Après une année 2015 plutôt satisfaisante, les grossistes du groupement Algorel se montrent optimistes pour 2016. Rencontre avec Nicolas Mugnier, président du groupement, Géraud Rouchy, vice-président et Jean-Philippe Pastor, président de la branche chauffage-sanitaire.
Quel bilan portez-vous sur l’année 2015 ?
Nicolas Mugnier : L’année 2015 s’est mieux terminée qu’elle n’avait commencé. Au global, le bilan est plutôt positif pour nos adhérents dont les résultats se situent au dessus du marché, de l’ordre de +2 à +3 % en consolidé sur les trois branches sanitaire-chauffage, électricité et carrelage. Si l’on devait trouver une explication à cette performance, je la mettrais sur le compte de la réactivité, de la proximité, de la taille de nos structures et de l’implication de nos équipes. C’est la force des indépendants… 2015 a également été une année de consolidation pour notre groupement, suite à l’agrandissement de notre famille en 2014, avec l’intégration des branches électricité et carrelage.
Quel est le moral de vos clients installateurs ?
Nicolas Mugnier : On ressent un léger mieux depuis quelques mois, même si certains professionnels manquent encore clairement de travail. Les années 2013 et 2014 ont été terribles, qui ont vu flancher des entreprises historiques, bien installées, alors qu’auparavant c’était surtout les plus récentes qui étaient les plus fragiles. Il y a de vrais problèmes de trésorerie. Nous dépensons beaucoup d’énergie à faire du sur-mesure pour trouver des solutions. La LME (loi de modernisation de l’économie) a aggravé les choses, en obligeant de payer ses fournisseurs à 45 jours, c’est-à-dire avant d’avoir été payé par le client. Ceux qui travaillent pour l’Etat ou les collectivités sont mal payés. Et en bout de chaîne, ça se reporte souvent sur nous. C’est un vrai problème. On fait banquier. C’est un service non rémunéré.
Géraud Rouchy : Il y a certes des problèmes économiques, mais il y a aussi l’aspect climatique. Cela fait deux ans de suite que l’on n’a pas d’hiver. De plus, le coût de l’énergie est très faible. On a aujourd’hui des bâtiments très bien isolés, qui nécessitent moins de gros matériels, des radiateurs moins puissants. Il n’y a pas qu’une baisse d’activité pure, mais il y a une baisse du panier moyen. On a connu des années où c’était la course à l’armement, on faisait des usines à gaz. On est revenus à des choses plus simples. Qui aurait imaginé que les chaudières classiques au fioul seraient en tête des ventes cette année ?
Comment voyez-vous évoluer le métier d’installateur ?
Jean-Philippe Pastor : On sent un métier en mouvement, avec des électriciens qui se mettent au chauffage et des chauffagistes qui évoluent vers la salle de bains. On a aujourd’hui 30 % de plombiers chauffagistes qui font de l’électricité et inversement 30 % d’électriciens qui se mettent au génie climatique. Il y a encore quelques années, il y avait l’électricien, le chauffagiste, chacun son domaine. Aujourd’hui tout s’estompe. Ce qui fait qu’au bout du compte, on ressent une percée d’une nouvelle clientèle que nous n’avions pas. Cela fait partie des raisons qui ont amené Algorel à s’intéresser à l’électricité.
Nicolas Mugnier : Cela semble a priori plus facile pour le distributeur sanitaire-chauffage de capter l’électricien que l’inverse. Nous avons à notre avantage d’avoir déjà investi sur les outils de vente, les salles d’expo, etc.
Avec Internet et le commerce en ligne, quel est l’avenir du point de vente ?
Nicolas Mugnier : L’installateur se déplace encore pas mal. Mais tout peut évoluer, c’est sûr.
Géraud Rouchy : Les libres-services fonctionnent bien. On est encore dans une approche très traditionnelle où la proximité est appréciée. Cela va sûrement changer à 10 ou 15 ans, mais à court-moyen terme, j’ai tendance à penser que les lignes ne vont pas considérablement bouger.
