Selon le rapport 2021 de l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance, disséqueur de consommateur et décrypteur des tendances d’achat, deux ans de pandémie ont transformé l’un et redéfini les autres. Ainsi, les contraintes d’hier sont devenues les habitudes d’aujourd’hui. Le commerce doit le suivre… ou mourir !
Le consommateur a une vie propre, voire des vies propres. D’après l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance [1], plus qu’un simple acheteur, il est aujourd’hui un vendeur, un influenceur et… un acteur du changement. Pour les enseignes et les marques, le suivre exige non pas une réponse mais plusieurs avec, en ligne de mire, l’idée qu’il ne faut plus se concentrer sur la seule transaction, mais accompagner et trouver le juste équilibre entre commerce online et offline.
L’économie circulaire est en route
C’est le CtoC, qui progresse inexorablement, à travers des plateformes telles Vintage, Vinted ou Selency (mode et mobilier), Back Marjet et Reware (téléphonie)…, dont les chiffres d’affaires explosent. La circularité est un nouveau levier d’affaires et les initiatives de la part des acteurs historiques se multiplient dans le monde entier : aux USA, Walmart s’associe avec ThredUP, friperie géante ; Zalando, vendeur en ligne de chaussures, lance une offre de seconde main dans six pays européens, dont la France ; Ikea qui, en complément des notices de démontage de ses meubles, ouvre des Circulars hubs consacrés au reconditionnement et à la revente ; et devient fournisseur d’électricité verte, de même que Tesla…
Car l’économie circulaire, c’est aussi la protection de l’environnement, dont certaines enseignes se saisissent. Par exemple Färm, réseau d’épiceries bio belges, affiche les prix en monnaie carbone pour changer le référentiel et sensibiliser le consommateur. Ou bien Seb, qui crée un réseau de dépanneurs pour réparer afin de moins dépenser, ainsi que Darty Max, qui permet la réparation de tous les appareils, achetés ou non via l’enseigne.
Tout le monde se veut vertueux, mais qui l’est réellement ? La question de la légitimité de certaines marques ou enseignes se pose, que les labels et certifications, qui se multiplient, parviendront – ou pas – à lever.
Le prix, encore et toujours, et le consommateur vendeur et trader
Le prix demeure le leitmotiv. Le consommateur, restreint par son budget – le low-cost, modèle gagnant d’avant la pandémie, poursuit son insolente croissance –, devient marchand, gérant sa propre boutique, mais aussi trader, pour augmenter ses revenus.
La crise sanitaire a boosté les Bitcoin, NFT et autres cryptomonnaies. L’Echangeur cite les œuvres d’art numériques, ainsi que le jeu en ligne Axie Infinity (valorisé à 7,5 milliards de dollars), qui permet d’élever des petits monstres virtuels et de les revendre (entre 200 et 130 000 dollars !), indiquant que « cette virtualisation de la monnaie désacralise le rapport à l’argent. » Le NFT devient aussi une sorte de goodie, dont la valeur augmente avec le temps. L’exemple est celui de McDonald’s, qui a créé sa propre collection de NFT, en publiant quatre vidéos, tokenisées (un token étant un jeton enregistré pour toujours sur une blockchain et associé à un objet immatériel ou physique qui, coté sur les marchés, peut servir de titre de propriété ou de monnaie d’échange).
Mais plus généralement, les enseignes veulent donner du pouvoir d’achat, tels Intermarché avec des réductions de -5% aux étudiants ou Don’t Call Me Jennyfer qui, à la rentrée, a offert à ses jeunes clientes de définir elles-mêmes le prix de leur achat – un gros succès. Ikea, dans le magasin parisien de la Madeleine, affiche deux codes couleurs à côté des prix : le jaune, pour les produits qui privilégient le prix, et le vert, pour ceux qui sont durables.
Dans ce contexte, les services de location ont aussi le vent en poupe. Celui de Kiabi, avec des formules d’abonnement mensuel pour louer des vêtements – de grossesse par exemple.
La digitalisation : le shopping en ligne évite les corvées ou se fait jeu
Confiné, le consommateur a combiné commerce de proximité et achat en ligne et, déconfiné, il ne change rien. En Europe, l’e-commerce représente, selon l’Echangeur, 14 % du commerce global, dont il accélère la mutation.
La livraison devient multiforme dans les grands centres urbains (Gorillas, Flink, Yango Deli…) : par coursier en 2 heures, express en un jour, sur rendez-vous, en soirée, en points relais chez un commerçant et même chez un voisin référent (Pickme). Les services de conciergerie se multiplient, proposant aussi des services (coiffeur, ménage, garde d’animaux…). La livraison est un critère de fidélisation et le livreur un ambassadeur de la marque. « L’humain n’a jamais été aussi visible que dans l’e-commerce, souligne l’Echangeur, citant Flink, Shipt de Target, qui proposent un acheteur, au choix, pour faire les courses à votre place.
