Dessinée par Jean-Marie Massaud pour Axor et symbole de l’interaction réussie entre création et production, la collection Edge présentée sur ISH 2019 élève la robinetterie au rang d’œuvre d’art, convoquant des références culturelles fortes par sa surface diamantée et sa forme très construite. Décryptage d’une sculpture architecturale qui sublime la « cascade de la maison ».
Edge n’est pas le premier robinet à arborer un guilloché qui, fait de savants usinages en guise de décor, le transforme en bijou de la salle de bains. Les pionniers de cette tendance apparue depuis près de cinq ans sont Horus (Myriad), Stella (TimeAster) et Nobili (Dress), lesquels ont remis quasi simultanément sur le devant de la scène cette technique de taille ornementale en facettes héritée de l’horlogerie de luxe (une invention de la manufacture horlogère suisse Breguet, vers 1786) et de l’orfèvrerie (la référence du genre étant les pièces de poche Art Déco, comme les briquets Dupont).
Valoriser les liens entre industrie et culture
Soulignant « en France, la grande tradition culturelle des Arts Décoratifs », Jean-Marie Massaud s’inscrit dans cette lignée tout en traçant sa propre voie. Il avance l’idée personnelle selon laquelle « le luxe c’est, bien sûr, la qualité et la compétence. Mais il y a dans le luxe une autre dimension, celle de la valeur ajoutée. C’est la dimension de la culture, du patrimoine, transposée à notre époque. C’est une autre dimension, qui n’est peut-être pas nécessaire, mais transmet une culture. » Et d’ajouter, sans fausse modestie et avec assurance, « avec cette nouvelle collection, Axor Edge, nous explorons le monde d’une finition parfaite ». En témoignent ici les arêtes biseautés (angle à 45°) et les angles d’une précision extrême, morceaux de bravoure techniques qui ont réclamé l’installation d’une ligne de production spécifique…
Transformer un objet d’usage quotidien en sculpture
L’idée de Jean-Marie Massaud ? « Faire un robinet qui, en plus d’être coulé et poli, représente une sculpture », prenant en exemple les projets sur lesquels « des architectes collaborent avec de nombreux artisans et sculpteurs très talentueux pour créer une structure de façade, par exemple. »
A bien y regarder, outre les micro-gravures virtuoses formant des pyramides tronquées qui animent de leur taille diamant la « façade » du robinet, celui-ci procède de l’assemblage de corps géométriques qui, « édifiant » un ensemble asymétrique, lui donnent comme un air de construction architecturale.
Une chute d’eau dans la salle de bains
Dans le registre des illustres monuments, son design nous rappelle d’une certaine façon la Falling Water (1936-1937), maison édifiée en Pennsylvanie d’après les plans de l’américain Frank Lloyd Wright (1867-1959). Dans une correspondance subtile avec Edge, cette demeure se distingue par des larges surplombs (en béton armé) projetés asymétriquement au-dessus de la cascade de la rivière Bear Run. La robinetterie Axor Edge et la demeure d’Edgar J. Kaufmann ont en effet en commun de présenter une composition originale qui mixe lignes verticales et horizontales. Ces dernières animent l’espace en créant des porte-à-faux. Leurs masses sont projetées dans l’espace de façon « explosive » dans différentes directions et avec différents effets de saillie.
Défier la gravité
Les étages étant installés perpendiculairement ou parallèlement, chaque avancée en « décalage » augmente l’impression de légèreté et confèrent à la Maison sur la Cascade son aspect sculptural. Sur Edge, les blocs qui architecturent le robinet semblent également flotter les uns à côté ou au dessus/dessous des autres, donnant naissance à une structure aérienne de volumes cubiques. Epurée, cette construction audacieuse joue à nos yeux de la même façon avec le vide que le chef d’œuvre de Frank Lloyd Wright alors que le guilloché sublime la matière en mettant en scène en “façade” l’ombre et la lumière.
Mise en abyme
Voulant fondre la Maison sur la Cascade dans la nature dans une approche organique qui prône l’harmonie entre l’homme et son environnement, le fondateur de l’architecture moderne demandait à ses commanditaires : « Je veux que vous viviez avec la cascade, pas que vous vous contentiez de la regarder, il faut qu’elle fasse partie intégrante de votre vie ». Ce principe, cette philosophie, trouve une certaine résonance en Edge, robinetterie dont le corps en laiton massif fait aussi corps avec l’eau, captive et non sauvage cette fois, pour en transcender le spectacle, au quotidien, dans la salle de bains. « Une œuvre d’art authentique et fonctionnelle qui partage les moments intimes de la vie : voilà ce que j’appelle le luxe », explique Jean-Marie Massaud, son credo faisant étonnement écho au vœu de Frank Lloyd Wright. Une manière pour le designer de « susciter une émotion en surprenant les gens (…), de partager une expérience vécue dans ce monde extrêmement sophistiqué où les meilleurs architectes et décorateurs d’intérieur tentent de créer des œuvres d’art » confirmant que « Axor Edge peut être un élément de cette composition unique. »