Véronique Bronner (directrice marketing) : Les différents outils ne se superposent pas mais au contraire sont complémentaires. Chaque canal de distribution a sa finalité : ce que l’on va chercher sur internet, on ne viendra pas forcément le chercher dans le magasin. Le magasin va rester une valeur essentielle dans la chaîne de distribution. Il est porteur de beaucoup de valeur. Il évoluera certainement, mais il reste un maillon essentiel dans lequel on investit beaucoup.
Jean-Philippe Pastor : Globalement, l’entreprise se déplace de moins en moins. Mais pas l’artisan, il a besoin de ce contact. Mais le point de vente devra nécessairement évoluer. J’imagine par exemple une zone de « drive » où l’on pourra récupérer le matériel à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, dans un sas que l’on ouvre au moyen d’un code que l’on reçoit par SMS.
Des points de vente misent sur la rapidité de livraison plutôt que sur les stocks en agence, est-ce que c’est dans votre stratégie ?
Nicolas Mugnier : De mon point de vue, le client est sensible à la disponibilité en magasin. Privilégier la mécanique logistique et la livraison à J+1 au détriment du stock en agence peut avoir un effet psychologique inverse sur le client. C’est intéressant d’avoir une super logistique, mais je ne suis pas sûr que des points de vente de plus en plus petits où tout est disponible à J+1 soient le modèle gagnant. Les indépendants comme nous continuent plutôt à miser sur la proximité.
Jean-Philippe Pastor : C’est rassurant de voir qu’il y a du stock et une infrastructure. L’artisan a besoin de savoir que s’il y a un problème, il y aura quelqu’un en face. On est sur des marchés très techniques, il doit y avoir une relation. Et elle ne peut se faire que par le point de vente. Chaque fois que j’ouvre un point de vente, j’essaye de le faire d’une taille suffisamment importante pour que le client se dise : c’est du sérieux, et à partir de là, c’est le bouche à oreille qui fait le reste. Mais il doit aussi y avoir un site internet. Le but n’est pas dire que l’on va rester sur du traditionnel. Il faut également proposer du digital, pour que les clients puissent accéder à leurs prix, leurs factures, passer leurs commandes, faire leurs devis, etc. Le digital aussi contribue à la notoriété. Le site doit donner envie, au final, de venir en point de vente.
Comment se profile 2016 ?
Nicolas Mugnier : On a l’impression que la dynamique se poursuit et que nous allons vers une année encore meilleure que 2015. Cela se ressent par la fréquentation de nos points de vente, qui est en augmentation. Mais la conjoncture est toujours très difficile à prévoir, et les retournements sont parfois brutaux. Pour que cela reparte vraiment, il faut que les particuliers et les entreprises reprennent confiance et investissent. La COP 21 a créé une dynamique, une prise de conscience qui sera bonne pour nos métiers.
Jean-Philippe Pastor : J’ai tendance à être dans une « positive attitude » pour 2016. On a la chance d’être sur un métier avec de l’innovation, où il se passe toujours quelque chose. On n’est pas sur un marché saturé. Le marché du remplacement est énorme et ce qui va nous tirer, c’est la technicité.
Et la salle de bains ?
Jean-Philippe Pastor : On a pris des parts de marché dans la rénovation. Sur le neuf en revanche, on constate une baisse depuis déjà quelques années. De plus en plus de particuliers viennent s’informer, savent ce qu’ils veulent. C’est un vrai changement. Et c’est là où l’on se démarque de la GSB : on a des conseillers de salles d’expo qui renseignent le particulier qui passe à l’achat beaucoup plus vite. C’est toute l’importance du showroom : les gens viennent parce qu’ils ont besoin de voir les produits, les toucher. On a des visites beaucoup plus qualifiées. Personnellement, j’ai un taux de retour de réalisation de devis de 50 %, c’est énorme. L’installateur y trouve son compte. Il se déplace de moins en moins en salle d’expo, il envoie ses clients et, à l’arrivée, l’affaire est traitée, et il la récupère… C’est un vrai service pour lui.
Photo, de gauche à droite : Jean-Philippe Pastor, président de la branche sanitaire-chauffage ; Nicolas Mugnier, président du groupement ; Géraud Rouchy, vice-président.