Mais la digitalisation, c’est aussi les réseaux sociaux, « qui sont en train d’optimiser le nombre de clics entre inspiration et achat. » Nos écrans deviennent des plateformes d’e-commerce, utilisés par des vendeurs qui, parfois, ne possèdent même pas de site Internet. Screenshop, acquis par Snapchat, peut, à partir de la photo d’une tenue vestimentaire prise dans la rue ou récupérée sur Internet, proposer des vêtements en accord via les partenaires de l’application. 200 millions de personnes auraient déjà utilisé cette fonctionnalité ! Bien sûr, ces usages ne concernent pas tout le monde, mais ils sont intégrés par les jeunes.
La digitalisation, c’est encore la réalité virtuelle et le magasin 360°, vulgarisé par les agences immobilières qui donnent la possibilité de visiter un appartement sans sortir de chez soi. Les boutiques s’offrent aux visiteurs, qui découvrent les produits comme en vrai. Et si demain le commerce se faisait au domicile du client, interroge l’Echangeur, évoquant Tupperware et Thermomix, qui étaient peut-être en avance sur leur temps… Car dès lors que l’achat est plaisir, l’humain est de retour : styliste, conseiller déco, personal shopper… Sur son appli, Sephora permet, comme dans la vraie vie, de partager l’instant avec ses amies, chacune pouvant donner son avis en direct sur un look ou un achat, lorsque le produit est mis dans le panier. Les écrans sont en train d’évoluer, devenant plus tactiles, permettant de ressentir la matière, tels le bois, la laine, afin de redonner de la sensation.
Le magasin : faire revenir les consommateurs
Lieu d’expérience et de réassurance, le point de vente doit encore s’adapter, afin de retrouver le trafic en recul et de garder la relation avec le client, sans se battre à coups de remises et de promos. L’Echangeur a repéré cinq nouveaux rôles qu’il pourrait jouer à l’avenir, mis en œuvre par des distributeurs, mais aussi des marques, quand elles veulent prendre en main leur commercialisation.
♦ Le magasin brocante est dédié à la seconde main (ReTuna en Suède, situé à proximité d’une déchèterie).
♦ La marketplace physique offre de l’espace à de nouvelles marques, plus durables, afin de permettre des découvertes tout en soignant son image. L’Echangeur cite la startup française Renée Corner, dont la vocation est de commercialiser des espaces éphémères dans des enseignes du quotidien.
♦ Le magasin club, avec des zones de détente, de télétravail, de shopping… et des programmes d’abonnement, moyen efficace de maintenir une clientèle captive (Best Buy aux USA, les marques automobile Lynk & Co ou Nio en Chine).
♦ La bibliothèque où l’on peut emprunter un produit, par exemple un lit d’enfant le temps qu’il grandisse, un appareil à raclette pour une soirée (We Play Circular de Decathlon en Belgique, Je m’appelle reviens de Monoprix…).
♦ Le magasin média se positionne non plus en marque mais en média qui possède des magasins. Exemple : DCM Jennyfer, très présent sur TikTok, propose chaque jour des contenus différents.
Les services pour faire la différence
Multicarte, le consommateur se fait plus exigeant. Mais les opportunités de l’accompagner au-delà de son achat existent à chaque étape de sa vie : déménagement, naissance, départ à la retraite, solutions de mobilité… Marques et enseignes, mais aussi marketplaces, deviennent des tiers de confiance, évoluant en plateformes de services qui vont bien au-delà de leur métier d’origine, afin de bâtir une relation de confiance forte et pérenne.
Ainsi, alors que certaines enseignes font tout pour réduire l’attente en caisse, allant jusqu’à s’occuper du chariot du client (Monoprix), d’autres donnent, au contraire, la possibilité à ceux pour qui la venue en magasin est une opportunité de rencontres de s’y attarder et de papoter (Jumbo, aux Pays-Bas). En France, Cdiscount.com déploie avec la startup PIVR, une aide à la réparation à distance de l’électroménager hors garantie, par visioconférence, tandis qu’Amazon déploie un service de montage des meubles en kit achetés sur sa plateforme.
« Plus que jamais, conclut Matthieu Jolly, responsable Innovation et Services chez l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance, [les enseignes] doivent donc travailler leur politique d’innovation autour de deux axes : leur métier d’aujourd’hui pour lequel elles doivent viser l’excellence opérationnelle pour maximiser leur chiffre d’affaires à court terme, et leur métier de demain afin de se singulariser des concurrents directs et indirects en créant une préférence client grâce notamment à des services engageants. »
[1] Depuis 1997, l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance identifie et analyse les tendances émergentes du commerce pour partager, avec les marques et enseignes, une vision claire des enjeux de la consommation de demain et les accompagner, en toute neutralité, dans leur transformation. Il les invite à rejoindre le Club Echangeur « pour inventer ensemble le commerce de demain ».
Photo d’ouverture : iStockphoto, ©Kwangmoozaa.