols relevés qui entourent les profils, on arrive à la vraie forme. » [5]
[1] Le patrimoine historique : un atout stratégique pour votre entreprise, à lire sur Gpomag.
[2] En 1954, année fondatrice à plus d’un titre, Gio Ponti a aussi créé un prix appelé à durer, et à récompenser les grands noms du design international : le Compasso d’Oro.
[3] Anne Gombault, Marketing de l’Art et de la Culture (2014), chapitre 6, Le marketing du patrimoine culturel, à lire sur Cairn.
[4] Gio Ponti. Amare l’achittetura, exposition au MAXXI de Rome, musée national des arts du XXIe siècle (octobre 2019 à septembre 2020).
Tutto Ponti. Gio Ponti archi-designer, exposition au MAD, musée des Arts Décoratifs de Paris (octobre 2018 à février 2019).
[5] Extrait des archives en ligne de Gio Ponti.
Photo d’ouverture : le lavabo-colonne Zeta dessiné par Gio Ponti (1954), vedette d’une publicité issue des archives Ideal Standard (©musée MAXXI, exposition Gio Ponti. Amare l’achittetura) – le totem monolithe Tipo Z d’Ideal Standard, design Palomba Serafini Associati (2021).
Illustrations dans le texte :
♦ Portrait de Gio Ponti, 1950, auteur inconnu (Mondadori éditions) ©WikiCommons – Linea Diamante, 1957, dessin de Gio Ponti ©Archives Gio Ponti – lavabo sur colonne Tipo d’Ideal Standard, 1954, design Gio Ponti.
♦ Portrait de Ludovica+Roberto Palomba (Palomba Serafini Associati) – Esquisse de Tipo-Z par Roberto Palomba – Totem Tipo-Z d’Ideal Standard, 2021, design Palomba Serafini Associati.